Il y a quatre ans, je vous disais que Trump était soluble dans les institutions américaines et que le débat de fond était si les Américains, après 4 ans de téléréalité, n’allaient pas zapper le Trump show. Non seulement les Américains ont zappé, mais ils ne veulent pas que le Trump show revienne à chaque saison comme les Kardashians. Une saison du Trump show et clap de fin. Trump ne sera pas à l’investiture de Biden et il ne laissera probablement pas de courrier sur le bureau ovale à son successeur. Trump n’a respecté aucune des traditions que les Américains ont sacralisées avec le temps. La République n’est pas naturelle. C’est un accident de l’histoire, pour ne pas dire une création humaine. C’est pourquoi une République a besoin de traditions et de rituels qui sont son âme. Après la profanation du temple du Capitole par les hordes trumpistes, les pays rivaux des Etats-Unis en ont naturellement profité pour les présenter comme une République bananière, comme une démocratie du tiers-monde ou même, avec beaucoup de perfidie, comme la preuve ultime des limites de la démocratie. C’est de bonne guerre, car qui veut noyer son chien l’accuse de rage. Mais ils vont rapidement déchanter.
Comme Hitler s’emparant du pays de Goethe, de Schiller et de Beethoven, Trump a été un accident de l’histoire. Hitler a plongé l’Allemagne, un des piliers de l’histoire de la pensée, dans la barbarie primitive nazie, en supprimant la démocratie qui lui avait permis d’arriver au pouvoir. Trump a été certes un accident, un intermède malheureux et peu glorieux dans l’histoire des Etats-Unis, mais les Américains ont réussi à fermer rapidement la parenthèse en le jetant dans les poubelles de l’histoire. Ce que les Allemands n’avaient pas réussi à faire, parce que hypnotisés par le caporal Hitler.
Le fait que l’ouragan Trump n’ait pas réussi à dévaster les institutions américaines, comme l’ouragan Katarina l’avait fait avec la Floride et la Nouvelle Orléans, confirme encore la grande sagesse et la vision exceptionnelle des rédacteurs de la Constitution américaine, le meilleur texte politique que les hommes ont jamais produit. Ce texte qui a permis de contenir l’ouragan Trump, transformer les 13 colonies sur la côte Est en un pays continent entre 2 océans, de survivre à la guerre de sécession, d’envoyer un homme sur la lune, est le bien le plus précieux de l’Amérique, parce que ce texte qui fait plus confiance aux institutions abstraites et impersonnelles qu’aux humeurs ou aux intérêts des hommes, a permis de bâtir un système où les acteurs, à commencer par le Président, sont une variable. C’est parce qu’aux Etats-Unis le système est plus fort que les hommes que Trump a été soluble dans les institutions.
Dans une démocratie, le système est toujours plus fort que les acteurs. Et on ne peut pas en dire autant des pays qui ont monté en épingle l’invasion barbare du Capitole. Dans la plupart de ces pays, le chef de l’Etat se substitue au système. Dans notre pays, c’est parce que le système devient de plus en plus fort face aux acteurs que l’alternance est devenue la «respiration naturelle» du système et qu’on peut passer d’un régime à un autre (2012) d’une ère politique à une autre (2000) en une semaine. Ce que les Américains ne savent pas faire. Sur ce plan, nous sommes les champions du monde, mais il faut aussi éviter d’être les champions du monde en termes de modifications constitutionnelles.
En soixante ans, nous avons plus modifié notre Constitution que les Américains en plus de 3 siècles. L’histoire des Etats-Unis regorge de grands discours d’investiture comme Lincoln tendant la main aux Etats sudistes pour éviter la guerre, Kennedy invitant les Américains à se lancer à la conquête de la nouvelle frontière (l’Espace) ou Roosevelt invitant les Américains à vaincre la peur et avoir confiance en leur destin après la crise de 1929. Biden, lui, devra rappeler qu’une démocratie, ce sont des institutions solides, mais aussi et surtout des hommes qui s’y soumettent en respectant les règles. La démocratie est une affaire de textes, mais surtout de gentleman. Ce que Trump n’a jamais été.
Yoro Dia
Analyste politique