Les Sénégalais ont maintenant l’habitude d’entendre chaque matin ce communiqué officiel :
« Ce jour (date complète), le ministère de la Santé et de l’Action sociale a reçu les résultats des examens virologiques ci-après : sur xxx tests réalisés, xx sont revenus positifs, soit un taux de positivité de x%. Les cas positifs sont répartis comme suit : tant de cas contacts suivis par nos services, tant de cas importés, tant de cas issus de la transmission communautaire (longue liste de localités avec des chiffres). Tant de patients hospitalisés ont été contrôlés négatifs et déclarés guéris. Tant de cas graves sont pris en charge dans les services de réanimation. Tant de décès ont été enregistrés ce jour (date complète). L’état de santé des autres patients hospitalisés est stable. A ce jour, tant de cas ont été déclarés positifs dont tant de cas guéris, tant de décédés, et donc tant sous traitement… »
Au début, presque tout le monde y croyait. Au fil du temps, cette confiance s’effiloche de jour en jour. Beaucoup pensent que ces chiffres sont bien au-dessous de la réalité tandis que beaucoup d’autres les estiment largement exagérés. Dans les deux cas, ils sont persuadés qu’on ne leur dit pas la vérité. Aux premiers, il suffit de répondre que ces chiffres ne concernent que les cas répertoriés. Aux seconds, le ministère n’a qu’à dire d’où viennent ces chiffres, ce qui doit lui être très facile.
D’autre part, il y a ceux qui ne croient même plus à l’existence du virus. Et pour les convaincre, l’État en est arrivé à diffuser des spots publicitaires avec des comédiens qui récitent leurs textes. N’est-il pas plus simple de répondre clairement aux questions que les Sénégalais peuvent et doivent légitimement se poser.
« Le ministère de la Santé et de l’Action sociale a reçu les résultats des examens virologiques ci-après… » Qui lui donne ces résultats ? L’Institut Pasteur ? Le docteur Seydi ? Un ange qui descend du ciel ? Mystère et boule gomme !
Par ailleurs, le nombre de tests quotidiens déclaré variant entre 1500 et 2500, qui sont ces centaines de milliers de personnes déjà testées ? En faites-vous partie ? En connaissez-vous dans votre entourage ? La plupart des gens ne savent même pas où se faire tester. Alors, d’où viennent ces chiffres et comment les collecte-t-on ?
Est-ce que les tests sont gratuits ? Nous savons que ceux qui en ont besoin pour prendre l’avion doivent débourser 40.000 francs. Qu’en est-il pour les autres ? Aussi, au Sénégal, si vous avez une maladie contagieuse, tout le monde vous fuit, vous êtes stigmatisé. Comment donc des centaines de milliers de personnes, jusqu’aux coins les plus reculés du pays, peuvent-elles, de leur propre gré, aller se faire tester ? Le ministère a forcément les réponses, lui qui transmet les chiffres. Mais donner des chiffres sans citer ses sources, des chiffres que nul ne peut vérifier, tout le monde en est capable.
Le ministère dit que les cas contacts sont suivis par ses services. Comment ? Et comment sait-on que ce sont des cas contacts ? Combien de cas contacts par famille ?
Que fait-on des cas importés ? On les hospitalise, on les renvoie d’où ils viennent ou on les laisse se fondre dans la nature et contaminer ceux qu’ils trouvent sur place ? Est-ce que tous les arrivants sont testés ? Y a-t-il des contrôles à toutes les portes d’entrée du pays ? Comment sont-ils effectués ?
Pourquoi le ministère ne localise que les cas issus de la transmission communautaire ?
Pourquoi le ministère ne dit pas le nombre de personnes testées depuis le début de la pandémie ? N’a-t-il pas tous les chiffres ?
Que tout soit clair ! Le peuple ne demande que ça. Si je déclare qu’il y a eu hier 57 cas positifs à Dakar, un (1) à Ndoffane, à Ngapparou et à Nguekhokh, personne ne pourra me contredire car il n’y a rien de vérifiable.
Au lieu d’énumérer seulement des villes et des quartiers, le ministère doit citer ceux qui lui donnent les chiffres. Par exemple : Hôpital Fann : 704 tests, 89 positifs, deux (2) décès… Dispensaire de Kaffrine : 27 tests, trois (3) positifs… Institut Pasteur… Hôpital Lübke de Diourbel… Ou alors dire carrément les noms des personnes qui fournissent les informations.
Vu la gravité de la situation et les suspicions, un long communiqué clair et détaillé, avec une traçabilité vérifiable, sied plus qu’une rapide litanie de chiffres dont on ignore la provenance.
Par Bathie Ngoye Thiam