Ils constituent 65% des douze millions de sénégalais que nous sommes. Ils, ce sont les paysans de notre pays. Aujourd’hui, ils sont les victimes d’une politique délibérée de liquidation du système mis en place depuis plus d’un siècle qui leur a permis de vivre et de satisfaire leurs besoins et ceux de leurs familles. En fait ils sont soumis à une asphyxie qui ne dit pas son nom. La décision de supprimer le système en vigueur, traduit une mort programmée et mise en œuvre par le pouvoir en place.
Avec une récolte annuelle de 1.300.000 T d’arachides dans les bras, le gouvernement a d’autorité décidé de ne commercialiser et de subventionner que les 300.000 T sans se soucier nullement du sort réservé au reliquat de 1.000.000 tonnes. Pire, la commercialisation effective et régulière des 300.000 T n’est nullement assurée et garantie. Depuis l’ouverture de la campagne arachidière les difficultés s’ajoutent aux difficultés et les paysans, abandonnés à eux-mêmes, ne savent plus à quel saint se vouer.
Situation catastrophique qu’illustrent parfaitement ces propos tenus par un paysan du nom de Bassirou Dieng, habitant du village de Typ, dans le département de Mbacké : « Depuis le défrichage jusqu’à la date d’aujourd’hui, personne ne peut jouir des fruits de sa récolte » (cf le Populaire du 22/02/11).
Les propos tenus par le ministre de l’agriculture à la sortie d’une réunion avec les huiliers et les banquiers sur les blocages de la campagne arachidière rendent encore plus compte de la gravité des conditions de vie des paysans qui se sentent carrément abandonnés. Le ministre s’est exprimé en ces termes : « Nous nous sommes rendus compte que les livraisons dans les usines étaient importantes. Aujourd’hui elles sont de l’ordre de 140.000 tonnes. Mais nous avons constaté que depuis un certain temps, les huiliers ne payaient plus les livraisons de graines. » Après avoir révélé que sur ce tonnage, seul 40% ont été payés, il ajoute : « Les huiliers doivent aujourd’hui un encours de 15 milliards de francs CFA. C’est une situation intolérable dans la mesure où ce sont les graines des paysans qui ont été prises et livrées au niveau de ces usines-là ». « les huiliers n’ont pas respecté leurs engagements » ; « c’est une situation que le gouvernement ne saurait accepter. » (cf Walfadjri des 5 et 6 février 2011). Depuis, ces menaces sont restées lettres mortes. Ce qui se vérifie par les informations lvrées à travers la presse rendant compte des réactions des OPS allant jusqu’à menacer d’envahir les usines pour se faire payer.
Cet état de fait ne peut plus durer. 65% de la population de notre pays ne doivent plus continuer à être traiter comme ils le sont actuellement.
Les paysans sont les premiers concernés dans la recherche de solution au traitement dégradant et méprisant qui leur est réservé par les pouvoirs publics. La gestion de la gifle qui leur est administrée leur incombe au premier chef. Et comme on dit chez nous, la gestion de la gifle que l’on a reçue ne se délègue jamais. Il faut qu’ils sachent que l’attentisme et le fatalisme qu’ils continuent d’observer ne leur seront d’aucun secours. Il faut qu’ils prennent conscience du fait que d’eux seuls dépend la solution réelle de leurs maux. S’organiser, se mobiliser et agir massivement demeurent les seules armes qui peuvent leur permettre de mettre enfin un terme définitif aux gémonies auxquelles les vouent de manière récurrente les pouvoirs publics.
Cela a trop duré ; le moment est venu pour les paysans de se prendre en charge eux-mêmes et de se battre pour la réalisation de ce programme minimum articulé autour des points suivants :
- Nationalisation de la SUNEOR ;
- Dégagement des Opérateurs privés stockeurs (OPS), intermédiaires vampires ;
- Organisation de la commercialisation de la production agricole avec implication directe des paysans producteurs ;
- Suppression du système carreaux usine ;
- Commercialisation et transformation de la totalité de la production agricole nationale au prix de la suspension de l’importation de tous autres produits concurrents.
C’est bien là le passage obligé pour mettre fin au calvaire du monde paysan qui, d’année en année, ne cesse de s’appauvrir et de rejoindre ainsi les rangs des exclus de notre société.
C’est la seule grande offensive qui vaille et que les paysans doivent engager avec détermination pour leur propre bien être que personne d’autre ne peut leur donner.
Les carences révélées par les huiliers en général, et la SUNEOR en particulier dans leur intervention dans les différentes campagnes arachidières de ces dernières années sont la preuve manifeste que le secteur privé est loin d’être la panacée à nos problèmes de développement, contrairement à ce que les institutions de Bretton Woods veulent bien nous faire croire.
Dakar le 08 Mars 2011
ALLA KANE