XALIMANEWS: Après sa cuisante défaite au premier tour de la Présidentielle de 2019 face à Macky Sall, l’opposition sénégalaise a tiré très vite les leçons de cette expérience. Elle s’est complètement muée avec des profils divers et variés et un engagement radical. Qui sont vraiment ces leaders ? Sont-ils vraiment tous représentatifs ? Cette radioscopie permet d’avoir une idée claire de ces différentes forces politiques.
L’alternance générationnelle s’est faite en douceur. L’espace politique sénégalais est composé de personnalités plus ou moins jeunes qui animent le jeu. Particulièrement du côté de l’opposition, ce sont de nouvelles figures qui ont des trajectoires atypiques contraires à ce qui était constaté jusque-là. En effet, la carrière d’un homme politique était souvent résumé entre les pépinières, l’école de parti, le mouvement des jeunes et cadres avant d’atteindre le graal. Or, la plupart des nouveaux acteurs politiques ne sont pas des politiciens à la base. On retrouve des énarques, des banquiers, des juges, des professeurs, d’anciens soldats, des avocats, etc. qui, furieux du système et du mode de gestion de l’Etat, ont préféré se lancer en politique. Cependant, il faut noter qu’il y a quelques produits des systèmes de partis classiques. Une analyse de ces différentes formations ou camps politiques laissent entrevoir plusieurs catégories de leaders qui se différencient par leur trajectoire, leur popularité et leur influence. Dans le premier lot, on retrouve des leaders comme Ousmane Sonko, Khalifa Sall et Karim Wade. Ces derniers apparaissent aujourd’hui comme les têtes de file de l’opposition sénégalaise.
Incontestablement, Ousmane Sonko est le leader le plus en vue de tous. Il est arrivé troisième à l’élection présidentielle du 24 février 2019 avec plus de 687 000 voix soit 15,67%, derrière le président sortant Macky Sall et l’ancien Premier ministre et Président de Rewmi Idrissa Seck. Celui-ci ayant rejoint le pouvoir, Pastef devient naturellement la première force de l’opposition. Les Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (PASTEF) est créé en janvier 2014 par des jeunes cadres de l’administration publique sénégalaise, du secteur privé, des professions libérales, des milieux enseignants et des hommes d’affaires qui, pour la plupart, n’ont jamais fait de la politique. Pastef a pour idéologie de promouvoir une doctrine pragmatique, qui ne se confond avec aucune des idéologies historiquement reconnues : socialisme, communisme, libéralisme, etc. La seule cause qu’entend défendre le Parti est l’intérêt du peuple sénégalais. Les déboires judiciaires de son leader, accusé de viols répétitifs, loin de le déstabiliser, sont venus renforcer son leadership avec à la clé une fédération des forces politiques autour de Ousmane Sonko.
LES TETES DE FILE
A côté du Pastef, deux autres entités peuvent se disputer la place de numéro deux de l’opposition. Le PDS et le mouvement Taxawu Sénégal dont les leaders Karim Wade et Khalifa Sall ont vécu précédemment les mêmes expériences avec des avenirs politiques en pointillés. Ils sont aujourd’hui disqualifiés du fait de leurs emprisonnements respectifs. Quoi qu’il en soit, aussi bien Karim que Khalifa, personne ne s’est relâché. Mieux, ils sont en train de remobiliser leurs troupes pour se repositionner durablement dans l’espace politique. Et l’ancien maire de Dakar est plus actif. Ce socialiste de lait, exclu du PS du fait de son opposition à Macky Sall, se veut aujourd’hui le rassembleur de toutes les forces progressistes. Ses dernières sorties montrent qu’il veut récupérer sa vraie place dans le landerneau politique après avoir été freiné dans son élan par l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar. Accusé de détournement, il a été emprisonné puis privé de ses postes de député et maire de Dakar. Ces obstacles n’ont pas réduit son ardeur. Aujourd’hui, il déploie toute son énergie pour arriver à la magistrature suprême. Pendant ce temps, Karim Wade manœuvre depuis Doha. Et tout porte à croire qu’il prépare activement son retour. Wade-fils a ainsi envoyé 16 véhicules 8X8 aux libéraux qui ont entamé une tournée politique. A part sa disqualification, Karim Wade est en avance sur bon nombre d’acteurs politiques. Il bénéficie déjà d’un solide appareil qui lui est légué par son père et Secrétaire général du PDS, Abdoulaye Wade.
L’INTELLIGENTSIA OU LES INSURGES DU MACKY
La deuxième catégorie de leaders est composée de personnalités comme Abdoul Mbaye, le juge Ibrahima Hamidou Dème, Thierno Alassane Sall et Mamadou Lamine Diallo. Ces derniers essayent d’incarner l’intelligentsia dans le landerneau politique. Moins populaires que les premiers et malgré leur poids électoral faible, ils parviennent à exister du fait des idées qu’ils défendent, notamment à travers le Congrès de la Renaissance démocratique qu’ils partagent. Leur méthode consiste à poser le débat sur des questions économiques (pétrole, gaz, coopération…), de justice sociale, de transparence, de séparation des pouvoirs, d’une bonne administration de la justice. Et leurs profils respectifs font qu’ils sont très à l’aise sur ces sujets. Le leader de ACT, Abdoul Mbaye, a eu à diriger la Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale (CBAO) avant d’être bombardé premier ministre du premier gouvernement de Macky Sall. Défenestré au bout d’un an, il décide de se lancer en politique en créant l’Alliance pour la Citoyenneté et le travail (ACT). Thierno Alassane Sall a été également ministre à plusieurs reprises dans le gouvernement de Macky Sall. Refusant de signer un contrat d’hydrocarbures qu’il a jugé désavantageux pour le Sénégal, il a été éjecté de son poste. Furieux et ne se sentant plus à l’aise dans le parti présidentiel, il crée la République des Valeurs (RV). Le magistrat sénégalais Ibrahima Hamidou Dème avait lui démissionné de la magistrature parce que jugeant que la justice était fragilisée, malmenée de l’intérieur comme de l’extérieur. Regrettant le mode de fonctionnement de la justice et ne pouvant plus se taire, il avait préféré quitter les tribunaux pour se consacrer à la politique. Il a ainsi créé le mouvement « Ensemble ».
Enfin, le leader de Tekki et adepte du responsabilisme, le député Mamadou Lamine Diallo fait partie de ces hommes qui relèvent le débat politique aussi bien dans l’hémicycle que dans l’espace publique. Cet ancien fonctionnaire international connaît bien les questions économiques et budgétaires et fait un travail de veille et d’alerte pour informer l’opinion. Toutefois, on pourrait ajouter le Secrétaire général de AJ/PADS, Mamadou Diop Decroix à cette catégorie, même s’il n’est pas membre du CRD. En effet, celui-ci fait partie des leaders du front de résistance nationale (FRN). Mais sa connaissance des questions électorales et la manière de les aborder font de lui un vrai homme politique. Il se distingue aussi par sa longévité et son endurance dans les combats politiques. Depuis l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, il s’est fait remarquer dans toutes les luttes démocratiques.
LES JEUNES LOUPS
En outre, il y a une catégorie composée de leaders comme le capitaine Mamadou Dièye, Dr Babacar Diop, Thierno Bocoum, Déthié Fall et Abdourahmane Diouf. A l’image du juge Dème, le capitaine Dièye était un officier de l’armée qui n’a pas supporté la manière dont on a géré jusque-là la crise casamançaise et le fonctionnement de façon générale de l’armée. Ne pouvant plus rester dans le silence, alors qu’il y était tenu, il s’est retiré des rangs pour créer le mouvement «NIT». Il veut ainsi faire de l’homme le centre de toutes ses actions. Moins fougueux que lors de ses premières apparitions en public, il pense aujourd’hui être l’homme idéal pour diriger le pays. Quant à Thierno Bocoum, il est présent dans toutes les marches ou manifestations, qu’elles soient politiques ou sociales. Pur produit d’Idrissa Seck, il l’a soutenu à la dernière présidentielle, malgré le fait qu’il l’ait quitté après les élections législatives pour créer le mouvement Agir. Une structure portée sur les fonts baptismaux en grande pompe mais qui n’a pas réussi à avoir le même aura que son leader qui utilise les réseaux sociaux pour faire passer son message et exister politiquement. Il se prononce sur tous les faits de société et les affaires touchant l’intérêt national.
Né en 1977, Thierno Bocoum est Juriste de formation. Il est titulaire d’un diplôme de troisième cycle d’Etude Supérieure en Communication. Il est également titulaire d’un Master en sciences de gestion et en droit des affaires internationales. Il a été élu député en juillet 2012 sur la liste nationale de la coalition BBY. Dr Babacar Diop est un disciple de Mamadou Dia. Et il a certainement beaucoup appris aux côtés de cette grande figure politique du Sénégal. A chaque fois qu’il prend la parole, il capte son public par son éloquence, sa pertinence et sa capacité à haranguer les foules. Babacar Diop a la réputation d’être un révolutionnaire partout où il est passé. Né le 17 août 1982 à Baïty Bacar (département de Tivaouane), Babacar Diop a obtenu son doctorat en philosophie en 2011. Il est aujourd’hui Enseignant-chercheur au département de philosophie de l’Ucad depuis 2013, Maître de conférences titulaire. Il a publié le livre intitulé «Le feu sacré de la liberté: mon combat pour la jeunesse africaine », préfacé par le Pr. Djibril Samb. Aujourd’hui, il est le Secrétaire général des Forces démocratiques du Sénégal(FDS), un parti politique créé le 07 avril 2018 à Dakar.
Dernièrement, deux anciens Rewmistes ont rejoint le champ politique en créant leur propre chapelle. Ces anciens lieutenants d’Idrissa Seck, Déthié Fall et Abdourahmane Diouf, peuvent être logés dans cette catégorie d’acteurs politiques qui ont tout le temps pour construire leur carrière et s’imposer dans ce milieu hyper concurrentiel. Déthie Fall a déjà lancé le Parti républicain pour le progrès (PRP). Pour Abdourahmane Diouf, connu pour sa pertinence, il faudra encore attendre pour connaitre le nom de sa formation. En définitive, il existe des personnalités qu’on a du mal à classer à l’image de Me Madické Niang candidat déchu de la présidentielle, et du leader du Grand Parti Malick Gakou. Ce dernier a été longtemps pressenti du côté du pouvoir avant qu’il ne réapparaisse dernièrement du côté de l’opposition. Quant à Me Madické Niang, il est aussi difficile de le situer parce qu’il ne s’exprime plus et ne montre aucun signe d’opposition à Macky Sall
L’As