Ce serait sans doute par désespoir de cause, mais si le nouveau putsch d’hier est consommé, on ne peut plus ne pas envisager l’idée de mettre le Mali sous administration provisoire des Nations unies. On va devoir organiser la «transition de la transition», cette transition mise en place il y a de cela 7 mois et qui devait conduire à des élections pour rendre le pouvoir à des dirigeants civils. Personne ne s’y trompait, les militaires maliens ne semblaient pas être dans une logique de rendre le pouvoir, ils cherchaient à conduire la transition à leur avantage, histoire de rester encore plus longtemps aux manettes. L’élite politique malienne se révèle ainsi incapable de gouverner ce pays, de lui garantir une paix et une stabilité. Il est triste que l’histoire puisse bégayer de la sorte. Déjà, le 24 janvier 2013, les limites et carences de l’élite malienne étaient telles que nous nous posions la question de savoir : «Est ce qu’ils sont sérieux ?».
La responsabilité de la classe politique malienne est en cause, mais aussi celle de la Communauté internationale, notamment de la Cedeao et de l’Union africaine. A travers ces colonnes, nous avions cherché à attirer l’attention sur les dangers de la validation du putsch militaire qui avait eu raison du régime, certes honni de Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Nous ne savions pas si bien dire, car le 31 mars 2021, des militaires tentèrent d’empêcher l’installation de Mohamed Bazoum, nouvellement élu Président du Niger. Dans la foulée, des soldats ivoiriens avaient de leur côté tenté de prendre la caserne militaire d’Akouedo, la plus importante d’Abidjan.
En effet, l’acceptation du putsch militaire au Mali, avec une transition bricolée, constituait un précédent dangereux qui a pu justifier par la suite le putsch orchestré par des militaires au Tchad pour garder le pouvoir après la mort de Idriss Deby Itno. Ce nouvel «arrangement» au Tchad, validé par la Communauté internationale, avec la France en tête de file, en parfaite «complicité» avec l’Union africaine, ne pouvait que donner de mauvaises idées aux bidasses. D’ailleurs, le 26 avril 2021, nous disions, «gare à la nouvelle vague de putschistes», en soulignant notamment que «le côté dramatique de l’affaire est que le continent africain avait commencé à perdre le souvenir des putschs militaires, mais on constate une résurgence de ce mode de dévolution du pouvoir. Après les putschistes maliens qui avaient déposé Ibrahim Boubacar Keïta, nous mettions en garde, dans ces colonnes, contre un tel syndrome, car la tolérance dont la communauté internationale avait fait montre à l’endroit des putschistes maliens ne devait pas manquer de faire des émules. On vient ainsi d’accepter une transition de 18 mois pour les militaires tchadiens, le même tarif que pour leurs pairs du Mali, et sans aucune garantie pour la suite. Mieux, la situation sécuritaire dans le Sahel et le rôle que l’Armée tchadienne y joue autorisent même des faveurs pour les successeurs de Idriss Déby. Le Président français, Emmanuel Macron, a annoncé prendre le régime tchadien sous sa protection. Ne faudrait-il pas craindre que les putschistes, ainsi acceptés et adoubés, ne donnent des idées à des velléités de bruits de bottes dans d’autres pays à travers le continent ?».
On ne sait pas comment cela va se terminer à Bamako, mais il urge pour des pays comme le Sénégal de prendre l’initiative pour une maîtrise de la situation au Mali voisin, car l’insécurité au Mali devrait interpeller, car elle constitue pour nous une menace directe.
Madiambal Diagne