« Allô, Le Nord ! Ici, Le Sud ! » Le sud du Sénégal veut parler… à son nord. Par parenthèse et avant d’aller plus loin, le président de la République ne fait-il pas cap sur le septentrion du Pays ? Le Fouta, la chaleureuse, au propre et au figuré, terre de ses ancêtres, accueille, à son tour, le chef de l’Etat. Oui « Le Sud » veut parler au nord et « Le Nord » doit écouter Le Sud. Écoutons d’une oreille attentive mais tout sauf naïve, le cri du cœur d’Edmond Bora, ce responsable du Mouvement des Forces démocratiques de la Casamance : « On a souvent lancé un appel au président de la République. Mais il ne nous écoute pas, ce qui est malheureux (…) Je suis complètement essoufflé. Je perds même la force. Aujourd’hui, nous sommes favorables à la négociation. Et je crois même que c’est l’Etat qui bloque cette démarche. Le Mfdc ne bloque rien du tout ».
Une déclaration qui pèse. Chaque mot et chaque groupe de mots peuvent faire l’objet d’une analyse pour les observateurs avertis de la question casamançaise depuis ses débuts. Commençons par le commencement. Le terme « négociation » sorti de la bouche d’Edmond Bora appelle plusieurs lectures. D’abord la volonté (?) exprimée de « négocier » n’est pas nouvelle. Ensuite il faut bien le relever pour comprendre : cette faveur affichée par Bora est loin d’être innocente. En effet, le rapport de force sur le terrain n’est guère favorable, ni à l’aile politique du Mfdc encore moins à son aile militaire. Et puis c’est connu : les responsables du mouvement ont toujours chanté sur un air de « négociations » dès qu’ils s’aperçoivent qu’ils sont en position de faiblesse. C’est de bonne guerre !
Mais quel poids peuvent avoir les mots d’Edmond Bora, et donc de l’aile politique sur les combattants c’est-à-dire l’aile « militaire » ? Un observateur vigilant du dossier casamançais renseigne que les temps ont bien changé au sein du Mfdc. Du vivant de Diamacoune Senghor et ses compagnons de lutte, analyse-t-on à Ziguinchor, les consignes du chef historique étaient souvent suivies d’effet du côté du maquis. Mais, aujourd’hui, avec la disparition des « pères fondateurs », les chefs militaires font plutôt la sourde oreille. D’où sa certitude que le civil ne lie plus le militaire au sein du Mfdc.
Une autre réalité est observable.
Hormis que la plupart de ses fondateurs ont disparu, le Mouvement des Forces démocratiques de la Casamance est atteint de la maladie inhérente à toute vie : la vieillesse. Qui disait que « la vieillesse est un naufrage » ? Le propos d’Edmond Bora consistant à dire : « je suis complètement essoufflé ; je perds même ma force », est à lire à l’aune de cette vieillesse fatale. Non seulement les « guerriers » ont vieilli, mais aussi et surtout ils sont fatigués de se battre. Dakar a bien dû décortiquer le message de Ziguinchor.
Écoutons encore parler l’ancien SG du mouvement indépendantiste. « L’armée parle de sécurisation, mais ce qu’elle fait c’est la guerre », assène Bora. Une conclusion que rejette un analyste qui la juge un peu trop hâtive. Il révèle un décalage manifeste entre les dires du responsable politique du Mfdc et le ressenti réel des populations concernées par les opérations de l’armée nationale. Dit autrement, la sécurisation mène vers la sécurité à laquelle ne saurait s’opposer aucune population sensée. Et c’est bien le cas actuellement en Casamance.
Dernier élément d’analyse et non des moindres, il n’y a pas ou il n’y a plus de guerre sur le terrain. Du moins, si guerre il y a, c’est celle liée au jeu d’intérêt économique. Trafic de bois et autres business y ont cours. Et ils nourrissent bien leur homme ! La Casamance retrouve LENTEMENT son train de vie normal. SÛREMENT ? Telle est la question. A la fois le défi et l’enjeu de l’heure sont que Sa majesté la verte Casamance puisse retrouver DÉFINITIVEMENT la paix. Qui veut la paix prépare la guerre. Tout est question de savant dosage. L’Etat a JUSTEMENT la responsabilité de pacifier ou… de socialiser « l’économie de guerre ». Relance économique et réinsertion sociale doivent être les maîtres mots. C’est le prix de la PAIX.
Vu sous cet angle, l’appel de détresse ou appel au secours -c’est selon- d’Edmond Bora peut être qualifié d’Appel de Ziguinchor. Pour comprendre, il faut s’élever et aller au-delà du Mfdc. Une rébellion dont la promesse d’indépendance, tout le monde le sait à commencer par elle-même, ne sera jamais tenue. Un mirage rattrapé par la réalité. Quand « Le Sud » veut parler au « Nord », il doit être écouté. Et entendu. Qui n’habille pas l’indigent admet ses guenilles, dit le dicton populaire. Le président de la République est justement au nord. Gageons qu’il sera bientôt au sud de notre pays. Au nom de la construction résolue d’une Nation sénégalaise arc-en-ciel. Et les prières du roi d’Oussouye, Sibiloum Mbaye Diédhiou et toutes les autres prières seront ainsi exaucées.