Dire que Gorée n’a jamais été un centre actif pour la traite par rapport aux comptoirs de la traite des esclaves du Golf de Guinée et de l’Angola, est sans aucune exagération, une complicité à l’entreprise de négation de la dignité de l’homme noir. Ce sont des criminels organisés sur les plans de la pensée, de l’économie et de la politique qui s’amuseent avec notre histoire en y greffant des monstruosités de toutes sortes ou en y amputant tout ce qui peut faire l’objet d’une quelconque fierté. A Ndoumbelane, ce sont de petites cervelles qui n’ont aucune conscience historique qui reprennent ces sornettes.
Le problème de l’Afrique et des Africains est l’absence de persévérance dans certains combats d’ordre idéologique. Nous sommes souvent piégés par un complexe de victimisation qui voile notre discernement ou par une absence de synergie dans le combat pour la sanctification ou la sanctuarisation de notre conscience historique.
Le peuple juif a réussi, non seulement à se faire respecter, mais aussi et surtout à obliger la communauté internationale à porter définitivement et en permanence le fardeau du remords consécutif aux persécutions subies par ce peuple : c’est grâce à la détermination et à la persévérance qu’une telle prouesse a été réussie. Aujourd’hui nul n’ose dans le monde nier ou même relativiser le martyr du peuple juif : tous ceux qui s’aventurent dans une telle entreprise sont accusés de négationnistes et sont traqués, jugés et condamnés. C’est aujourd’hui la seule histoire qui ne peut plus être discutée : le débat est définitivement bétonné sur ce point pour éviter que l’histoire de ce peuple soit perpétuellement niée.
Le long et douloureux séjour du noir, du colonisé et de l’esclave, dans l’îlot étroit de l’identité avilissante où les maîtres les ont exilés, a fini par les convaincre d’une infirmité congénitale et d’une infériorité naturelle. Il est d’une nécessité impérieuse que l’Africain se défasse de cette image fausse qu’il a de lui-même comme d’un homme condamné par l’histoire ou par le destin à être remorqué.
Il nous faut être fiers de notre histoire; il faut que l’Africain ait une claire conscience de la qualité de son apport à la civilisation humaine : notre part de contribution dans la marche de l’histoire n’est pas seulement dans l’esclavage et la colonisation.
Il est temps que l’Afrique et les Africains s’approprient la valeur exacte de leur contribution dans la conquête et l’accumulation des savoirs qui ont bâti la civilisation humaine. Nul n’a le droit de négliger ou d’empêcher le bénéfice moral que l’Africain peut tirer de la pleine conscience qu’il a de son rôle actif et positif dans l’histoire universelle : il nous codifier cet apport. Pour ce faire, on n’a pas nécessairement besoin d’une magie venue du ciel, car une large mobilisation et une bonne utilisation des ressources disponibles sont suffisantes.
De Pape Sadio Thiam