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Faut-il continuer à aider le Sénégal?

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Alors même qu’il affiche une santé économique et des conditions de vie supérieures à celles de ses voisins, le Sénégal est plus aidé que les autres pays d’Afrique de l’ouest. D’où viennent ces privilèges?
Sur la côte ou dans les terres, à l’entrée de nombreux villages sénégalais, on remarque sans cesse des panneaux vantant les programmes d’aide développés par le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), l’Union européenne, la Banque mondiale ou une des nombreuses ONG présentes dans le pays.

Depuis la crise politique en Côte d’Ivoire en 2002, le Sénégal est devenu la première économie en Afrique de l’Ouest. Paradoxe de l’aide au développement, c’est aussi le pays de la région qui bénéficie le plus des soutiens internationaux à la croissance et à la lutte contre la pauvreté.

Le Sénégal est notamment le champion de l’Aide publique au développement (APD).

«Entre 2001 et 2008, l’APD à destination du Sénégal est passée de 90 à 339 millions d’euros», rapporte Papa Amadou Sarr, analyste à l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et spécialiste du Sénégal.

Rapporté au PIB, le montant de l’APD atteint 11%. Un taux certes inférieur à d’autres pays plus pauvres de la région comme le Lesotho ou le Cap Vert, mais en volume le Sénégal est devant tout le monde.

Juste derrière la Banque mondiale, la France est le deuxième contributeur en matière d’APD.

«Ce sont les opportunités dans le pays qui déterminent le montant des aides. Or, depuis 2006, on a atteint une attractivité record. L’administration s’est modernisée, la croissance est forte, les aides ont décollé, la plupart sous la forme de prêts», témoigne Didier Castaing, directeur de l’Agence française de développement (AFD) au Sénégal.

Pour les seuls prêts, l’AFD déclare investir 25 millions d’euros par an, alors que la part des subventions, qu’elle verse directement aux projets de développement, est en baisse. En plus de l’aide publique, le Sénégal est aussi bénéficiaire de l’aide privée, ou «targeted aid».

Pourquoi toutes ces aides?

Les bailleurs internationaux apprécient la situation politique et sociale stable du pays. Ce qui est indispensable au développement économique d’un pays, «c’est la stabilité politique, peu importe qu’elle soit assurée par la démocratie ou par un régime fort sans élection», analyse dans le numéro d’Alternatives Economiques de l’été 2010 Jean-Michel Sévérino, ancien directeur de l’AFD et en mars 2010 auteur du Temps de l’Afrique.

Le Sénégal profite aussi des effets collatéraux de la situation complexe en Côte d’Ivoire. Face à l’instabilité politique depuis 2002, des investissements à destination du pays se sont reportés vers Dakar. Signe de ce changement, plusieurs organisations internationales ont déplacé leurs sièges d’Abidjan à Tunis. C’est notamment le cas de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement (BAD).

La forte augmentation de l’aide à destination du Sénégal s’explique aussi par l’apparition de nouveaux investisseurs, par le biais de l’Aide au développement. C’est le cas de l’Inde, les Emirats Arabes Unis, la Malaisie, la Turquie… et bien sûr la Chine.

«Les Chinois ont proposé une aide financière de 79,3 millions d’euros à la Sénélec, la société nationale d’électricité», relève Papa Amadou Sarr.

Une bonne nouvelle, car cette somme pourrait permettre de faire cesser les coupures d’électricité qui empoisonnent la vie des citoyens et des entreprises sénégalaises. Pourtant, le principe de l’aide au développement n’est pas toujours évident.

Dépasser le principe d’aide

Certaines des aides sont parfois mal orientées:

«Arrivé à la limite de temps pour dépenser un budget d’aide, un organisme chargé d’aider les forces de sécurité a décidé d’acheter des lots de pulls et des écrans plats pour les commissariats sénégalais», nous confiait un fonctionnaire français alors que nous buvions un verre.

Une dépense étrange dans un pays où la température baisse rarement en-dessous de 20°C et où la majorité des policiers ne sont même pas équipés en ordinateurs.

«C’est parfois difficile de juger l’intérêt d’un programme d’aide», reconnaît également Didier Castaing. L’Agence française de développement avait essuyé des critiques à la suite du financement de l’éclairage public à Dakar, alors même que les routes, les réseaux d’assainissement et les connexions au réseau téléphonique de la capitale laissent encore à désirer.

«Les dernières municipalités, de bords différents, ont toutes deux demandé et validé l’investissement. Il y aura toujours des gens pour critiquer», modère Didier Castaing.

Plus largement, c’est le principe même de l’aide publique au développement qui est parfois remis en cause. Olivier Thimonier, secrétaire général de l’association Survie, questionne «le concept d’aide publique au développement qui maintient les pays dans la dépendance. Au minimum, nous demandons une conditionnalité de cette aide, qui ne doit jamais renforcer des régimes dictatoriaux ou devenir un outil de nuisance», développe l’associatif.

Au niveau mondial, le livre de Diambisa Moyo, Dead Aid: pourquoi l’aide ne fonctionne pas et pourquoi il y a une meilleure voie pour l’Afrique, sorti en 2008, avait créé une polémique mondiale. Son auteur, économiste chez Goldman Sachs, et qui est passée également par un poste de consultante à la Banque mondiale, soulignait les effets pervers de l’aide. En provoquant un état d’assistance, les aides, qui dépendent du bon vouloir et de l’état des finances des pays développés, empêcheraient l’Afrique de se développer.

Faut-il pour autant y mettre fin? Pour Papa Amadou Sarr, la vision de Diambisa Moyo est simpliste:

«Certains Etats très pauvres qui assurent l’essentiel de leurs dépenses grâce à l’APD s’écrouleraient si on ne versait plus d’aide.»

L’idéal théorique est de permettre au pays aidé d’atteindre le niveau de développement suffisant pour pouvoir y mettre fin. Certains anciens pays destinataires sont ainsi devenus émetteurs d’aides —c’est le cas notamment des pays du Maghreb.

Papa Amadou Sarr fait la liste des atouts économiques du Sénégal: une situation géopolitique avantageuse, des secteurs de la pêche et de l’agriculture dynamiques, des infrastructures portuaires modernes… Pour l’économiste de l’OCDE, «la croissance au Sénégal est bonne. Le pays pourrait arriver à sortir de l’aide d’ici cinq ans».

Julien Duriez Slateafrique

1 COMMENTAIRE

  1. c’est une question qui merite d’etre posée car tout ce qu’on donne aux pauvres citoyens comme aide le president partagent avec ses marabouts malhonetes.Si c’est le regime de wade et ses marabouts qui est au commande je ne crois pas si c’est necessaire d’aider le senegal.

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