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Activisme et responsabilité (Par Philippe D’Almeida)

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Le pouvoir tente-t-il de fragiliser le mouvement Y a en marre ? A en croire les militants de ce groupe d’activistes réunis hier en conférence de presse, le moindre doute n’est plus permis sur la question. Les déboires judiciaires de deux des leurs sur des questions relevant du droit commun, ne seraient, de leur point de vue, qu’un prétexte en or pour parvenir à cette fin de fragilisation, s’ils ne sont, plus radicalement, qu’une machination porteuse des mêmes objectifs. Autour des leaders de Y a en marre, les mouvements et partis politiques tels Africa First, Taxawu Askan Wi, Frapp, FDS et autres, sont venus apporter leur soutien aux rappeurs Kilifeu et Simon dans les difficultés judiciaires qui les ont conduits depuis 48 heures en prison.

Babacar Diop, Thiat et tant d’autres n’envisagent pas d’autre interprétation que l’immixtion du politique dans un fait judiciaire qui n’eût pas dû prendre une telle envergure. On retrouve ici, au plan des tribunes, le même climat de détermination et de fronde qui, en mars dernier, avait rejeté le caractère judiciaire d’un acte présumé crapuleux, celui du viol présumé d’Adji Sarr, pour le revêtir du manteau de l’acharnement politique et justifier ainsi une insurrection à caractère populaire qu’aurait nourri à la base le mécontentement social.

L’on se sent un peu mal à l’aise devant ce qui est en train de devenir un tropisme de l’opposition, de sublimer la répression d’un délit, fût-il le plus crapuleux, en persécution politique. De jeter la suspicion sur tout procès, dès lors qu’un leader ou militant de l’opposition est concerné. De décrédibiliser, sur le long terme, l’institution judiciaire. D’empêcher ainsi la manifestation de la vérité en criant au monstre Léviathan (le pouvoir), puissant et exacteur, contre lequel il faut lutter pour protéger le petit peuple de l’injustice et de l’oppression.

Ce tropisme est dangereux. Il accrédite l’idée que la démocratie sénégalaise, du fait de la liberté d’expression et de manifester qu’elle sacralise, peut créer des Moloch au-dessus des lois, dès lors que leurs faiblesses sont démasquées et qu’ils ont le temps d’avoir recours aux machines qui les produits pour organiser le discours victimaire et la mobilisation contestataire qui séduisent toujours une rue remontée à bloc contre tout ce qui peut symboliser pouvoir et avoirs. Il accommode la société dans l’idée que justice peut être refusée aux vraies victimes des dérèglements de quelques-uns,  dès lors que ceux-ci sont du côté de ceux qui ont puissance à réfuter la loi sous prétexte qu’elle servirait un ordre « discrédité et abhorré ».

Si ce réflexe en venait à intégrer la culture de l’opposition politique pour se dérober aux responsabilités sociales et sociétales qui la désignent,  il y a là, en perspective, le péril certain de la démocratie.

Un trafic de passeports présumé avec son corollaire d’escroqueries et de corruptions implique Kilifeu et Simon parmi bien d’autres. Leurs responsabilités respectives ne pourront être établies qu’au terme d’un procès. C’est cela la règle dans les pays civilisés. Vouloir les soustraire a priori à cette contrainte démocratique, est l’antithèse de l’idée que tout citoyen doit se faire de la vérité et de la liberté. Soutenir Kilifeu et Simon, c’est désirer cette vérité qui n’exclut ni vigilance politique ni combativité idéologique, forces de tout activisme et de tout militantisme au service de la cité.

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