Les téléspectateurs sont inéquitablement partagés. Certains la trouvent un peu « froide » quand la grande majorité s’accorde à dire ceci : « elle présente bien l’émission », « elle est agréable à regarder.
Mais encore ?
Nous vous proposons donc, d’aller à la rencontre de celle qui, au-delà de ses compétences professionnelles et de son physique avantageux, reste une jeune femme d’une grande simplicité et à l’humilité désarmante au moment où le petit écran est régulièrement pollué par une cohorte de « personnages » qui sont loin d’avoir été triés sur le volet.
C’est votre première interview depuis le lancement de « kenkélibaa », nous vous donnons la parole : qui est Sarah Cissé ?
Je suis une sénégalaise de 28 ans qui a toujours vécu ici, une vie tranquille et heureuse jusqu’au Bac. Ensuite j’ai passé 4 ans en France pour obtenir une maîtrise en sciences de l’information et de la communication. Et puis, c’est le retour au bercail pour travailler dans une entreprise privée et à la fin de mon contrat trois ans plus tard, j’ai ressenti le besoin de me perfectionner. J’ai donc pris des cours à l’ISM (institut supérieur de management) pour obtenir un master en marketing. Ma première expérience en télévision je l’ai eue à Canal Info. Alors que l’on m’avait recrutée pour faire du marketing, je me suis passionnée pour ce qui se passait sur le plateau. Mon intérêt allant croissant, j’ai fait un stage de 6 mois à l’issu duquel il était clair pour moi que ce que je voulais faire vraiment, c’était du journalisme. Pourtant je ne me sentais pas prête, pas assez outillée pour me lancer, alors j’ai opté pour l’IPJ (institut pratique de journalisme) à Paris qui me proposait une formation intensive pour le medium télévision. Les cours ont duré 6 mois au bout desquels j’ai déposé un cv à la RTS et voilà.
Pourquoi n’êtes-vous pas retournée à Canal Info où vous aviez fait vos premières armes ?
J’y suis retournée, nous avons tenu quelques séances de travail avec le patron, Vieux Aïdara. Une nouvelle grille était en élaboration, mais entre temps la RTS m’a recrutée.
Comment cela s’est passé à la télévision nationale qui est réputée être une boîte difficile ?
Très bien, j’étais là pour mon travail et j’ai été bien accueillie.
Beaucoup de téléspectateurs vous apprécient alors que d’autres vous trouvent « froide », est-ce votre nature ou un rôle que vous vous donnez ?
C’est ma nature. Je suis quelqu’un de calme. D’ailleurs j’ai eu un peu peur quand l’émission m’a été proposée, de ne pas être à la hauteur. Pour une matinale, il fallait être assez décontractée et percutante pour donner aux gens l’envie de se réveiller, d’avoir la « pêche » aux premières heures du jour. En fait c’est Juliette Ba qui a commencé cette matinale et comme elle voulait partir, malgré le fait que tout le projet était ficelé, la direction m’a contactée. C’était intéressant, innovant, je ne pouvais pas refuser. J’ai su calmer mes appréhensions, je me suis dit : « Sarah, reste toi-même, sois naturelle, vas-y avec ton propre style et tout ira bien ! ». Et puis on n’a besoin d’être très expansif pour donner l’information, il suffit d’une bonne ambiance sur le plateau et le tour est joué. Pour cela, nous pensons que nous avons gagné le pari. L’équipe est soudée et tout se passe bien sur le plateau de Kenkélibaa.
Nous voulons des détails, ce n’est pas tout rose tout de même, y a-t-il des tensions, des difficultés… ?
Des difficultés, il y en a toujours, ne serait-ce que pour la logistique, les nombreux déplacements… Les chroniqueurs doivent se déplacer beaucoup, il y a parfois quelques difficultés pour communiquer à temps voulu, mais pour l’essentiel ça se passe bien. Les membres de l’équipe n’hésitent pas à mettre la main à la poche afin de faire leur part de travail quitte à se faire rembourser ensuite. Nous avons un rédacteur en chef exceptionnel : Aboubacry Ba. Il a de très bonnes idées en plus d’être généreux et très disponible. Il faut dire que l’équipe est très motivée, ceux qui sont là sont venus d’eux-mêmes, sans contrainte. Je crois que ce qui fait notre force, ce sont aussi les séances de « débriefing » que nous tenons systématiquement tous les jours depuis que l’émission existe, le 19 avril 2010. Nous nous retrouvons tous à la fin pour prendre le petit déjeuner mais aussi faire le point : tout le monde est critiqué sans exception. Quand c’est bon on le dit, quand ça ne l’est pas aussi. Parfois les esprits s’échauffent mais c’est sans rancœur ni rancune.
Il arrive que vous rappeliez à l’ordre un chroniqueur emporté par son sujet, même si c’est subtil, cela peut être frustrant n’est-ce pas ?
Comme il arrive que moi aussi je me fasse rappeler à l’ordre par le rédacteur en chef ; qui me fait de grands signes depuis la régie pour me dire que nous débordons sur le temps prévu. Ce n’est pas simple, nous avons deux heures, plusieurs chroniques, l’invité du jour, il faut de la fermeté sinon on se laisse aller loin de l’essentiel.
Qui a trouvé le mot Kenkelibaa ?
Moi ! Nous cherchions quelque chose d’approprié, je prenais quelques notes pêle-mêle en me disant : « Que faut-il pour se lever du bon pied ? De l’actu, du café ou du thé…du thé ? Eureka du kenkelibaa ! ». On s’est retrouvé en « brainstorming » avec Aboubacry Ba, Marième Selly Kane, directrice des programmes, Ibrahima Souleymane Ndiaye, le directeur de la télé et tout le monde a été unanime, kenkélibaa était parfait.
Cela doit demander une certaine organisation d’assumer travail et vie familiale, comment gérez-vous vos journées ?
Je me réveille à quatre heures du matin tous les jours et je viens faire l’émission. Ensuite, nous tenons nos fameuses séances de « débriefing » qui finissent vers 10 heures et après je fonce chez moi. Le temps que le repas soit prêt je m’occupe un peu de la maison avant de déjeuner aux environs de 13 heures. Une bonne sieste qui dure jusqu’à 15 ou 16 heures et je suis d’attaque pour préparer mes fiches pour le lendemain. Nous communiquons par mails et sms avec les membres de l’équipe pour tout mettre au point, nous échangeons au téléphone Aboubacry (le rédacteur en chef) et moi tous les jours vers 19 heures. Avec les coupures d’électricité, c’est difficile, il m’arrive d’attendre des éléments et de ne les recevoir qu’au milieu de la nuit. Se recoucher et se réveiller deux petites heures plus tard c’est terrible mais une fois debout, c’est parti ! Il y a des avantages aussi à se lever de bonne heure, je finis également tôt et peux aller chercher ma fille à l’école par exemple, manger avec elle, ce que beaucoup de parents n’ont pas la chance de faire.
A propos vous arrive-t-il de cuisiner, de mitonner de bons petits plats comme une bonne sénégalaise ?
Je sais faire la cuisine, si c’est ce que vous voulez savoir ! Mais je n’ai pas vraiment le temps de faire de la grande cuisine, parfois le soir, je prépare un truc rapide, simple sans me prendre la tête. Quand je veux me faire plaisir, c’est un menu « gambas accompagné de riz blanc. »
Ce n’est pas évident d’être tous les matins face à des millions de téléspectateurs, fraîche et bien habillée. Comment faites-vous ?
Dans la simplicité. Il suffit d’être correcte, l’esthétique ce n’est pas tout, il y a des choses bien plus importantes.
Vous êtes très sobre par rapport à beaucoup de « stars » du petit écran ?
J’aime la sobriété, je la cultive même ! Les gens qui me connaissent depuis 10 ans vous le diront : « Sarah, c’est jean et baskets ! ». Une petite robe et des talons quand l’occasion se présente. Il m’est arrivé de faire des tissages ou d’avoir les cheveux longs mais ça demande du temps pour prendre soin de tout cela ! Les ongles courts et les cheveux courts, c’est l’idéal. Un peu de gel, une noisette de crème, un coup de peigne et le tour est joué. Et le temps que je gagne, je le consacre à ma famille. Vous savez, la télé ne demande rien d’autre qu’une bonne présentation, quand vous placez la barre trop haut par rapport à l’habillement, à la coiffure et autres, vous vous retrouvez pris dans un cercle vicieux .Il vous faudra être tous les jours à la hauteur. C’est aussi une question d’éducation, ma mère nous a appris qu’il faut toujours faire avec ce que l’on a. C’est agaçant de constater que nous vivons dans une société « d’apparat ». Cela est bien plus inquiétant que les divergences politiques par exemple. En plus de représenter un danger réel pour l’avenir, d’évoluer dans un univers gangrené par ce mal. D’ailleurs il n’y a pas d’évolution quand il y a autant de valeurs en perdition.
En parlant de valeur, vous êtes consciente d’en avoir beaucoup aux yeux de la gente masculine ?
Moi ? C’est étonnant ! Je n’ai jamais entendu parler de ça, je vous jure ! Et puis je suis mariée pourquoi voulez-vous que les hommes s’intéressent à moi ?
Vous pensez que cela décourage cette race d’hommes riches qui se croient tout permis ?
Normalement oui. De toute façon je vous confirme que je n’ai jamais reçu de déclaration de la part d’un homme qu’il soit riche ou pauvre. C’est vrai que je vis en vase- clos, une casanière pure et dure, après le boulot, je suis en famille, ça « court-circuite » toutes les tentatives et c’est très bien comme ça.
Et que pense votre famille du succès de « kenkélibaa », de votre succès ?
Ils m’encouragent beaucoup et me critiquent aussi. Des séances de « débriefing » il y en a aussi à la maison, mais je crois sincèrement que je suis bénie. Mon cher mari, journaliste m’a donné envie de faire ce métier, je lui en suis très reconnaissante. Je viens également d’une famille d’artistes. Papa est architecte et maman a lancé la première galerie d’art privée au Sénégal. L’important pour eux et pour mon époux reste que je m’épanouisse dans ce que je fais. C’est le cas.
Vous avez une petite fille, que pense-t-elle de sa maman à la télévision ?
Elle « zappe », elle préfère de loin regarder Dora « l’exploratrice » ou un autre dessin-animé.
Si vous receviez d’une autre télé une proposition du genre de celles que l’on ne peut pas refuser ?
Je suis bien là où je suis, et fidèle à une direction qui a cru en nous tous ! Si un jour on devait écrire l’histoire de la télévision sénégalaise, on parlera certainement de « notre matinale ». Nul n’est indispensable, quand bien même Sarah ne serait plus là, quelqu’un d’autre me remplacerait et avec brio. Des journalistes talentueux, au niveau même de l’équipe de kenkélibaa, il y en a d’excellents. L’important, c’est l’émission, ce bébé à qui nous avons donné vie, qui va bientôt fêter sa première année et qui a l’avenir devant lui.
Rose Samb (interro_liens_callback)
ferloo.com