DUEKOUE – « C’était tueries sur tueries », témoigne un habitant de la région de Duékoué (ouest) où, du 27 au 29 mars, les exactions des partisans des deux rivaux de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, se sont succédé de façon effrénée, faisant des centaines de morts.
Duékoué, ville d’environ 75.000 habitants en majorité de l’ethnie guéré,
est tombée le 29 mars aux mains des combattants du président reconnu par la
communauté internationale, M. Ouattara, après deux jours de combats avec les
forces fidèles au président sortant Gbagbo.
« Avant notre arrivée, les pro-Gbagbo avaient emmené les allogènes (qui ne
sont pas originaires de la région, ndlr) dans une maison et s’apprêtaient à
les brûler quand nous les avons libérés », affirme une source proche des Forces
républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) de M. Ouattara.
Une fois libérés, « ils ont dit qu’ils savaient où se cachaient » ceux qui
les avaient rassemblés dans cette maison et « sont allés les attaquer, il y a
eu au moins douze morts », ajoute cette source, sans préciser si les FRCI
avaient tenté d’empêcher la vengeance.
Dans l’ouest ivoirien, au conflit politique s’ajoute celui entre
« autochtones » guéré (réputés pro-Gbagbo) et « allogènes » étangers
ouest-africains et d’autres tribus (considérés comme pro-Ouattara).
Depuis la prise de Duékoué par les FRCI, quelque 4.000 personnes se sont
réfugiées dans une église par crainte de représailles.
« Nous ne voulons pas rentrer chez nous, nous avons peur », affirme à l’AFP
l’un des réfugiés de l’église, protégée par des soldats de l’Opération des
Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI).
Selon l’ONG Caritas, un millier de personnes sont portées disparues ou ont
été tuées en trois jours à Duékoué, essentiellement dans le quartier
Carrefour. Le Comité international de la Croix Rouge (CICR) a parlé de 800
morts en un seul jour, le 29 mars, l’ONUCI d’au moins 330 morts, la plupart
vctimes des pro-Ouattara.
Avant l’arrivée des FRCI, le quartier Carrefour évoqué par Caritas abritait
la base des miliciens pro-Gbagbo pour Duékoué et sa région, commandés par un
certain « Colombo ».
Dans la banlieue de Duékoué, à Niambi, les rues sont désertes. La ville a
été en quasi-totalité incendiée, a constaté un journaliste de l’AFP qui a vu
de nombreux corps carbonisés dans les décombres des maisons. 150 personnes
dorment dans des salles de classe.
« Ici les miliciens et les mercenaires libériens de Colombo ont tué 20
personnes avant l’arrivée des FRCI », raconte Kouadio Gao Hubert, habitant de
Niambi. « Ils ont brulé nos maisons, pillé nos biens et même violé nos femmes »,
affirme-t-il, ajoutant: « alors, quand les FRCI sont arrivées, nous on s’est
vengés, on a brûlé leurs maisons et on a tué ceux qu’on pouvait tuer aussi ».
Il n’a pas pu, ou pas voulu, dire le nombre de personnes tuées lors de ces
actes de vengeance.
L’engrenage de la violence a touché une dizaine de villes et de villages
aux alentours de Duékoué, selon des témoignages recueillis par l’AFP.
Diahouin, petite ville située à 11 km de Duékoué et d’où est originaire un
des commandant des milices pro-Gbagbo se faisant appeler « Rambo », n’y a pas
échappé.
Kouadio Kouanté, habitant de Diahouin, raconte: « avant l’arrivée des FRCI,
il y avait tueries sur tueries. Les miliciens et mercenaires libériens
(pro-Gbagbo) ont attaqué les quartiers des allogènes, Ils nous ont chassés et
nous sommes partis en brousse. Il y a eu des morts, au moins 40 ».
Zoe Léon, un Guéré qui avait fui en forêt, est revenu samedi à Diahouin et
a demandé pardon: « nos enfants ont reçu des armes et ont fait ce qu’ils ont
fait. Nous, les parents ils ne nous ont pas écoutés. Ils ont tué les autres ».
Les responsables du camp Ouattara s’en défendent, mais selon plusieurs
sources à Duékoué, des membres des FRCI commettent des exactions. « Quand ils
prennent des miliciens et des mercenaires qui s’enfuient, ils les tuent »,
affirme l’une d’elles.
Par Zoom DOSSO
AFP