«Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts», dixit le Général Charles De Gaulle.
Les rideaux sont tombés sur le sommet France-Afrique qui s’est déroulé à Montpelier le 8 octobre dernier. Et dire que c’est la 28ème fois que se tient ce rituel. Sauf que, cette édition est inédite. Pour cause, le président Emmanuel Macron a préféré se passer de ses pairs africains pour s’entretenir avec leur jeunesse et leur société civile pour mieux écouter, entendre et surtout comprendre le rejet de plus en plus grandissant de la politique de l’ancienne puissance coloniale.
Au delà du coup de com’ réalisé par le Chef de l’Etat français, à quelques mois de l’élection présidentielle en France, le Président Macron entre dans la «cour des grands» présidents français ayant marqué l’Afrique à l’instar du Général De Gaulle, lors des indépendances et de François Mitterrand avec le fameux discours de La Baule.
D’aucuns nous diront qu’il ne leur arrive pas à la cheville. Nous le leur concéderons. Mais, eux comme lui, restent dans la même logique. C’est-à-dire comment continuer à faire de l’Afrique une vache à lait ? Comment continuer à garder une influence sur ce continent considéré comme celui de l’avenir avec son marché de 1,200 milliard d’habitants ; 30 millions de kilomètres carrés ; ses immenses ressources naturelles, sa population constituée de plus de 60 à 70 % de jeunes de moins de 25 ans.
Surtout au moment où l’Angleterre, les Etats-Unis, mais aussi la Turquie, la Chine et la Russie se bousculent au portillon pour prendre leur part du gâteau.
Sur ces mêmes colonnes, nous avions publié un article intitulé : «l’autre conférence de Berlin pour achever l’Afrique». Nous avions mis en exergue la grande offensive japonaise via son TICAD ; le somment Russie-Afrique avec le tout puissant Vladimir Poutine qui avait convié plus de 40 chefs d’État africains à Sotchi ; le soudain regain d’intérêt du Premier ministre conservateur anglais, Boris Johnson, pour l’Afrique. En préparant la sortie de son pays de l’Union Européenne (Brexit), il avait convoqué 16 dirigeants africains pour parler d’investissements en plaidant «pour que son pays soit plus actif en Afrique». Sans occulter le président Recep Tayyip Erdo?an de la Turquie, qui ne cesse de positionner son pays dans la géostratégie mondiale, vendant son concept «gagnant-gagnant».
LUEUR D’ESPOIR
Ils sont nombreux, ces africains, épris de démocratie, de paix, de justice, à souhaiter l’enterrement de première classe des sommets Francafrique. C’est dans cette catégorie qu’il faut mettre le coup de gueule de ce grand avocat africain connu pour la probité intellectuelle et morale et pour qui, «ce face-à-face Macron-jeunesse africaine entérine une forme de désacralisation de l’ex-colon avec une jeunesse africaine décomplexée et animée d’une ferme volonté de prendre son destin en main». Et d’ajouter, «les nombreux autocrates qui nous gouvernent ont dû passer une salle journée de se voir ainsi enterrés vivants. Symboliquement». Pour autant, il refuse, comme nous, de danser plus vite que la musique. «J’ai envie de dire : “n’allons pas vite en besogne“. Un déclic a été amorcé pourvu qu’il perdure et pose les jalons d’une coopération plus équitable et plus franche entre la France et ses ex-colonies !»
Cette lueur d’espoir de tout un continent a été aussi exprimée le directeur du Timbuktu Institute. “Nous avons l’espoir que Montpellier soit un nouveau départ. Qu’on écoute le terrain africain, la jeunesse africaine, elle a des choses à dire au monde et à la France”, a lancé Bakary Sambe.
DU DISCOURS DE LA BAULE AU SOMMET DE MONTPELIER
Toutefois, ne soyons pas dupes. La seule chose qui intéresse le Président Macron, tout comme ses prédécesseurs, c’est le rayonnement de la France. Sa grandeur. Le contraire aurait été étonné plus d’un.
Voilà pourquoi, du discours de La Baule au sommet de Montpelier, en passant par celui de Pau, sur la sécurité (13 janvier 2020) et celui de Paris sur le financement des économies africaines (mai 2021), sans occulter la fameuse conférence de Brazzaville (1944), la France a souvent adopté cette posture du père fouettard avec des injonctions tous azimut.
«La France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté ; il y aura une aide normale de la France à l’égard des pays africains, mais, il est évident que cette aide sera plus tiède envers ceux qui se comporteraient de façon autoritaire, et plus enthousiaste envers ceux qui franchiront, avec courage, ce pas vers la démocratisation…». Ces propos ont été tenus par François Mitterrand le 20 juin 1990. C’était lors de la 16ème conférence des Chefs d’état d’Afrique et de France auquel, étaient invités 37 pays africains dans la commune de La Baule-Escoublac (Loire-Atlantique). Ce qui a donné naissance à ce qu’il est convenu d’appeler le discours de La Baule. Il coïncidait avec la chute des régimes communistes en Europe.
31 ans après, le Président Macron qui a été «bousculé» par une jeunesse africaine, révoltée, a été plus ou moins clair. “La France est là militairement à la demande” des pays africains, a-t-il déclaré, avant de mettre ses pairs devant leurs responsabilités : “c’est pas moi qui vais faire l’école, c’est pas moi qui vais faire la police… Jamais une intervention militaire ne remplace le travail d’un État”. Pis, balance-t-il, “ce continent qui est jeune, dirigé depuis trop longtemps par des personnes qui sont vieilles”. Ceux qui se sentent morveux n’ont qu’à se moucher. Le Président Macron lui, veille aux intérêts de la France et des français. Il se battra pour installer les sociétés françaises partout dans le monde. Il va continuer à se battre pour consolider la démocratie, la liberté d’expression, la liberté de la presse, le respect de la laïcité, la séparation des pouvoirs, etc.
La gouvernance sera au cœur de son action parce qu’il sait qu’il ne peut aucunement bénéficier d’une impunité ou de la faire bénéficier à un de ses proches. Son pays est une puissance mondiale. Il dispose d’un droit de véto. Il l’est devenu grâce à ses dirigeants qui ont fait preuve de patriotisme.
HARO SUR LES FAUX ALIBIS
Tant pis pour nous, africains, si au 21ème siècle nous ignorons encore que ce n’est pas à la France, ni aux Etats-Unis, ou la Turquie, encore moins la Chine ou le Japon de faire décoller nos économies, de donner du travail décent à nos jeunes, de les éduquer, de les offrir un avenir rayonnant et radieux pour qu’ils arrêtent de braver l’océan à la recherche d’un Eden qui n’existe plus.
Qu’on ne vienne surtout pas nous ressasser l’esclavage, la traite des noirs, etc. Nous avons vécu ses atrocités. Certes ! Mais, il nous appartient de nous relever et de montrer à la face du monde que la démocratie, la bonne gouvernance, le développement ne sont pas l’apanage de l’Occident. Il suffit juste de regarder les Quatre Dragons (Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong). Sans occulter la Malaisie qui avait au moment des indépendances, un PIB largement inférieur à celui du Sénégal. Pour ce, il n’y a pas 36 solutions. Il faut travailler. Sanctionner positivement et négativement. Et surtout faire preuve de patriotisme en arrêtant de dilapider les ressources, de détourner les aides publiques au développement…
PPTE, DIRIGEANTS MILLIARDAIRES
L’autre incongruité, c’est que certains dirigeants africains, à la tête des Pays pauvres très endettés (PPTE) puissent se permettre de faire des largesses à des hommes politiques français dans le cadre de financement de leur campagne électorale. En 2011 encore, l’argent de l’Afrique s’était invité dans le débat politique français. Un conseiller officieux de Nicolas Sarkozy, Robert Bourgi (encore lui), avait affirmé que des Chefs d’état africains ont fourni des mallettes de billets à Jacques Chirac et à Dominique de Villepin.
Ces propos, d’une extrême gravité, seront pourtant en partie confirmés par l’ex-numéro 2 de LaurentGbagbo en Côte d’Ivoire, Mamadou Koulibaly. Alors président de l’Assemblée nationale, il avait confié à l’AFP que quelques trois millions d’euros avaient été transférés d’Abidjan à Paris pour financer la campagne électorale de Jacques Chirac en 2002. “J’ai dit au Président (Laurent Gbagbo)que nous étions un pays pauvre et que nous n’avions pas d’argent à financer des élections d’hommes politiques de pays riches”, a-t-il expliqué, ajoutant avoir “rencontré Robert Bourgi à la table de Gbagbo en 2002, venu solliciter de l’aide en vue d’un financement de la campagne présidentielle en France”. “Monsieur, vous êtes jeune, quand on veut faire de la politique on est généreux”, lui aurait répondu Robert Bourgi devant son opposition, rapportait à l’époque lexpress.fr. “Par mon intermédiaire”, “cinq chefs d’état africains -Abdoulaye Wade (Sénégal), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et, bien sûr, Omar Bongo (Gabon) ont versé environ 10 millions de dollars pour cette campagne de 2002”, avait prétendu l’avocat. Et dire que ses réseaux de mallettes, valises et autres remonteraient à l’époque de Charles De Gaulle avec le très contesté Jacques Foccart.
Au vu de ce précède, on comprend alors cette soif de rupture, de changement de paradigme, de coopération de la jeunesse africaine. Parce que, comme le disait Albert Einstein, «le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui regardent sans rien faire».
Remplaçons le monde par l’Afrique pour comprendre certains activistes et autres lanceurs d’alerte. Et surtout les échos qu’ils ont auprès de la population.
Osons surtout espérer que les Chefs d’état d’Afrique ont pu décrypter le message de Montpellier. Sinon, comme le soutient toujours notre brillant avocat : «l’Afrique restera sous une forme ou une autre selon les locataires de l’Elysée une zone privilégiée de fellation économique. Oups pardon….je voulais dire prédation».
Abdoulaye THIAM
NOUS REPRÉSENTONS 2% DU COMMERCE MONDIAL DEPUIS NOS ACCESSIONS A L’INDÉPENDANCE ARRÊTONS D’ÊTRE DES SIMPLES POURVOYEURS EN MATIÈRES PREMIÈRES ET EN MATIÈRES BRUTES OU AGRICOLES/PÊCHE POUR DÉCOLLER.iL FAUT AUSSI SORTIR DU MORCELLEMENT ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE