D’un côté, la convocation de Barthélémy Dias, le 10 novembre, devant la 3e Chambre correctionnelle de la Cour d’appel, dans le cadre de la procédure judiciaire en cours dans l’affaire Ndiaga Diouf, décédé en 2011 dans des conditions troubles. En première instance, le candidat à la mairie de Dakar pour les élections locales du 23 janvier 2022, avait été condamné à deux ans de prison dont six mois ferme et bénéficiait, depuis, d’une liberté provisoire.
De l’autre, le rejet de plusieurs listes de l’opposition pour les élections de janvier, dans plusieurs collectivités électorales. À Dakar, Saint-Louis ou Kédougou, plusieurs listes de l’opposition ont été rejetées. La coalition Yewwi Askan Wi a annoncé, samedi, des recours devant les cours d’appel concernées.
Entre les deux, le parallèle acrobatiquement établi, de manigances du pouvoir pour affaiblir l’opposition et réduire au minimum ses chances de victoire dans les territoires les plus convoités.
Ainsi, l’on a pu voir, derrière la convocation de Dias-fils pour le 10 novembre prochain, le bras occulte du pouvoir Exécutif, investissant le pouvoir Judiciaire d’une gestuelle obscène qui proscrirait la séparation des pouvoirs et accréditerait la thèse que le pouvoir Sall gangrénerait tout le package de l’État de droit et dicterait au Judiciaire son calendrier d’action afin qu’il soit en phase avec l’agenda politique de l’Exécutif et les aspirations individuelles de l’agenda électoral.
Dans un communiqué à cet égard édifiant, Lassana Diabé Siby, procureur général, relève qu’’’une rumeur persistante lie à la convocation à comparaître de M. Barthélémy Dias devant la 3e Chambre correctionnelle de la Cour d’appel, à son investiture comme candidat de la coalition Yewwi Askan Wi à la mairie de Dakar pour les élections locales du 23 janvier 2022’’. Puis, il observe que ’’cette citation à comparaître n’est que la suite normale du renvoi de l’affaire à la date du 10 novembre 2021 fixée depuis l’audience du 7 juillet 2021″.
Défendable ? Oui, parce qu’en la matière, seuls les faits ont valeur de vérité. Depuis le 7 juillet, Barthélémy Dias savait qu’il devrait répondre à la justice le 10 novembre prochain. Réalité antérieure à ses ambitions électorales exprimées.
On a, dès lors, du mal à concevoir la ligne de contre-offensive dans laquelle s’inscrit l’opposition, hors le fourre-tout et le galimatias sémantique qui est sempiternellement la sienne, d’un acharnement du pouvoir à enterrer l’opposition et à chercher la petite bête pour y parvenir. Il se trouve qu’une condamnation n’est pas qu’un petit poux dans la tête et que de vouloir aspirer à des responsabilités politiques de quelque nature qu’elles soient, suppose que l’on ait aseptisé son environnement, purifié son cadre et érigé en modèle son propre moi. Hors de ces sentiers, le risque est grand d’un rattrapage du passé, du poids des passifs qui resurgissent à la moindre ambition exprimée. L’opposition fait preuve de légèreté en ignorant ces postulats, en considérant que la simple diabolisation du pouvoir féconde la virginisation pavlovienne de l’opposition et qu’il n’y a plus, entre les deux démarches, la moindre place pour une analyse rationnelle des réalités, par les électeurs.
Erreur ! Ousmane Sonko s’est si bien habitué à ce mode de pensée qu’il convoque la rue à la moindre de ses difficultés, au moindre de ses hiatus légalitaires. Preuves : son alerte à la population, lorsque la police se dispose devant ses locaux, alors qu’il détient, en toute illégalité, le téléphone d’un citoyen, fût-il pressenti espion. Pas seulement : son appel à la mobilisation populaire pour protester contre la comparution légale de Barthélémy Dias, le 20 novembre. Le mode opératoire est récurrent dans son illégalité, stupéfiant dans son illégitimité et source potentielle de tous les impondérables, y compris les plus tragiques pour la nation.
Au-dessus de la loi, Sonko ? Il l’est devenu par la puissance de la rue dont il s’est octroyé les services et dont il a usurpé la légitimité. Et c’est ici qu’il faut noter la deuxième légèreté de l’opposition : s’adosser sur la seule force d’une légitimité surfaite pour revendiquer une légitimité de fait. Imposer une figure de sur-droit en abusant le droit. Cristalliser son éthique et son idéologie sur une figure de proue qui s’est muée en idole intouchable par la seule manipulation qu’il a su faire de la rue, de ses souffrances, de ses détresses, de ses attentes.
Aussi, pour les listes rejetées, crie-t-il aux abus d’un pouvoir qui rejette de façon « massive » des listes qui, de son point de vue, ne souffrirait d’aucune faiblesse. Sa toute-puissance bitumaire lui insuffle pouvoir et témérité qu’il croit pouvoir confronter à tout ordre. Et pourtant, sur la question des listes rejetées, apparait de plus en plus clairement la réalité de listes ou dossiers incomplets ; la méconnaissance du Code électoral, le défaut d’un minimum de professionnalisme, de compétences qui eussent dû épargner à l’opposition les écueils qu’elle impute au pouvoir et qui sont la démonstration stupéfiante de sa légèreté.
Ailleurs, les partis politiques ont des écoles : pour former, pour instruire, pour savoir. Comme bon nombre de syndicats à travers le monde. Parce que rien ne naît de rien. Ex nihilo nihil…
La culture de l’assimilation des textes, de la dialectique politique et de la connaissance que ne compromet pas une suspicion, une défiance systématique à l’égard du pouvoir, serait très enrichissante pour l’opposition que nous souhaiterions voir gagner, ne serait-ce que pour l’hygiène de l’alternance qui est le pouls des vraies démocraties.
Mais l’opposition sénégalaise est poussive. Elle se confine dans l’inculture politique, se nourrit de défiances et d’intrigues, se laisse phagocyter par des courants idéologiques dont le chic est de pratiquer l’intolérance qu’ils décrient. Il n’y a pas légèreté plus improductive.
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