Dans le contexte actuel d’identification tous azimuts de poches de détournement de deniers publics au cœur de l’Etat du Sénégal, j’exprime le besoin de produire la présente réflexion pour éclairer l’opinion sur le sujet, à la lumière de ma modeste expérience internationale d’une vingtaine d’années dans les questions de développement.
Bien entendu, cette réflexion, dont la cible porte sur les institutions publiques de financement du développement, concerne à bien des égards les sociétés publiques nationales.
Les banques de développement et fonds de garantie publics en Afrique affichent souvent et officiellement des résultats «satisfaisants», qui cachent pourtant de gros déséquilibres et insuffisances de toutes sortes. Il existe parfois en interne, de vraies préoccupations quant à leur gouvernance. Je l’ai personnellement vécu en interne et il semble, d’après les nombreuses informations très étayées qui me parviennent, que la situation est de nature à perdurer. Je ne saurai me taire vu que j’anime en ce moment, un grand Groupe de réflexion international dénommé «financement à repenser», qui regroupe à ce jour plus de 180 experts.
Les violations des textes et procédures, parfois dues à une concentration excessive de pouvoir et l’insuffisance du contrôle de la Direction générale par le Conseil d’administration, font courir aux institutions, des risques importants de pertes financières.
Les Conseils d’administration publics ne jouent pas leurs véritables rôles de contrôle de l’action des organes dirigeants. Ils sont souvent en complicité avec ces derniers.
Le non-respect des procédures de passation des marchés semble aussi une insuffisance notoire, qu’il faut rapidement corriger.
Il convient aussi de souligner l’absence de réactivité face aux sollicitations des emprunteurs. Sans oublier les taux faibles de décaissement des prêts observés.
Les opérations de garantie et de crédit, se déroulant dans des environnements de plus en plus difficiles, il urge de trouver des mécanismes nouveaux, susceptibles d’encadrer les pouvoirs des décideurs, afin de limiter les risques de conflit d’intérêts.
Par ailleurs, en ce 21ème siècle, il y a lieu de gommer aussi une pratique souvent constatée et qui est complètement contraire aux textes. Le fait que, suivant un consensus inexpliqué, certains postes importants ne puissent être occupés que par les ressortissants d’un seul pays. C’est par exemple le cas de la Banque ouest-africaine de développement (Boad), dont le poste de président ne peut revenir qu’à des ressortissants béninois.
C‘est à mon avis, contraire aux règles élémentaires de bonne gestion, vu les risques politiques attachés à une telle situation.
La question des recrutements et nominations devrait aussi être examinée avec attention, afin de garantir la compétence et les équilibres régionaux.
Les autorités financières ne semblent pas avoir tiré les leçons de la crise de gouvernance, qui a frappé le Fagace dans les années 2000.
Une bonne notation et suffisamment de ressources concessionnelles sont certes nécessaires pour pérenniser les organisations, mais le vrai défi est la préservation de maigres ressources dans un contexte de lutte contre la pauvreté, en faveur de populations de plus en plus vulnérables.
Les Etats devraient à très court terme, conduire des missions d’audit internationales indépendantes, afin de s’assurer que les résultats officiellement affichés correspondent à la réalité.
Il faut aussi imaginer des mécanismes totalement indépendants actionnés par les Etats eux-mêmes, de manière inopinée et périodique, afin d’assurer un meilleur contrôle des instances dirigeantes internes et conseils d’administration.
Magaye GAYE
Economiste international
Les Etats africains devraient être plus regardants sur la gouvernance des institutions publiques de financement du développement (Par Magaye Gaye)
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