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LES « SEPT MERVEILLES DE DAKAR » DU CHEF DE L’ETAT L’ère de l’industrialisation culturelle ?

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Changer son image et attirer des touristes : plusieurs pays parient sur la culture comme moteur du développement. Le Parc culturel des « Sept merveilles de Dakar », s’il est concrétisé un jour, pourrait permettre l’émergence d’une industrie culturelle porteuse de croissance dans le monde. Car, elle contribue à hauteur de 7% au PNB mondial et de 3% dans les pays en développement.

L’idée du Parc culturel des « Sept Merveilles de Dakar », exposée par l’architecte Pierre Goudiaby Atépa, donne la mesure des ambitions du chef de l’Etat pour la culture. Situées entre l’ancienne gare de Dakar, le carrefour Cyrnos, le Boulevard de l’Arsenal et l’Avenue Lamine Guèye, ces « Sept merveilles » architecturales qui vont former le Parc culturel de Dakar sont notamment le Grand Théâtre national, l’Ecole des Arts, l’Ecole d’Architecture, les Archives nationales, la Maison de la Musique, la Bibliothèque nationale et le Musée des Civilisations noires. A travers cette initiative, il voudrait offrir une concentration unique d’institutions culturelles dans la capitale sénégalaise pour « remettre au centre des préoccupations du grand public, la libération de la pensée, de l’opinion et de l’expression, transmettre, à travers le temps, des messages aux générations futures et favoriser l’apprentissage des humanités et la formation des jeunes aux valeurs d’humanisme », surligne le président de la République. En clair, Abdoulaye Wade parierait sur la culture comme moteur de développement en faisant de la capitale sénégalaise, une ville objectivement très austère et éteinte, un grand centre de rencontres culturelles et.. de tourisme culturel comme l’ont compris plusieurs pays asiatiques.

Au-delà du choix d’en faire des bijoux d’architecture profilés dans une vision futuriste, la réalisation de ces édifices va combler un vide sur le plan des infrastructures. Celles-ci doivent, en effet, sous-tendre le déploiement d’une bonne politique culturelle et s’appuyer sur des structures modernes, répondant aux exigences des acteurs culturels, mais aussi à celles des usagers, citoyens et visiteurs de tous horizons. Adossé uniquement au tourisme balnéaire pour vendre la destination sénégalaise, ce projet pourrait ouvrir d’autres perspectives touristiques pour le Sénégal. Les enjeux sont importants : Comment favoriser une image plus attrayante pour notre destination ? Comment promouvoir sa notoriété dans le monde par la littérature, l’audiovisuel, la musique, la peinture, les arts plastiques, le théâtre, la danse, la gastronomie … ?

L’idée reste louable et laisse entrevoir (si bien sûr le projet est concrétisé) un véritable dynamisme culturel dans un contexte où le Sénégal reste plombé par des investissements immobiliers et infrastructurels hasardeux, s’enfonce dans le marasme, alors que ce domaine affiche partout dans le monde une prospérité insolente. En clair, cet ambitieux projet du chef de l’Etat est agité alors que la réalité économique culturelle sénégalaise n’est pas aux réjouissances : le cinéma est moribond, le théâtre n’est pas structuré, la musique est étranglée par le monstre de la piraterie, les arts contemporains s’enlisent dans plusieurs problèmes conjoncturels et structurels.

Le marché est pourtant clairement porteur : plusieurs pays, qui l’ont compris, ont décidé de parier sur la culture considérée comme un énorme moteur du développement notamment les pays asiatiques comme le Qatar, la Chine, Dubaï, l’Inde, Singapour entre autres. Selon l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie, le commerce international des biens culturels constitue l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie mondiale éclaboussée ces dernières années par la crise des subprimes qui a fait ressurgir le débat sur la moralisation du système monétaire et économique mondial.

Les échanges internationaux de biens culturels (cinéma, radio et télévision, imprimés, littérature et musique) connaissent, d‘après elle, depuis plus de 20 ans une croissance constante en passant de 95 à plus de 380 milliards de dollars entre 1980 et aujourd’hui. Mieux, les industries culturelles contribuent au PNB mondial à hauteur de 7% et de 3% dans les pays en voie de développement (PVD). En même temps, les chiffres du commerce international montrent un élargissement relatif du nombre de pays producteurs de biens culturels, caractérisé par l’apparition de nouveaux marchés dynamiques : l’Inde grâce à sa production audiovisuelle, cinématographique et musicale, la Chine, troisième exportateur mondial de produits culturels et le Brésil dont le marché de la musique est l’un des sept premiers au monde et où la production nationale domine à 90% le marché local.

Explications de ce dynamisme ? Cette croissance est due aux changements intervenus dans les modes de consommation des biens culturels et résulte également de « l’évolution des modes de production et de diffusion des produits culturels induite par la révolution numérique, de la baisse de leurs prix et de l’extension des marchés », explique l’Agence intergouvernementale de la Francophonie. Mieux : Les industries culturelles, fondées sur les technologies de production et de reproduction, ont connu avec le développement du numérique et du satellite une révolution des modes de production et de diffusion, qui s’est opérée selon deux dynamiques parallèles : l’extension des marchés à l’échelle mondiale et la baisse des coûts des installations techniques. Cette dernière mutation permet à un plus grand nombre d’artistes et d’entreprises, notamment du Sud, d’accéder à la production. Il est clairement établi que cette opportunité de développement est le résultat d’une volonté et d’une vision politiques de l’autorité publique.

En Afrique du Sud, la production cinématographique estimée à 220 millions de dollars (plus de 100 milliards CFA) constitue l’activité principale d’environ 550 sociétés alors qu’au Burkina Faso, les fictions représentent 3/4 des programmes de fiction africaine disponibles dans les grilles des télévisions francophones africaines. Au Maroc, le coût de réalisation d’un film de long métrage est estimé à 5 millions de dirhams en moyenne (562 000 dollars, soit 253 millions CFA) quoique quelques rares films génèrent autant de recettes avec en moyenne des revenus d’environ 1 million de dirhams (112 000 dollars soit 50 millions CFA). Sur ce montant, 20% à 30% vont à la production, et c’est grâce au fonds d’aide instauré par le gouvernement marocain que les films peuvent voir le jour.

7% du Pib mondial

A travers ces statistiques, l’on mesure objectivement le chemin qui reste à parcourir pour le Sénégal dans le domaine de production et de rentabilisation des biens culturels qui font l’objet d’une marchandisation variable. En clair, ce sont des pays qui disposent surtout d’une politique publique en direction des industries culturelles combinant des mesures de soutien et de régulation, et d’un marché ayant la taille critique pour rentabiliser les investissements effectués dans la production qui arrivent à tirer profit de ces nouveaux moteurs de développement. Il faut se rendre compte que le développement des industries culturelles nécessite « des actions de structuration du cadre juridique et institutionnel, d’accompagnement et de soutien des entrepreneurs culturels et de leur intégration aux dispositifs existants en faveur du développement ». Les idées culturelles, peut-être chimériques, foisonnent dans un contexte généralisé de la fuite des artistes lassés par la précarité générale, des conditions techniques, financières et sociales d’exercice de leur métier dans ce pays préférant de nouvelles conditions d’échanges avec d’autres créateurs dans le monde et d’accès à d’autres publics et marchés porteurs.

In fine, que retenir ? Est-ce un nouveau projet chimérique ? Les urgences sont claires et urgentes : le dernier Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco) a permis d’identifier les véritables problèmes du 7 éme art sénégalais confronté à de sérieux problèmes de production à cause de l’absence de financements conséquents qui lui permettrait de rivaliser avec les autres pays africains.

Pour l’instant, la relance du cinéma sénégalais proclamée en grande pompe par les autorités sénégalaises reste encore à l’étape d’annonce et de promesses. Le lancement, au début de l’année 2010, du Fonds de promotion d’un montant de 3 milliards F CFA et d’un Centre technique pour abriter des studios (ex- service d’hygiène et une partie de l’école William Ponty) reste une simple « volonté » affichée par les autorités comme en témoigne l’enseigne « Centre national technique de production cinématographique » accrochée au portail du Service d’hygiène. De plus, le matériel destiné au centre technique acquis pour un montant de 900 millions FCFA ferait l’objet d’une vive polémique et serait conservé dans des conditions déplorables à la maison de la culture Douta Seck. Le Parc culturel annoncé de façon solennelle lors du Conseil des ministres ne viendrait-il pas grossir la liste de nombreux projets jamais concrétisés, mais toujours annoncés en grande pompe par le président-bâtisseur ? En tout cas, dans le domaine de la culture, il a toujours tenu ses promesses : Le Grand théâtre de 1800 places sera bientôt inauguré selon le chef de l’Etat, la Place du souvenir n’est pas encore rentabilisée, la construction du Monument de la Renaissance africaine a été un monumental moment de spoliation foncière et d’enrichissement personnel. Que nous réserve le Parc culturel ?

Bocar SAKHO

lagazette.sn

 

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