« C’est de la patte dentifrice « Dental Docteur ». Elle est efficace et c’est à bon prix. Si vous achetez un à 1000 francs, je vous en donne un autre », c’est de cette manière qu’une vendeuse postée avec ses collègues, attire les passants au rond point de la Patte d’Oie, non loin du nouveau pont. Et pour attirer les passants, la propagande est de mise. Un matériel de sonorisation fait entendre des décibels de musiciens sénégalais. Entre les morceaux, c’est la voix de Dj Boub’s qui attire les curieux. Le célèbre animateur fait la promotion du produit proposé aux clients. Une foule qui scrute la marchandise est vite formée. A première vue, il s’agit là d’une « bonne affaire » que tout consommateur chercherait à saisir. Mais attention, ce produit et d’autres encore sont peut-être impropres à la consommation. Non loin de là, au marché de Grand Yoff, le constat est plus alarmant. Certains vendeurs vont même jusqu’à trafiquer la date limite de consommation dans le but d’écouler leurs stocks de marchandises déjà périmées et donc impropres à la consommation.
Petersen et Sandaga, « supermarchés » de fortune
Au garage de Petersen, les vendeurs sont en majorité des femmes. Les clients, hommes et femmes, ont autour de la soixantaine. Ils semblent avoir quelque chose en commun : Leur porte-monnaie est quasi vide ! Dos voûté et visage chahuté par la sueur qui coule sur son front à cause de la forte canicule, Mariama*, 57 ans, installe ses marchandises sur une table. Il est 13 heures 25 minutes à Petersen où se côtoient vendeurs, chauffeurs et apprentis à longueur de journée. Et malgré la chaleur, ils sont déjà nombreux à scruter les étals de fortune. « Combien coûte ce sachet de macaroni ? », demande une passante. « 1000 francs Cfa les trois », répond la vendeuse Fatimata*, la quarantaine, menton tatoué en noir.
A ses pieds, sachets en plastique sur lesquels est écrit « Delicio’s maccaroni », saumons fumés, saucissons, fromages, laitages, oranges et jus de fruits, sont exposés sur un drap crasseux, à même le sol humide. Elle est à l’image de ces nombreux vendeuses et vendeurs à Dakar qui se frottent les mains avec ce genre de « bonnes occases » qui attirent de plus en plus de monde. Fatimata désigne sa voisine et cousine Aïssata : « C’est elle qui m’a conseillé de venir ici ». Les deux femmes sont toutes de Pikine, en banlieue dakaroise. « Avant, je vendais des jus au marché « Zinc » de Pikine ! Un jour, ma cousine Aïssatou m’a raconté combien elle gagnait en vendant cette nourriture sur le marché. Elle gagnait 5 mille francs Cfa par jour !
Alors j’ai fait comme elle ». Ce que Fatimata et Aïssata* gagnent leur permet de mener leur vie. Anciennes vendeuses de jus, elles vivent avec ces recettes mensuelles qui servent principalement à régler leur loyer. « La vie n’est pas facile tous les jours », soupire Aïssata*. Elle fait mine de ne pas entendre une question qui semble l’agacer. Celle relative à la qualité des produits qu’elle propose aux clients. Et une vérification de routine, à travers le marché, permet de savoir que les dates de péremption sont parfois dépassées de six jours, six semaines, six mois… Mais pour ce vieil homme, boubou crasseux, lunettes noires fumées, bonnet rouge bien vissé sur la tête, les prix modiques valent la peine de prendre quelques risques. Il vient expressément de la lointaine banlieue de Dakar pour se ravitailler en produits alimentaires. Avec un brin d’humour, il lance : « Une retraite trop maigre, des dépenses de santé qui s’accroissent, alors je suis obligé de compter ».
Quelques mètres plus loin, à Sandaga, les mêmes scènes se répètent. Il faut choisir le produit à la portée de sa bourse. Qu’importe la qualité ! Seynabou*, cette mère de famille, dit élever seule deux enfants. Elle est « dans la dèche » et fait désormais son marché, en ciblant les produits les moins chers. « Au marché, ça coûte le triple. Mais je fais attention. Si la couleur ou l’odeur est bizarre, je jette », confie-t-elle. Et après quelques minutes de discussion, la jeune dame repart avec un panier chargé pour la semaine. Le tout pour 5000 francs Cfa. Une « bonne affaire » ? Une « fausse bonne affaire », devrait-on dire !
• Les noms utilisés dans ce reportage sont des noms d’emprunt.
Dossier réalisé par Baye Makébé Sarr et Babou Birame FAYE
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