C’est officiellement signé. Le gouvernement israélien a approuvé officiellement ce jeudi un accord délimitant sa frontière maritime avec le Liban. À la clé : l’exploitation ou l’exploration d’importants gisements gaziers, en mer Méditerranée, situés à la lisière entre les deux pays. Pour les Israéliens, grâce à cet accord, le Liban « reconnaît enfin Israël ».
Une cérémonie, pour sceller cet accord, a eu lieu ce jeudi après-midi. Elle a regroupé les négociateurs israéliens et libanais, en plus des Américains, qui ont chapeauté les négociations. Tous étaient réunis à Naquoura, à la frontière entre les deux pays.
« With god’s help, Be Ezrat Hashem, Inchallah, cet accord permettra de réduire les tensions dans la région, et apportera la prospérité aux deux pays », a déclaré un diplomate israélien en anglais, en hébreu et en arabe, à l’issue de la signature.
Mais à Beyrouth, la présidence préfère parler « d’un accord purement technique ». Le chef du Hezbollah libanais, l’influent parti chiite, évoque un simple « arrangement », à motivation économique.
Deux approches différentes de part et d’autre de la frontière
Les Israéliens voient en cet accord une forme de « normalisation diplomatique », de leurs relations avec leur voisin du nord, rapporte notre correspondant à Jérusalem, Sami Boukhelifa. Les éléments de langage sont choisis soigneusement. Les experts israéliens, la presse israélienne, tous évoquent « un accord historique ». Et cela va jusqu’au sommet de l’État, avec ces déclarations du Premier ministre : « Il s’agit d’un accomplissement politique, ce n’est pas tous les jours qu’un pays ennemi reconnaît Israël dans un accord écrit et ce, devant l’ensemble de la communauté internationale », s’est réjoui Yaïr Lapid dans la matinée.
Pas sûr que les Libanais aient la même interprétation de cet accord. Si le vice-président du Parlement et principal négociateur, Elias Bou Saab, a encore réaffirmé ce jeudi matin après la signature du texte par Michel Aoun qu’il s’agissait d’un accord « historique », le chef du Hezbollah libanais, l’influent parti chiite, Hassan Nasrallah, évoque lui un simple « arrangement », à motivation économique. Pas question de considérer cet accord comme le premier pas vers la normalisation des relations entre le Liban et Israël, c’était une des conditions du Hezbollah pour soutenir les dirigeants officiels pendant les négociations. Il s’agit tout simplement d’un accord technique entre deux États qui n’ont pas de relations diplomatiques, pour leur permettre d’exploiter leurs ressources gazières dans une zone litigieuse, précise le correspondant d’Rfi à Beyrouth, Paul Khalifeh.
Le Hezbollah lève ses mesures militaires « exceptionnelles »
Le Hezbollah a aussi annoncé jeudi mettre fin à ses mesures militaires « exceptionnelles » face à Israël. « Avec la conclusion de l’accord (…) la mission de la résistance est terminée, a annoncé dans un discours Hassan Nasrallah, qui avait menacé Israël s’il entamait l’extraction de gaz du champ de Karish avant la conclusion d’un accord. Toutes les mesures et dispositions et les mobilisations exceptionnelles et spécifiques de la résistance de ces derniers mois sont terminées. » Le chef de la puissante formation armée a salué comme « une grande victoire pour le Liban ».
Il y a deux approches différentes, donc. Comprendre : les deux pays ennemis restent en guerre. Le Liban a tenu à ce que sa délégation n’ait aucun contact officiel avec celle de l’État hébreu, au cours de la cérémonie, qui s’est tenue dans deux salles séparées, sous supervision de l’ONU, et en présence, donc, des Américains.
Si Israël espère une percée des relations, qu’attend le Liban ?
Le Liban souhaite, tout simplement, pouvoir commencer l’exploration et le forage dans les champs gaziers présumés. Pour les Libanais, l’exploitation des ressources en hydrocarbure est la seule solution pour essayer de sortir de la crise sans précédent qui a mis le pays à genou et plongé dans la pauvreté 80% des Libanais.
Le médiateur américain a d’ailleurs parfaitement exprimé ce qu’attend le Liban : pour Amos Hochstein, l’accord offre la « stabilité des deux côtés de la frontière ». Il marquera un « tournant » économique qui sera « bientôt ressenti par les citoyens » en permettant au Liban de commencer à « travailler dans le bloc 9 ».