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Interdiction d’importation de friperie : Au marché Colobane, on n’y croit pas

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Au marché Colobane, lieu par excellence de la vente de friperie à Dakar, l’interdiction de cette dernière, annoncée par le chef de l’Etat lors d’un entretien télévisé est différemment appréciée. Si cette mesure laisse indifférents certains, d’autres, en revanche, refusent d’y croire, pensant plutôt à un dérapage verbal du président de la République.

Combien de Sénégalais vivent de la friperie ? Il est impossible de répondre à cette question, pour la bonne et simple raison que c’est un secteur informel par excellence. Mais, il est indéniable qu’il emploie beaucoup de personnes. Il suffit de se rendre au marché de Colobane le matin, quand les marchands déballent leur baluchon, pour constater le nombre impressionnant d’hommes et de femmes qui vivent de cette activité. ‘Je ne peux pas vous dire avec exactitude combien de Sénégalais vivent de la friperie, mais je suis sûr que ce sont des milliers et des milliers. C’est une activité informelle. Par conséquent, on ne peut pas dénombrer le nombre exact de personnes qui s’y activent. Mais, je suis prêt à mettre ma main au feu que ce sont des milliers et des milliers, pour ne pas dire des millions de gens comme moi, qui travaillent dans ce secteur’, affirme Saliou, un vendeur trouvé hier matin sur le trottoir. Entouré d’une foule de clients qui se précipitaient sur ses chemises, à 300 francs Cfa la pièce, ce Sérère, originaire de la région de Fatick, doute des propos rapportés par la presse et attribués au président de la République. Compte tenu du nombre de personnes qui vivent de cette activité, il ne croit pas un seul instant que le chef de l’Etat puisse aller au bout de son intention. Montrant de la main les acheteurs qui se bousculent sur sa marchandise, Saliou qui a investi ce secteur depuis plus de dix ans maintenant, ajoute : ‘Vous voyez tout ce monde ! C’est parce tous les Sénégalais, en dehors peut-être des ministres et autres hauts cadres politiques, s’habillent chez nous. Interdire cette marchandise, c’est d’abord dévêtir les gens, ensuite et surtout créer des milliers de chômeurs’, dit-il, révélant que c’est grâce à ce commerce qu’il entretient sa famille et ses parents paysans restés au village. Et c’est grâce à cette activité que de nombreux pères de famille habillent leurs enfants. Mégaphone à la bouche pour attirer les clients, Saliou rappelle aussi qu’il ne faudrait pas seulement voir dans cette activité les vendeurs directs, c’est-à-dire ceux qui sont en relation directe avec les clients. En dehors de ceux-là, qui constituent la face visible de ce commerce, il y a des milliers des personnes qui vivent de la friperie, dit-il. ‘C’est une longue chaîne qui implique beaucoup de monde. Il y a d’abord ceux qui importent le produit, ensuite viennent les grossistes. Viennent après, des personnes comme nous. Nous achetons les balles chez les grossistes et nous revendons au détail, par morceau allant de 300 à 2 500 francs, selon la qualité du produit, aux particuliers ou à d’autres revendeurs à la sauvette. Vous voyez les nombreux marchands ambulants qui trimbalent des habits, ils se ravitaillent chez nous. C’est le circuit normal de la vente’, dit-il. Et d’ajouter: ‘Mais, il y a les activités annexes qui découlent de la vente de la friperie. Il s’agit des transporteurs, des tailleurs qui raccommodent les habits déchirés, des vendeurs d’eau et de sachets en plastique, mais également des vendeuses de friandises qui sillonnent les marchés hebdomadaires. Ils sont aussi nombreux que nous’. C’est pourquoi, il doute fort que le gouvernement du Sénégal prenne des mesures contre cette activité.

Saliou, un Baol Baol pure souche, est originaire de Bambey. Il ne se plaint pas de son business. Il ne croit pas, non plus, à l’interdiction de la friperie. ‘Si le gouvernement interdit cette activité, il devra trouver du boulot aux nombreux Sénégalais qui vivent de la friperie’, décrète-t-il. Et compte tenu du nombre élevé de chômeurs, il doute fort que le gouvernement puisse trouver du travail à tout monde qui vit des habits recyclés. C’est la raison pour laquelle, Saliou croit ferme que Abdoulaye Wade n’interdira jamais l’importation et la vente de la friperie au Sénégal. En plus, pense-t-il, avec la crise économique, les Sénégalais n’ont plus le choix, ils sont obligés de s’habiller à Colobane. ‘Avant, les gens se cachaient pour acheter de la friperie. Maintenant, ce temps est révolu. Tout le monde s’habille chez nous sans complexe’, dit-il, savourant la victoire des vendeurs de fripes sur les commerçants établis au centre-ville.

Levier important de l’économie

De l’avis de certains vendeurs de friperie, le chef de l’Etat fait semblant d’ignorer l’apport financier de la friperie sur l’économie nationale. Pour certains d’entre eux, compte tenu des taxes et impôts prélevés sur les commerçants, le gouvernement serait le premier perdant s’il venait à interdire l’importation et la vente de la friperie, car ses recettes fiscales en pâtiraient. Pour Fallou, un vendeur itinérant, l’interdiction équivaudrait à une perte de recettes surtout pour les collectivités locales. ‘Ici à Colobane, nous n’avons pas de cantines, nous occupons le trottoir, mais nous payons des taxes journalières de 500 francs. D’autres paient le double et il y en a même qui paient le triple. Des agents municipaux viennent récolter des taxes pour le compte de la mairie’, dit-il. S’y ajoutent les taxes douanières et des impôts de toutes sortes dont les importateurs doivent s’acquitter au niveau de la douane sénégalaise. ‘Vous voyez que le gouvernement a tout à perdre en interdisant l’importation de ces produits’, dit-il soulignant que les marchés hebdomadaires font le bonheur des communes d’arrondissement de Dakar qui récoltent beaucoup d’argent lors de Loumas.

Charles Gaïky DIENE
walf.sn

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