Moustapha Cissé Lô tantôt téméraire, tantôt hargneux, agace ou fascine, suscite amusement ou haine. Fidèle à sa réputation, « El Pistolero », comme on le surnomme, ne manque pas, dans l’entretien qu’il nous a accordé, de flinguer les détracteurs de Macky Sall qu’il voue aux gémonies. Et égratigne, au passage, le Président Wade.
La Sentinelle : Vous venez d’être élu Président de la Chambre de commerce de Diourbel, quelle appréciation faites-vous de l’environnement économique du pays ?
Moustapha Cissé Lô : Je remercie le Tout Puissant. C’est une élection importante. J’ai été élu par les opérateurs économiques pour un second mandat. Je crois que je leur dois beaucoup de choses, car ils ont eu confiance en moi. Je pense que je mérite la confiance de ceux qui m’ont élu parce que j’ai fait beaucoup d’efforts lors de mon premier mandat. J’ai trouvé une chambre en lambeaux qui était à genoux. Aujourd’hui, je ne dois rien à personne, je compte jouer mon rôle entre le secteur privé et l’Etat. Il faut remercier le Bon Dieu car il a beaucoup plu. Si ce n’était pas le cas, ce serait la catastrophe. Notre pays traverse des moments très difficiles sur le plan économique. Sur le « Doing business » le Sénégal occupe la 157ème place derrière le Burkina et le Mali, ce n’est pas honorable pour le pays. Le Sénégal devrait se positionner en première ligne parmi les pays de l’UEMOA. Je pense aujourd’hui que nous devons redoubler d’efforts, nous le secteur privé, mais l’Etat aussi doit nous aider pour que nous puissions redevenir ce pays qui avait une position stratégique très privilégié dans le concert des nations les mieux organisées.
L.S : Avez-vous été victime d’injustice dans la conduite des affaires puisque vous avez quitté le Pds ?
M.C.L : Je ne peux pas dire « victime d’injustice » dans mes affaires, moi, je suis un homme politique, j’ai été victime quand je postulais à la Chambre de commerce de Diourbel. Il y avait des gens qui ont voulu manipuler certains et je pense qu’ils continueront à le faire, mais cela ne me dérangera pas. Je suis un homme simple qui a défendu les intérêts du Sénégal avant d’être un homme politique. Je suis un Sénégalais qui entend apporter les répliques nécessaires, travailler là où je me trouve. Je suis un commerçant, un agriculteur, mais qu’est ce qu’on peut contre un agriculteur. Je fais de mon mieux pour être en conformité avec les lois de mon pays. On a voulu me mettre les bâtons dans les roues. Je pense que le Sénégal a dépassé ce stade.
L.S : La gestion de l’Anoci a fait couler beaucoup de salive, surtout avec la parution du livre de Latif Coulibaly. On ne vous a jamais entendu sur la question. Peut- on assimiler ce silence à un parti- pris en faveur du fils du Président de la République ?
M.C.L : Le problème de l’Anoci, c’est qu’il y a beaucoup d’argent. Il faut la transparence dans la gestion de l’Anoci, il faut que Karim s’explique, dise comment l’argent a été utilisé parce que c’est l’argent du contribuable
L.S : Touba, Tivaouane, Ndiassane etc. L’évocation de ces villes religieuses donne le sentiment que les politiques sont à la merci des religieux. Est-ce votre avis ?
M.C.L : Moi, quand je parle d’histoire, je parle d’histoire du Sénégal. Dans ce pays, les politiques et les religieux ont toujours communié dans la plus grande sincérité et la fraternité. Ce débat, on doit le clore. Nous sommes des croyants et, dans chaque confession, il y a un chef religieux qui est respecté. Certains sont des régulateurs de la société, donc, il faut qu’on parle avec ces gens. Des fois, il y a des soutiens qui déplaisent à certains mais la vie est ainsi faite. Je pense qu’en tant qu’acteurs politiques nous sommes des croyants et nous devons essayer de convaincre chacun et lui dire de croire en sa confession religieuse. Nous devons nous rassembler autour de l’essentiel pour imposer la démocratie et faire en sorte que la démocratie ne soit pas remise en cause par les confessions religieuses. On ne peut pas élire un Président qui donne de l’argent et aux marabouts et chef de confessions et qui laissent les gens se débattre dans des misères sans nom et en butte à des inondations. Des gens inondés dont on ne règle pas les problèmes, des cultivateurs d’arachides mais qui ne cultivent pas. Alors, on ne doit pas donner des mallettes d’argent à des religieux au moment où les Sénégalais crèvent de faim. Je pense que c’est anormal. Il faut que cela s’arrête, où bien le peuple sanctionnera négativement.
Originaire d’une ville religieuse comme Touba, est-ce vous n’êtes pas frappé, pour ne pas dire choqué, par le comportement de certains marabouts jouisseurs ?
M.C.L : Ce n’est pas normal. J’ai entendu le message de Abdoul Aziz Sy junior un chef religieux. Un marabout ne doit pas prendre l’argent sans expliquer la provenance de cet argent, à plus forte raison quand il vient d’un gouvernant. C’est pour te corrompre. Il te corrompt avec l’argent du contribuable et, c’est contraire aux règles de l’Islam. Il faudrait que tout le monde se ressaisisse. Je ne suis pas d’accord sur ça, mais si c’est un marabout qui est obnubilé par le goût du luxe, il travaille à se faire plaisir, je trouve cela normal, et l’islam ne nous l’interdit pas, mais il faut que ce marabout travaille, qu’il ne se tourne pas vers l’Etat pour prendre l’argent du contribuable.
L.S : Que pensez-vous des déclarations de certains marabouts qui s’arrogent le pouvoir d’élire le Président de la République ?
M.C.L : Moi, je pense que le problème a été réglé par Feu Abdou Lahat Mbacké. Il avait rappelé, et fort justement, que seul Dieu peut élire un Président. Tous ces marabouts qui le disent, ne disent pas la vérité. Ils ne peuvent élire personne. S’ils pouvaient le faire, ils s’éliraient eux mêmes. Un marabout ne peut être un politicien et ça, je l’ai toujours déploré. Ces marabouts sont obnubilés par le pouvoir ; ils trompent les gens, ils ne sont pas marabouts, ils ne sont rien, ou alors, ce sont des marabouts qui ne pratiquent pas
L.S : Certains critiquent l’implication des marabouts dans la vie politique. Est-ce votre avis ?
M.C.L : Un marabout qui descend dans l’arène politique n’est plus un marabout. Moi, je le considère comme un politicien et je demande à tous les politiciens d’agir comme moi. C’est un politicien. Un marabout, sa place est à la mosquée où il prêche pour nous montrer le droit chemin, mais un marabout qui veut soutenir quelqu’un ou qui veut faire de la politique, n’est pas un marabout
L.S : Le Président de la République vient une fois de lancer un appel au dialogue à l’opposition. Croyez vous que cette fois ci c’est la bonne ?
M.C.L : Je crois que le dialogue est nécessaire, je pense qu’on ne peut pas développer le pays en se chamaillant. Le pays a besoin de stabilité, de concorde nationale, c’est le Président de la République qui doit créer le cadre pour un dialogue. Je pense qu’il faut permettre à chacun, de dire ce qu’il pense. Il nous faut aussi des observateurs. Je pense que le problème au Sénégal, n’est pas d’entrer dans un Gouvernement, c’est un problème électoral à régler, il faudrait qu’on trouve un code consensuel, que tout le monde approuve et, si on gagne, on sait qu’on a gagné. Il y a beaucoup de problèmes, comme celui de la Casamance que Wade avait dit régler en 100 jours. Aujourd’hui, on a dépassé cette date. On a mis beaucoup d’argent dans ce problème, c’est un problème culturel et politique. Il faudrait que tous les fils de ce pays se retrouvent autour d’une table pour essayer de régler, dans la plus grande justice. Il faut qu’on règle ce problème, parce que la Casamance fait partie du Sénégal, on ne peut pas l’isoler, laisser les gens se battre. Il faut qu’on revienne à la raison, c’est-à-dire à un dialogue mais un dialogue franc. Je pense qu’il ne faut pas nommer des « messieurs » Casamance qui ne peuvent même pas régler leurs maisons et à qui, on donne beaucoup d’argent.
L.S : Wade a annoncé sa candidature en 2012. Est-ce que vous le prenez au sérieux ?
M.C.L : Wade ne devrait pas se présenter. Il a fait deux mandats, c’est suffisant. Il faut qu’il parte. Aujourd’hui, il fait comme Tandja au Niger. Abdoulaye Wade ne doit pas se présenter. Moi, je pense que le Président va se ressaisir avant 2012.
LS : Le camp présidentiel se regroupe, est ce que l’opposition n’a pas à craindre pour 2012 ?
M.C.L : Le camp présidentiel, c’est le parti au pouvoir, les autres partis ne représentent pas 3%. L’ensemble de ces partis ne fait pas 3%, donc, ces partis ne constituent même pas des cabines téléphoniques. On ne les connaît même pas ; ces partis ne peuvent pas constituer un danger. Nous avons des partis traditionnels bien ancré au Sénégal et qui aspirent à prendre le pouvoir.
L.S : Pour la victoire de l’opposition en 2012, est-ce que vous pensez personnellement à une stratégie ?
M.C.L : Mais la stratégie, c’est d’avoir un programme. Le Sénégalais souffre terriblement donc on n’a pas besoin de battre campagne. Les Sénégalais sont malades et ne peuvent pas se soigner, les Sénégalais ne peuvent pas aller à l’école, il y a le problème des inondations, il y a aussi le problème des infrastructures. Et là, bien que le Président ait fait des progrès, le problème du monde rural demeure, tout le monde en parle. J’en profite pour lancer un appel au Chef de Etat, pour qu’il sache que la récolte déclarée d’un million 200 mille tonnes d’arachides n’est pas vraie. Aujourd’hui, sur le prétendu tonnage, on n’a pas pu commercialiser 300 mille tonnes et qu’on paie les bons impayés. Il y a beaucoup de souffrance dans ce pays à régler. Nous avons une stratégie qui va nous permettre de régler les problèmes des Sénégalais.
L.S : Si Macky Sall devait constituer un blocage à la candidature unique de l’opposition, la solution dans ce cas ne serait- elle pas qu’il s’aligne derrière les anciens, à savoir Niasse ou Tanor ?
M.C.L : Non ! Macky Sall ne peut s’aligner dernière personne. Macky Sall est un leader et tout le monde le sait. Il fait partie des premiers leaders de ce pays. Macky Sall a un passé exemplaire, il est présidentiable. Il a fait un travail remarquable, extraordinaire. Il est sorti, il a crée son parti, il ambitionne de diriger le pays mais pas de s’aligner dernière quelqu’un. Nous avons une ligne de conduite, une idéologie, un programme au niveau de l’APR. Nous avons un programme que nous voulons exécuter avec les Sénégalais qui se retrouveront derrière ce programme. Moi, je compte mettre sur pied la convergence autour de Macky Sall dont l’objectif sera d’encadrer tous les militants et sympathisants qui pensent que Macky Sall devrait bouter Wade hors du pouvoir. Nous préparons la candidature (de Macky). Pour le présenter nous lançons un appel à Benno Siggil Sénégal pour qu’il soutienne sa candidature. Nous pensons que c’est le candidat idéal qui pourra faire face à Wade. A défaut de trouver un consensus avec les autres, nous allons partir seuls et nous nous battrons pour faire élire notre candidat au premier tour.
L.S : A vous entendre parler de Macky Sall, on a l’impression que votre compagnonnage est sincère alors que certains pensent le contraire. Qu’est ce que vous répondez ?
M.C.L : Je ne peux pas répondre à ces gens. Qu’est ce qui m’a obligé à être avec Macky Sall ? Macky Sall n’a rien fait pour moi je n’ai jamais été un pro -Macky quand il était au pouvoir. Ceux qui parlent comme ça étaient des larbins de Macky mais moi, je ne l’ai jamais été. Macky Sall a été victime d’injustice et je me suis battu en tant que membre du Pds, parce que Macky est un frère du parti qui a été victime d’agression barbare, criminelle parce qu’il a conduit le président à la magistrature suprême quand il était son directeur de campagne. Il a donné une majorité écrasante à Wade et après, on a voulu le liquider parce que Macky constitue un blocage pour le fils du président. Si Macky est là, le fils du président ne pourra pas accéder au sommet. Je n’accepte pas cette injustice. Ce que je déplore le plus, c’est que les Tanor, les Niasse ne parlent même pas du problème des députés exclus. Je ne suis pas d’accord sur leur attitude. Nous étions des députés élus je respecte tout le monde.
L.S : Si Wade vous propose un poste ministériel dans le prochain gouvernemental. Seriez-vous prêt à lâcher Macky ?
M.C.L Je ne suis pas demandeur, ni preneur. Ma vision pour le pays n’est pas d’entrer dans le gouvernement. Je n’ai jamais songé, ni avec Macky, ni avec Wade à entrer dans un gouvernement. Ma réflexion m’a conduit à être un parlementaire, un bon parlementaire qui défend les intérêts du peuple. Aujourd’hui, j’estime que les parlementaires ne sont pas des parlementaires, ils prennent des partis pris et ils sont dans un parti pour défendre un régime. Moi, je ne suis pas ce genre de personne, moi je suis un homme libre. Je l’ai dit, je compte me battre pour retourner à l’Assemblée Nationale même si on ne rétablit pas la vérité. C’est bientôt 2012, je vais avec ou sans Macky Sall, me présenter pour réoccuper ma place à l’hémicycle et défendre le peuple sénégalais avec des parlementaires qui savent se défendre démocratiquement
L.S : Des rumeurs circulent selon lesquelles vos seriez en contact avec le Président de la République ?
M.C.L : – Ce sont des mensonges ! Je n’ai pas rencontré le Président de la République. Je saisi cette occasion pour apporter quelques précisions. Je tiens une fois de plus à dire que vos collègues journalises ont intérêt à dire la vérité, rien que la vérité. Vous ne devez pas faire de l’intoxication. Un organe de la place a écrit deux articles sur moi en disant que Moustapha Cissé Lô et Alouine Badara Cissé sont sur le point de retourner au Pds. Ceci pour aider le parti au pourvoir. Je voudrais que cet organe se prononce sur cette question. Je n’ai jamais rencontré Souleymane Ndéné Ndiaye chez lui ou dans son bureau. Je n’ai pas demandé à le rencontrer. On s’est vu à Mbacké lors de la foire de l’élevage. Ce n’était pas une rencontre privée mais plutôt c’était publique ce que le premier ministre avait dit ne pouvait pas susciter de réactions. Je ne suis pas prêt à retourner au Pds. Le Pds a renvoyé des députés, on les a chassés, ils ont pris leur mandat. Ce que Mamadou Tandja a fait au Niger Wade l’a fait au Sénégal en renvoyant des députés. Il a tripatouillé la Constitution parce qu’il voulait avoir deux mandats. Il était signataire de ce pacte consensuel avec l’ancien président Diouf. Il avait accepté d’avoir deux mandats et a manipulé la Constitution. Nous sommes dans un Etat de droit, il faut respecter les règles et les gens comme Iba Der Thiam disent la vérité au peuple
Pourquoi n’avez pas alors réagis ?
M.C.L Non ! Non, moi je ne peux pas me permettre à chaque fois qu’un journaliste écrit des contrevérités de porter plainte. Comme aujourd’hui, j’ai l’occasion, j’en profite pour dire que ce que l’organe a écrit est faux
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