En campagne électorale en février 1993 à Tivaouane, l’opposant de l’époque Abdoulaye Wade attaque violemment le maire de Ziguinchor, Robert Sagna alors tête de liste des candidats socialistes dans le département de Ziguinchor. Il usa de mots trop durs, non pas à l’égard du politicien, mais à l’égard du chrétien Robert, qui avait l’outrecuidance de mettre uniquement des chrétiens sur la liste qu’il dirigeait. Le choix de la ville où Wade avait fait sa déclaration n’était pas fortuit : Tivaouane, berceau de la plus puissante confrérie du pays, en terme de nombre de fidèles avait été bien choisie pour jeter en pâture le chrétien Robert Sagna, discriminatoire à l’égard des musulmans, selon Abdoulaye Wade. Sa déclaration de l’époque était naturellement scandaleuse, voire irresponsable. [xalima.com] Car elle s’attaquait à une valeur fondamentale : la cohésion nationale qui fait la fierté et la spécificité du Sénégal dans une région d’Afrique où les conflits confessionnels ont si souvent détruit les bases de la Nation encore embryonnaire. Les propos étaient d’autant plus inacceptables qu’ils travestissaient la vérité qui se cachait derrière la liste proposée par les socialistes dans le département de Ziguinchor. L’exemplarité de la ville de Ziguinchor, en matière de cohabitation des religions (chrétiens et musulmans), est rare dans le monde. C’est l’une des rares villes où chrétiens et musulmans sont enterrés dans le même et unique cimetière. Cet exemple remarquable n’avait pas, à l’époque, inspiré Abdoulaye Wade qui s’est laissé aller ainsi à des déclarations imprudentes et dangereuses. On peut donc dire avec la dernière déclaration de Me Wade, que l’opposant devenu Président a récidivé. Seulement, ce qui pouvait se comprendre dans la bouche d’un opposant est inacceptable quand c’est le garant de l’unité nationale qui le sort de sa bouche. Personne ne peut plaider en sa faveur. [xalima.com] C’est ce qu’il pensait hier qu’il exprime aujourd’hui en incitant implicitement les musulmans à s’attaquer aux églises, lieux, selon lui, d’adoration de statue. Ce qui serait, dans son entendement, contraire aux valeurs islamiques évoquées par ses détracteurs pour dénoncer la statue de la Renaissance. Personne ne peut arrêter le chef de l’Etat ! Et lui-même ne semble pas vouloir s’arrêter dans son œuvre machiavélique de détruire ce pays et ses fondements. La grandeur d’un homme d’Etat s’apprécie à l’aune de ses actions mais également à celui de sa parole qui doit être toujours et en toute circonstance le reflet d’une retenue qui est une marque d’élégance et de responsabilité.
Le chef de l’Etat sénégalais a aujourd’hui atteint, par ses déclarations fracassantes, un niveau d’irresponsabilité qui inquiète profondément les citoyens de ce pays. Il est peut-être temps que la communauté internationale, dans toutes ses composantes y compris les militants du Pds qui sont des patriotes, se dresse face à lui pour éviter l’irréparable.
Qui est-ce qui peut aujourd’hui sauver le Sénégal face à un homme dont la vanité, voire la mégalomanie peut pousser à détruire les grands équilibres nationaux à chaque fois qu’il pense que la construction de sa propre mythologie l’exige ?
Les imams qui ne sont pas d’accord avec « sa » statue ont parfaitement le droit de critiquer son œuvre et sa volonté de l’imposer à la Nation. Il a certes le droit de répliquer, mais un tel droit ne lui autorise pas de telles dérives et cette violence qui mettent en péril cette Nation. A force de jouer avec le feu, comme Néron, Abdoulaye Wade risque d’embraser le pays et de se délecter du spectacle que constituent les flammes qui consument la République.
Tous les patriotes de ce pays doivent s’y opposer en disant non de façon catégorique. Les Oulémas, les chefs religieux et l’ensemble du Clergé catholique trouvent, dans le contexte actuel, une formidable opportunité pour donner un sens au dialogue inter-confessionnel en créant un cadre qui va permettre de dénoncer avec fermeté, le chef de l’Etat et ses propos. Personne ne croira plus au dialogue religieux si les acteurs de ce dialogue ne se retrouvent pas dans un tel cadre pour crier leur désapprobation et leur indignation. De deux choses l’une : soit le chef de l’Etat n’est plus apte à diriger ce pays, soit il pense, comme à son habitude, que la politique n’est qu’un éternel jeu de hasard. Dans l’un ou l’autre cas, sa place n’est plus au palais de la République.
Abdou Latif Coulibaly
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