La mesure sur la baisse du coût du loyer sera effective dès demain, mercredi 1er mars. C’est du moins ce qu’avaient annoncé les autorités. Toutefois, pour bon nombre de locataires à Dakar, cette mesure risque encore de tomber à l’eau, comme la loi n°2014/03 du 03 février 2014 portant baisse des prix du loyer n’ayant pas été calculés sur la base de la surface corrigée.
En vue de voler au secours des Sénégalais, face à la cherté de la vie, le chef de l’Etat avait, par voie règlementaire, décidé une baisse de 5% pour les loyers de plus de 500 000 FCFA et une baisse de 15% pour les loyers inférieurs ou égaux à 300 000 FCFA. De même la caution, qui jusque-là faisait l’objet de spéculation, avec des bailleurs qui en demandent au moins 3 mois avant de disposer des clés du logement, est arrêtée à 2 mois.
Lors d’une sortie, le 23 février dernier, le ministre du Commerce, de la Consommation et des PME, porte-parole du gouvernement, Abdou Karim Fofana, avait déclaré que la nouvelle mesure, instituée par décret présidentielle, entrerait en application ce 1er mars 2023. Aussi a-t-il annoncé la mise en place d’une Commission nationale de régulation des loyers, pour l’application et le suivi de la nouvelle mesure soutenue par un décret présidentiel.
LES LOCATAIRES CRAIGNENT LE «SYNDROME DE LOI DE 2014»
Bien que cette mesure vise à soulager les locataires, nombreux parmi ces derniers pensent que la montagne accouchera encore d’une souris. C’est le cas de Thierno Kane, originaire de Kébémer. Pour le résident à la rue 41 de la Médina, il ne faut pas croire à la parole des autorités politiques. «J’entends parler de la baisse du prix du loyer ; mais, personnellement, je n’y crois pas du tout. C’est juste une promesse politique. Ce n’est pas la première fois qu’elles (les autorités) prennent des décisions pareilles, mais il n’y a jamais eu de suivi. Il y a quelques années, le gouvernement avait adopté une loi pour la baisse du loyer, et l’échec de cette dernière a été à l’origine de la souffrance actuelle du locataire. C’est à partir de ce moment-là qu’a commencé l’inflation du prix du loyer», déclare le cordonnier âgé d’une trentaine d’années.
Si Thierno voit en cette mesure, une promesse politique qui souffrira du manque de suivi, Mamadou Diouf, du nom de ce gérant d’une boutique de cosmétique au marché Tillène, pense quant à lui que cette décision est prise par l’autorité dans le seul but de gagner la confiance d’un électorat, en vue de l’élection présidentielle de 2024. «Nous, locataires, nous aimerions bien que cette mesure soit sincère. Malheureusement, le contexte dans lequel elle a été prise, fait qu’on doute fort de la sincérité. A mon avis, c’est une campagne électorale déguisée. Par conséquent, même si l’application venait à être effective dès demain (le 1er mars 2023, ndlr), après 2024, on n’en parlerait plus», martèle le natif du Baol.
ESPOIR EN LA COMMISSION NATIONALE DE REGULATION DES LOYERS
Certains locataires, par contre, sont convaincus que, cette fois-ci, le gouvernement ne ménagera aucun effort nécessaire pour que les bailleurs respectent la nouvelle mesure. «On est optimiste. Personnellement, j’ai été convaincue par la dernière sortie du ministre Abdou Karim Fofana, lors de laquelle il a annoncé la création d’une Commission nationale de régulation des loyers pour l’application et le suivi de la nouvelle mesure. Et, je crois que c’est l’absence d’une telle commission, suite à l’adoption la loi sur la baisse en 2014, qui avait fait que cette dernière avait échoué», affirme Fatima, étudiante à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, résidente du quartier Fass de Lorme.
Du coté des bailleurs, le nouveau décret n’enthousiasme pas. Vieux Ka, la soixantaine révolue, regrette une mesure «irréfléchie», prise à la «hâte», dont l’application pourrait entrainer des conséquences néfastes. Pour M. Ka, une baisse drastique du coût du loyer pourrait entrainer l’incapacité des bailleurs à réfectionner les maisons mises en location à temps. Ce qui serait un grand risque pour les locataires. Selon le bailleur, l’Etat devrait prendre en compte tous les paramètres, avant de prendre un engagement d’une si grande envergure.
En tout état de cause, l’Etat du Sénégal a décidé d’aller en croisade contre les bailleurs et courtiers récalcitrants, en promettant de donner à la Commission nationale de régulation des loyers, une compétence spécifique pour encadrer la tarification locative des baux à usage d’habitation. Et les locataires qui attendaient, avec impatience, la date du 1er mars, devront voir, dans 24 heures, ce qu’il en sera réellement.
Sud Quotidien