Gagner un trophée en football est toujours une exception, une singulière distinction, mais qui tend à devenir ordinaire au Sénégal. L’Equipe de football des U20 vient de remporter, au Caire (Egypte), la Coupe d’Afrique de sa catégorie en battant la vaillante Equipe de Gambie sur le score de 2 buts à 0. On réalise qu’un mois auparavant, le Sénégal avait battu l’Equipe d’Algérie sur ses terres, à la finale du Chan, un autre tournoi continental réservé aux footballeurs qui évoluent dans les championnats nationaux en Afrique. En octobre 2022, les Lions du beach soccer avaient fini de remporter au Mozambique, leur septième Coupe d’Afrique. En février 2022, l’Equipe A de football avait triomphé à la Coupe d’Afrique des nations (Can) au Cameroun, en battant l’Egypte. Un mois plus tard, le Sénégal validera son ticket pour la Coupe du monde du Qatar aux dépens des mêmes Pharaons d’Egypte. L’équipe des sourds-muets avait elle aussi gagné en septembre 2021, la Coupe d’Afrique des nations de football réservée à cette catégorie de personnes handicapées. Le Sénégal va se présenter en grandissime favori de la Can U17 qui se jouera en Algérie, du 29 avril au 19 mai 2023. En attendant d’autres succès, si on compte bien, en l’espace d’une année, le Sénégal a gagné tout ce qui pouvait l’être en Afrique : un quintuplé historique, jamais réalisé par un pays dans aucune partie du monde !
Notre galerie de trophées a besoin d’être agrandie. A la clé, les Lions du Sénégal sont systématiquement qualifiés parmi les représentants de l’Afrique aux Coupes du monde de football ! Il est à noter qu’à chaque fois, les Sénégalais gagnent le trophée collectif et raflent en même temps la plupart des trophées individuels décernés aux joueurs. C’est dire que le Sénégal est sur le toit de l’Afrique, et devra y rester pour longtemps encore. En effet, ces grosses performances ne sont pas isolées et obéissent à une dynamique de victoires, une logique immuable. La relève des équipes est assurée avec les petites catégories qui savourent déjà l’exquis goût de la victoire. Les Lions victorieux du Chan ont montré que le Sénégal ne gagne pas que grâce à ses binationaux, comme on avait voulu le faire croire. La relève est bien en place, à tous les échelons, et de bons profils sortent des écoles et centres de formation, au grand bonheur des clubs professionnels.
Tous les succès ont été acquis grâce à des entraîneurs nationaux, qui ont tous eu à revêtir le maillot frappé de la tête de lion. Au demeurant, le sacre des U20, qui intervient après celui au Chan, apparaît comme le meilleur hommage qui pourrait être rendu par exemple au regretté Joseph Koto (décédé le 14 octobre 2021) et qui avait mené ces deux sélections à différentes finales infructueuses.
L’expertise sénégalaise a forcé le respect sur les terrains de football. Les dirigeants du football sénégalais méritent une fière ovation. L’esprit de la gagne s’est installé. Nous avons guéri nos blessures, nos désillusions, pour nous forger désormais un nouvel état d’esprit, un mental de compétiteurs, de gagneurs. En juillet 2019, au lendemain d’une défaite amère au Caire face à l’Algérie à la finale de la Can, le Sénégal avait dignement fêté ses héros, certes rentrés bredouilles. Ils étaient nombreux à se gausser de «la célébration de vaincus», mais nous ne nous y étions pas trompés. Nous indiquions, dans une chronique du 22 juillet 2019 intitulée «Panser nos plaies d’Egypte», que cette liesse populaire devra servir de catharsis à nos joueurs et leur indiquer la voie de la victoire. «La défaite face à l’Algérie est ce genre de défaite que nous devons fêter comme une victoire. Le Président Macky Sall et les supporters ne s’y sont pas trompés. Le Sénégal ne pouvait pas bouder son plaisir. Cette équipe aurait mérité de recevoir une prime équivalant à une prime de victoire. Relever la tête, se préparer encore et encore pour 2021. Les footballeurs sénégalais, pris par la déception, ont pu manifester quelques moments de faiblesse. Ce sentiment avait aussi gagné nombre d’entre nous autres supporters. Mais cet instant passé, il fallait ravaler la colère, la frustration et relever la tête. Des supporters sénégalais ont chialé comme ce fut le cas en 2002, à Bamako, quand nous avions été battus par le Cameroun, dans les mêmes conditions et circonstances.»
Encore une fois, derrière chaque réussite il y a un rêve, l’audace c’est d’y croire. C’est pourquoi, en allant à la Can suivante, nous osions croire «qu’au Cameroun, seule la victoire sera belle pour les Lions de la Teranga» (27 décembre 2021). Le pari avait été réussi de fort belle manière. Nous priions pour gagner une première coupe continentale afin d’exorciser en quelque sorte cette poisse de la défaite et surtout, nous implorions de gagner enfin une coupe pour «croire en nous-mêmes». L’objectif sera donc réalisé et nous nous autorisions à annoncer le printemps du Sénégal. Dans une chronique du 7 février 2022, nous écrivions avec assurance et peut-être beaucoup de toupet : «Je veux croire que le temps du Sénégal est arrivé.» «Nous devons certainement nous dire que c’est désormais le temps du Sénégal, car on ne fera pas la fine bouche, tout ce qu’il y a de meilleur en Afrique commence par le Sénégal ou est inspiré par notre pays. Les étoiles sont alignées. Côte d’Ivoire, retiens que le Sénégal arrive à la prochaine Can 2023 pour chercher une deuxième étoile !»
Nous ne pouvions pas deviner que les autres catégories ne s’en laisseraient pas conter ou ne sauraient pas ne pas se mettre à la hauteur de l’Equipe A. Tout cela ne tient pas d’un hasard ; ces victoires sont la récompense d’une résilience, mais surtout le Sénégal a réglé tous ses facteurs de contre-performance extra sportifs. C’est donc la victoire de l’unité, de la solidarité, de la ténacité et de l’abnégation. Le slogan lancé par le Président Macky Sall était «Manko indi Ndam li» (unis pour la victoire). En effet, on l’a fait avec le cœur, avec l’énergie et l’engagement. Le Sénégal veut le meilleur et sans complexe. Tout ce qui se construit de plus beau en Afrique commence par le Sénégal, disions-nous.
A force de continuer à gagner de la sorte, ça risquera de friser l’arrogance, mais on va continuer de le faire, de gagner, encore gagner, toujours gagner. J’ai reçu des messages de nombreux amis à travers l’Afrique, qui commencent à nous reprocher la boulimie de la gagne. Il faudrait bien qu’ils soient patients, nous ne lâcherons pas le morceau de sitôt. Le Sénégal a tellement couru derrière des trophées qu’on va les garder jalousement. Je revoyais hier une vidéo de 2002, quand le Président Wade jubilait à travers les rues de Dakar pour la victoire du Sénégal contre la France en Coupe du monde Corée-Japon. Sur le toit de la voiture présidentielle, on distinguait le Président Wade, la Première ministre Mame Madior Boye, Macky Sall, alors jeune ministre de l’Energie, et Karim Wade, fils du Président Wade. Seul un curieux hasard pouvait expliquer la présence de Macky Sall aux côtés du Président Wade en ces instants. Les voies du Seigneur sont impénétrables, disent les érudits ! Sportivement !