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[Enquête] Tout sur Nafissatou Diallo

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Dominique Strauss Kahn hume désormais l’air libre de New York, une liberté certes enchaînée, puisqu’il a cassé sa tirelire. Plus de trois milliards de nos francs de caution et de garantie d’assurance. Pire, il devra aussi payer 200.000 dollars par mois pour la sécurité et la location d’un appartement qui lui servira d’habitation tout le long de son procès qui devrait démarrer le 6 juin, jour de son premier face-à-face avec le jury. Mais déjà, les premiers éléments de l’enquête enfoncent Dsk, d’autant plus que des traces d’Adn ont été retrouvées sur le chemisier de Nafissatou Diallo dont l’identité se précise jour après jour. Votre serviteur l’a connue en 2008, alors qu’elle travaillait dans un restaurant situé entre la 170e rue et Grand Concourse, dans le Bronx, propriété d’un Gambien nommé Diaby.

D’une beauté rare, Nafissatou Diallo attire partout où elle se trouve l’attention. Dans ce restaurant où nous l’avons rencontrée pour la première fois, elle avait l’air d’une rose en plein sahel. De nombreux hommes rôdaient autour d’elle. Teint clair, silhouette longiligne, des yeux ronds et blancs comme des œufs, elle attirait la clientèle. Nous sommes en 2008. La présumée victime de Dsk, l’air innocent, était assez réservée. Mais dès qu’on lui parlait Pulaar, le contact s’établissait vite. Entourée de ses collègues et employeurs, en majorité Soninkés, elle apparaissait comme une bonne serveuse, assez dégourdie, qui recevait beaucoup d’avances de Gambiens, sans doute des Soninkés, venus prêter main forte à leur parent Diaby, propriétaire du restaurant. Très posée, elle leur opposait une fin de non recevoir dans un langage châtié, maniant l’humour et le cousinage à plaisanterie : « Ce sont mes esclaves », servait-elle à votre serviteur. Et les répliques ne se faisaient pas attendre. « Ce sont plutôt les peuls qui sont nos esclaves ».

C’est dans cette ambiance paisible qu’elle a vécu pendant 3 ans. Mais auparavant, Nafissatou a eu une vie tumultueuse. A l’époque, elle sortait avec un Malien. Ses relations avec sa famille d’accueil, en particulier sa sœur, n’étaient pas des plus fluides. C’est en 2003 qu’elle a foulé le sol américain en provenance de Conakry. Nafissatou Diallo venait rejoindre sa sœur Fatoumata et l’époux de celle-ci Abdoulaye Laban. Le couple possédait un « magasin 99 cent » (c’est l’équivalent des boutiques à 1000 francs) sur la 183ème rue, entre Jérôme Avenue et Gand Concourse. Un commerce très prospère dans lequel le couple employait plusieurs personnes, souvent des Africains, qu’il rétribuait très mal.

L’influence de Fatoumata sur Abdoulaye contribuait à alourdir l’atmosphère du Store. Nafissatou Diallo venait d’arriver et évolua en premier lieu dans la coiffure en louant une chaise dans un salon que gèrent des Dominicaines. Ses relations avec ses tuteurs devenues exécrables, elle finit par voler de ses propres ailes et obtient, par la suite, un emploi chez un célèbre tradipraticien nommé Mballo, originaire de Vélingara. La même année, elle formule une demande d’asile politique, c’était sous le règne de l’autocrate Lansana Konté. Plusieurs Guinéens ont obtenu l’asile politique en usant de ce subterfuge.

La jeune dame avait aussi d’autres arguments à faire valoir, puisqu’elle était mariée très jeune (à 14 ans) et avait une fille restée au pays. Devant le juge de l’immigration, elle a utilisé comme argument cette fille qui serait « entre de mauvaises mains » et qui pourrait être persécutée. Elle obtient vers 2006 une réponse positive. Parallèlement, elle trouve un emploi chez Diaby qui gère un restaurant exigu dans le Bronx. On y allait souvent pour s’empiffrer de couscous, une des spécialités du local. Quelques mois plus tard, elle a fondu dans la nature ; sans doute avait-elle obtenu un emploi plus stable à l’hôtel Sofitel.

Nafi parle certes français, mais sa non-maitrise de la langue de Molière trahit son niveau élémentaire. Elle a tout de même suivi des cours de perfectionnement. Nafissatou Diallo a bien de la famille dans ce pays où sa fille de 15 ans l’a rejointe. En plus de sa sœur, son frère aîné Mamadou Diallo y vit aussi. D’ailleurs, c’est sous le nom de ce dernier que sa sœur Fatoumata et son mari Abdoulaye Laban avaient loué leur boutique. Mamadou vivrait actuellement à Atlanta. Malheureusement, le store a fini par prendre feu en 2007, plongeant le couple dans un dénuement total.

Faute d’assurance valable, le propriétaire n’a pas eu une indemnisation conséquente. Aujourd’hui, la famille vit dans l’appartement que le couple a acheté à Park Chester, mais leur destin a basculé. Abdoulaye Laban est désormais chauffeur de taxi.

Ceux qui connaissent la victime présumée de DSK la présentent comme une femme de bonne moralité et une infatigable travailleuse. Etant veuve, qu’elle ait des copains ne semble pas gênant pour eux. Toutefois, elle devra s’attendre à des enquêtes poussées sur son passé. Les avocats de la défense se sont attachés les services d’un grand cabinet de détectives qui va fouiner dans sa vie. Certains esprits peinent toujours à croire à la thèse du viol, retenue contre Strauss Kahn.

Un expert en hôtellerie, qui capitalise 25 ans d’expérience, dit être sceptique en ce sens que pour lui, la femme de chambre ne doit être envoyée dans une chambre que quand la gouvernante a vérifié que celle-ci est libre. M. Ndiaye soupçonne un coup monté par le personnel de l’hôtel. En plus, selon lui, tout le monde sait que cet espace est réservé à de hautes personnalités. Quoi qu’il en soit, les supputations vont bon train, même si Nafissatou est toujours gardée dans un endroit tenu secret.

Son présumé violeur a recouvré la liberté en payant une caution d’un million de dollars et une garantie d’assurance de 5 millions, en plus de l’appartement qu’il a loué à plus de 200.000 dollars par mois. L’avenir de DSK semble s’assombrir, puisque les enquêtes révèlent que l’Adn retrouvé sur le chemisier de la femme est bien celui du directeur du Fmi. Toutefois, Nafissatou Diallo devra batailler ferme pour gagner la confiance du jury, sous peine de connaître le même sort que l’accusateur de O. J. Simpson. Me Baylee, un des avocats du célèbre footballeur noir américain, avait réussi à mettre en cause la crédibilité du policier Mark Furhman, en le poussant à nier avoir utilisé le terme « nigger », alors qu’il détenait un enregistrement dans lequel le policier connu pour son racisme employait ce terme. Ce qui avait fait chambouler le procès pour meurtre intenté contre O. J. Simpson. Mieux, les conseils de Simpson avaient réussi à démonter le rapport d’expertise du procureur. Ils ont ainsi rallié à leur cause un des douze membres du jury. Or, si un des douze jurés doute, le dossier est rejeté. Nafissatou Diallo devra donc s’attendre à tout. Un procès où il sera beaucoup question d’expertises et de contre-expertises entre le Procureur et la défense. La guerre de tranchées entre laboratoires est déclenchée.

Amadou BA (Correspondant permanent aux Etats-Unis)

lasquotidien.com

 

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