XALIMANEWS: A moins de 10 mois de son organisation, c’est toujours le flou artistique autour de la présidentielle de 2024. Si sa date est officiellement arrêtée pour le 25 février prochain, les noms des réels candidats qui vont devoir s’affronter à la magistrature suprême restent encore à déterminer pour diverses raisons liées au parrainage, à la candidature de trop ou simplement à l’hypothèque juridico-judiciaire sur l’éligibilité de certains acteurs politiques. Le tout dans un climat politique extrêmement chargé sur fond de processus électoral vicié, de « mortal kombat » et d’irrédentisme de la classe politique, pouvoir comme opposition confondus.
L’élection présidentielle qui se profile pour l’année 2024 semble bien partie pour être celle de toutes les anomalies. A moins de dix mois de l’organisation dudit scrutin, le processus électoral qui doit en faciliter les contours manque de panache et n’en finit pas de susciter des suspicions de la part de l’opposition et des observateurs politiques. En témoigne déjà la fixation officielle de la date du 25 février 2024 pour la tenue du scrutin, une date que le président de la République a tiré en longueur en dépit des récriminations de maints acteurs qui exigeaient son annonce officielle, pour rester dans le cadre de l’exercice républicain. Il en a été de même pour le démarrage de la révision exceptionnelle des listes électorales. Et là aussi, le ministère de l’Intérieur maître d’œuvre de la procédure a trainé vraisemblablement les pieds avant d’en arrêter la période, du 06 avril au 06 mai. Rien que 30 jours pour permettre aux primo-votants d’une population aujourd’hui estimée à18 millions d’habitants du fait d’un croît massif à s’inscrire sur les listes électorales. Conséquence : depuis avant-hier, jeudi, c’est le rush magistral vers les commissions administratives d’une jeunesse qui veut être elle-même maître de son destin. Cette période extrêmement courte de la révision exceptionnelle des listes n’a pas manqué d’ailleurs de susciter moult interrogations de la part des acteurs de l’opposition comme de la société civile, allant même jusqu’à pousser la Cosce et autres organisations dites neutres à exiger de l’autorité un rallongement du délai de révision. Reste maintenant à savoir si les primo-votants, avec cette période très raccourcie, pourront tous bénéficier de leur carte d’électeur et jouer leur partition dans la présidentielle à venir.
A côté d’un processus électoral encore en balbutiement vers le mois de février prochain, le scrutin présidentiel qui se profile est miné par la nature même du tri citoyen qui est imposé aux candidats. Pour cause, le parrainage désormais édicté pour tous les types d’élection au Sénégal reste le chemin de croix des prétendants à la magistrature suprême. Quoique des dizaines de candidatures aient été déclarées à gauche et à droite, rares seront les acteurs qui dépasseront la barre de parrains requise, soit 0,8 des inscrits. La présidentielle de 2019 en est un exemple patent. Sur 27 dossiers de candidatures, seuls cinq étaient parvenus à franchir la muraille du parrainage. Ce qui avait provoqué au temps moult incriminations et soupçons contre le Président Macky Sall et l’appareil d’Etat, accusés d’avoir tripatouillé le fichier électoral. Depuis lors, l’Etat du Sénégal a été invité par la Cedeao à invalider ce système de parrainage citoyen. Même la Cena (Commission électorale nationale autonome) dirigée alors par le magistrat Doudou Ndir a plaidé pour une révision du système qui ne permet pas un libre exercice des droits des candidats.
Outre un parrainage problématique qui force les candidatures à se déclarer sans aucune garantie de participation, le scrutin présidentiel de 2024 a cela d’anecdotique que les principaux leaders de l’opposition significative sont menacés d’inéligibilité. De Khalifa Ababacar Sall de Taxawu Sénégal (maire incontesté de Dakar de 2009 à 2017, date de sa révocation par Macky Sall) à Karim Wade (candidat du Pds, l’ancien parti au pouvoir de 2000 à 2012), en passant par Ousmane Sonko de Pastef-Les Patriotes (arrivé troisième à la dernière présidentielle), aucun des leaders des grands partis de l’opposition n’est assuré de participer au scrutin de 2024. Si Khalifa Sall et Karim Wade qui ont bénéficié d’une grâce présidentielle sont dans l’expectative d’une amnistie qui leur rendrait leur statut d’électeur, le maire de Ziguinchor voit lui l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête. Du simple fait des affaires politico-judiciaires (Sweet beauté et affaire Prodac) qui hypothèquent sa candidature, sous la dictée d’un pouvoir déterminé à lui ôter son éligibilité.
La grande nébuleuse qui entoure le scrutin de février prochain tient aussi de la troisième candidature controversée du président sortant. Quoiqu’il n’ait pas encore prononcé officiellement sa déclaration de candidature, le président Macky Sall est surveillé comme du lait sur le feu. D’un côté, par une opposition qui lui récuse toute autre candidature à la magistrature suprême au nom de l’Article 27 de la Constitution qui stipule que « Nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs ». Et de l’autre côté, par ses propres partisans qui le forcent à se représenter pour un autre quinquennat. Et même là, des oppositions frontales pourraient émerger en interne si jamais il franchissait le Rubicon comme le lui suggère son camp. Idrissa Seck de Rewmi, ancien Premier ministre, candidat arrivé deuxième à la présidentielle de 2019, est ainsi sur le qui-vive, dans l’attente semble-t-il d’une sortie du Président sur la question, pour rompre le pseudo deal qui l’avait amené dans le camp présidentiel.
Ces zones d’ombre sur le scrutin présidentiel de février prochain sont alourdies par la tension politique extrême marquée par l’expression de deux irrédentismes engagés dans un « mortal kombat ». Du côté du régime en place comme de l’opposition, l’on semble ainsi déterminé an l’absence de tout dialogue politique structuré à user de tous les raccourcis pour se maintenir au pouvoir ou y arriver en février prochain. Quitte à mettre le feu aux poudres. Conséquence : jamais dans l’histoire politique du Sénégal, une présidentielle n’a comptabilisé autant de chapes de plomb des plus explosives.