Monsieur Macky Sall, le moins courageux des présidents de la planète depuis la préhistoire à nos jours, a enfin osé faire face à la presse de son pays. Mais par contre il lui fallait une presse connue pour être la base arrière des cellules obscures du palais. C’est ce qui explique que l’annonce de son grand oral n’a pas suscité de grand intérêt. Le grand oral lui-même a accouché d’une souris comme il fallait s’y attendre. L’affluence et le nombre de vues sont très largement derrière ceux du fauteuil vide de Mr Ousmane Sonko.
Sans surprise, au lieu de lui poser de véritables questions, le journaliste a passé le clair de son temps à lui passer la pommade, et à poser des questions à l’image d’un talibé qui s’adresse à son marabout. Un vrai journaliste, professionnel, indépendant, non corrompu, aurait posé entre autres les questions suivantes :
1° Mr le Président, vous avez passé 11 années à la tête du Sénégal. Vous êtes à quelques mois de la fin de « votre second et dernier mandat », termes empruntés à votre livre « Le Sénégal au cœur ». Quel bilan tirez-vous globalement de votre gouvernance ?
2° En 2012 vous aviez promis la création de 500 000 emplois. En 2019 vous aviez promis la création de 1 000 000 d’emplois. Cependant le taux de chômage est passé de 10,2% en 2012, à 25% en 2022. N’est-ce pas la preuve d’un échec patent en matière d’emploi ?
3° Au plan social, l’Indice de Développement Humain renseigne que le quotidien des sénégalais s’est empiré comparé au reste du monde car de 2012 à nos jours, notre pays a reculé de la 144ème place à la 166ème. Dans le même temps, le nombre de pauvres a augmenté, passant de 5,8 millions à plus de 6 millions. Reconnaissez-vous là aussi un échec de votre politique sociale ?
4° Au plan économique, à travers vos différents gouvernements ces 11 dernières années, vous avez pu bénéficier de plus de 43 000 Milliards de budget, fonctionnement et investissements. De plus vous avez emprunté à tout va car la dette du Sénégal est passée de 2700 Milliards en 2011 à plus de 13 000 Milliards de nos jours. Où est passé toute cette manne financière après avoir fait le constat d’une pauvreté et d’un chômage qui ont augmenté ? L’inflation est galopante, le secteur privé a été laissé en rade et se meurt, les secteurs de la pêche et de l’agriculture n’ont pas connu d’avancées. Seuls quelques projets, parfois discutables sur l’opportunité et le coût, sont sortis de terre.
5° Au point de vue de la démocratie, votre prédécesseur Mr Abdoulaye Wade a laissé un leg aux générations futures, notamment en renforçant dans la constitution la liberté de manifester. Avant lui, Mr Abdou Diouf avait laissé un code consensuel et un multipartisme. Quel est a été votre apport durant ces 11 années au plan démocratique ?
6° Où en est la commission d’enquête indépendante sur les 14 morts lors des manifestations de Mars 2021 ? Pourquoi il n’y a eu aucune suite plus de deux après ces évènements et la promesse de votre gouvernement ? Qui a donné les instructions de tirer à balles réelles sur certains manifestants comme on l’a vu dans certaines vidéos ?
7° Le récent rapport de la Cour des Comptes sur la gestion du Fond Force Covid-19 a mis en évidence de graves fautes de gestion, des surfacturations, des détournements de deniers publics, au moment où vous demandiez aux sénégalais de rester chez eux. C’est vous qui aviez signé les décrets suspendant les procédures de contrôle des achats publics. Reconnaissez-vous votre part de responsabilité dans ce qui s’est passé ?
Pourquoi demander à la DIC d’enquêter sur des résultats d’une enquête déjà effectuée par la Cour des Comptes, au lieu d’engager tout simplement des poursuites contre les personnes incriminées ainsi que leurs hiérarchies ? Pourquoi a-t-on l’impression que l’on cherche à noyer le poisson comme il l’a été pour d’autres dossiers ?
Cautionnez-vous les propos de votre beau-frère le ministre Mansour Faye qui accuse les magistrats de la Cour des Comptes d’être des adversaires politiques ?
8° Que pouvez-vous nous dire du contrat d’armement de 45 milliards signé par le Ministère de l’Environnement ?
Trouvez-vous normal qu’un tel marché puisse être signé alors qu’il ne comporte aucun prix par équipement, aucun prix unitaire, mais juste un total de 45 milliards ?
Pouvez-vous dire quelle est la destination de ces équipements et pourquoi dans la liste figure des équipements qui ne sont plus fabriqués depuis belle lurette ?
Y’a-t-il eu surfacturation dans ce contrat comme l’affirme le groupe de presse ayant révélé ce dossier ?
Comment l’état du Sénégal peut-il contracter avec un homme d’affaires faisant l’objet d’un mandat d’arrêt dans certains pays pour escroquerie ?
9° En Octobre 2017, aux côtés du Président Marc Kaboré, vous sermonniez les sénégalais, notamment les intellectuels, qui soulèvent des débats sur les risques que vous convoitiez un 3ème mandat alors que vous aviez rendu cela impossible en des termes sans équivoque avec la révision constitutionnelle de 2016, qui n’était qu’un verrou supplémentaire à celui de la Constitution de 2001. Qu’est-ce qui a changé dans cette constitution pour que vous considériez à présent qu’elle vous permet de briguer un 3ème mandat ?
Dans une interview avec le magazine L’Express, vous niez avoir fait du wakh wakhète, mais avoir juste donné une opinion qui correspondait à votre opinion du moment. Ne s’agissait-il pas plutôt d’une interprétation authentique de l’initiateur de la révision constitutionnelle, la même interprétation qu’en a faite votre constitutionnaliste Ismaila Madior Fall et tous les membres de votre coalition avant 2019 ?
Trouvez-vous logique d’imposer à vos successeurs la limite à deux mandats, et ne pas vous l’appliquer à vous-même ?
Etes-vous conscient que c’est votre revirement qui est la source de toute la tension politique observée au Sénégal depuis 2020 ?
Vous arrive-t-il de croiser les nombreuses VAR dans lesquelles vous affirmiez ne pas avoir droit à un 3ème mandat ?
10° Que répondez-vous à ceux qui disent que votre génie politique se limite à l’usage de la force et de la corruption, à l’instrumentalisation de la justice pour écarter les adversaires politiques plutôt que de les affronter avec courage ?
11° Sous votre gouvernance, un procureur a été limogé en pleine audience, un juge a démissionné d’une magistrature qui a démissionné, l’ex Procureur Alioune Ndao renseigne que vous mettiez la pression sur lui pour qu’il lâche certains responsables épinglés, Mme Nafi Ngom Keita renseigne que vous lui avez demandé de laisser Badio Camara tranquille, vous avez vous-même avoué mettre votre coude sur des dossiers et à donner des instructions au procureur de la république à travers votre ministre de la justice. Cela ne confirme-t-il pas que la justice n’est pas indépendante, et que l’exécutif a la main mise sur elle ?
12° En matière de bonne gouvernance, vous affirmiez avoir réactivé la CREI pour la réédition des comptes des membres de l’ancien régime, et aviez mis en place l’OFNAC pour les membres de votre pouvoir.
Comment se fait-il qu’au final on retrouve dans votre gouvernement la quasi-totalité des responsables de l’ancien régime épinglés pour enrichissement illicite ?
Comment se fait-il qu’en 9 années d’exercice de l’OFNAC, aucun responsable de votre camp n’a été inquiété par la justice malgré les 1836 plaintes, 73 ordres d’ouverture d’enquête, 35 ordres de poursuites judiciaires dont ont parlé les dirigeants de l’OFNAC ? Au contraire nous constatons que ceux qui sont épinglés par l’OFNAC pour mauvaise gestion bénéficient de promotion de votre part.
13° Votre opposant principal Ousmane Sonko et son parti subissent des persécutions de plusieurs ordres. Vous l’avez radié de la fonction publique. Il va être jugé pour viol malgré les nombreux éléments à décharge et les aveux rendus publics de Adji Sarr confirmant qu’il s’agit d’un complot monté par votre camarade de parti Mamour Diallo. Il est régulièrement séquestré chez lui sans décision judiciaire. Il fait l’objet de violences policières dans ses déplacements. Le déroulement du procès en diffamation intenté contre lui est unique en son genre dans l’histoire en termes de célérité et de condamnation. Seuls les membres de son parti et ses sympathisants sont jetés en prison pour des délits discutables. Des membres de votre parti appellent publiquement à son assassinat ou à bruler sa maison avec ses occupants.
Vous aviez avoué que le procureur prend ses instructions auprès de vous à travers le Ministre de la Justice. Peut-on dire que vous êtes derrière ces persécutions, derrière cet acharnement du procureur contre Mr Sonko et ses partisans, derrière l’impunité des membres de votre camp ?
14° Depuis votre accession au pouvoir, nous avons assisté à un record de prisonniers politiques et d’exécutions de manifestants ? Le PDS vous avait reproché d’avoir mis en prison 75 cadres de leur parti au début de votre premier mandat. Durant votre second mandat, des centaines de membres et sympathisants de Pastef ont été mis en prison. Ces dernières semaines, près de 600 d’entre eux ont été mis en prison, certains pour des manifestations qui sont pourtant un droit constitutionnel, d’autres pour des opinions émises à travers les médias ou réseaux sociaux. Ne donnez-vous pas raison à ceux qui vous qualifient de dictateur qui n’accepte pas les voix discordantes ?
15° Votre régime a battu le record d’emprisonnement de journalistes, d’hommes et femmes de média. Pape Alé Niang, Pape Ndiaye, et d’autres. Vos prédécesseurs n’en ont pas fait autant. N’avez-vous pas fait là encore du wakh wakhète puisque vous disiez qu’aucun journaliste ne sera mis en prison sous votre gouvernance ?
16° De 2012 à 2023, la population carcérale est passée de 7500 à 14000 détenus. Donc en 10 ans votre régime a mis plus de personnes en prison que les anciens présidents réunis en 50 ans. Votre régime n’a-t-il pas trop banalisé l’emprisonnement de citoyens pour un oui ou pour un non ? Ne craignez-vous pas une explosion sociale ou une émeute dans les prisons surpeuplées et déshumanisées ?
17° Votre épouse et votre fils ont été cités dans le recrutement de nervis. D’ailleurs votre fils s’affiche avec un ex détenu du nom de Dof Ndeye qui se dit recruteur de nervis, et se promène impunément avec une hache en menaçant d’exterminer ceux qui se dressent contre votre régime. Est-ce parce qu’il se réclame l’ami de votre fils que ce nervi n’est pas inquiété ?
18° Les députés de votre coalition BBY ont rejeté toutes les propositions de loi introduites par les députés de Yewwi qui avaient pour objectif d’éclairer les sénégalais sur de nombreux dossiers considérés comme nébuleux. Pourquoi ce refus de transparence de votre coalition dans la gestion des deniers publics ?
- Cautionnez-vous les appels au meurtre des députés de votre coalition en plein hémicycle ? Aliou Dembourou Sow qui appelle à un génocide à la machette contre les anti 3ème mandat. Cheikh Seck qui promet de marcher sur les cadavres des opposants pour conserver le pouvoir. Demba Diop qui demande au ministre de l’intérieur de jeter à la mer les manifestants.
20° Comprenez-vous le message des sénégalais après qu’ils aient voté en majorité pour l’opposition lors des dernières législatives de 2022, après qu’ils aient fait perdre votre coalition dans toutes les cités religieuses, après qu’ils vous aient fait perdre toutes les grandes villes du Sénégal aux locales de 2022 ?
Boubacar SALL
E-mail : [email protected]
Machallah.
C’est vraiment les questions qu’il fallait poser. Rien de partisan, mais juste de l’objectivité
OBSERVATEUR
Macky sall a choisi le plus nul des journalistes sénégalais pour lui faire une entrevue : pas de relance, pas d’objection aux réponses données par macky sall, pas de questions qui fâchent, juste de la pommade pour masser le gros ventre de macky sall. L’histoire de la presse sénégalaise retiendra en tout cas ce nom de assane gueye : journaliste partisan politique qui noie les questionnements du peuple pour plaire à un président.