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Hommage : Vie et mort d’une étoile filante nommée Djims

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• Ah Djims…ce dernier éclat de rire…vous avez craqué et ri, tellement ri, car elle voulait ta tenue du vendredi et tu lui as répondu : « jotula ! toi tu es une cakaba comme ton frère et moi une tuguné mais je t’en ferai une mon amour ! ».

Votre dernier appel, avant qu’elle ne prenne son avion pour Dakar, elle te suggérait de réserver la suite pour son arrivée le lendemain. Pape Alioune a complété le tout comme vous vous complétiez en convoquant une pensée de l’incomparable Amdy Moustapha : « ku téglé niéti tuguné am ndiol ».

Tu as ensuite dit: « Nous faisons une terrasse avec des plantes et on a des citronniers. Pabi t’a expliqué les problèmes des feuilles qui jaunissent ? Et les nouvelles roses que nous avons de couleurs rouge autour et jaune au milieu…tu as reçu les photos ? J’espère que les oiseaux reviendront et cette fois feront faire leur nid sur la terrasse…». Votre amour à tous les deux pour les fleurs, pour la nature…

Depuis que tu es partie, l’envie d’éclater de rire me prend à certains moments , car on te voit toi assise à La Mer à Table du Paradis et lancer: « le pied de nez que je viens de vous faire…nakhna lène dé ! »

Tu es pourtant tellement prévisible car cash, honnête, on sait toujours ta position, souvent d’avance, sans aucune ambiguïté, ne créant aucune confusion. Mais, celle que tu as semée cette fois-ci en partant de façon si soudaine !

Sanguine, démarrant au quart de tour avec toujours des piques, mais je ne connais personne autant que toi qui sait accepter ses erreurs, qui sait pardonner, qui sait panser les plaies et blessures parfois en oubliant de se préserver.

Dakar pleure sa Djims

Djimby Ka n’est plus ! Dakar pleure sa Djims ! Et ce départ si brusque reflète si bien La Toute-Puissance de Dieu. Quand Il veut quelque chose, Il dit : « Soit et c’est ». Mën na la fekk ci berab ne la thiass. Il y a un nom de Dieu qu’on oublie souvent et qui est fondamental. C’est le Roi ! Il fait ce qu’Il veut, quand Il veut.

Les états d’âme des humains ne comptent pas. « Elle m’a parlé tout à l’heure », « On s’est vus il y a une heure », ne comptent pas quand le terme arrive ! Alex Andreoli a raison de dire : « J’ai mal choisi mon lit. La mort est ma compagne de tous les jours. Pour elle, j’aurais dû choisir un lit à deux places. »

Pour celui qui laisse une place au divin dans sa vie, le décès subit de Djimby Djibo, est à consigner dans ce tableau. Allah est « Fa-‘aalul’ lima Yurid » nous a rappelé Serigne Habib Sy Dabakh dans son discours à la mosquée de Mermoz. D’autant plus, qu’Il ne prend que Sa créature, Son esclave et Sa propriété exclusive. C’est pourquoi Il nous recommande, lorsque l’on perd un être cher de nous réfugier dans ces mots : » De Dieu nous venons et à Lui nous retournons ».

C’est notre issue si on veut sortir de cette épreuve sauf. Avec moins de séquelles on va dire, parce qu’en sortir indemne est impossible, sauf si, bien sûr, vous avez fréquenté Djimby sans vraiment la connaître. D’ailleurs, on ne connaît jamais personne entièrement et des individus à la personnalité forte comme Djimby encore moins.

Nous sommes tristes pour ta maman. Et là aussi, tu es la référence. La façon dont tu as décrit la perte de bébé Elou, est la chose qui nous revient sans cesse et qui nous dit la douleur d’une mère perdant son enfant. Que Dieu lui donne de la force et l’accompagne dans cette épreuve que toi-même tu décrivais sans commune mesure. Tu ne t’en es jamais remise comme tu ne t’es jamais remise du départ de ton papa.

Que Dieu donne à tes enfants la foi, le courage et une très longue vie pour continuer à prier pour le repos de ta belle âme. Ils peuvent être fiers de leur maman et surtout tirer d’elle tellement d’enseignements dont elle était généreuse dans le partage.

Djimby, briseuse de clivages

Joyeuse, radieuse, vivante, élégante, drôle, Djims ne laissait personne indifférente. Avec sa disparition, c’est Dakar qui perd une figure emblématique et c’est un pan de l’histoire de toute une génération qui est en train de se refermer. Cette époque où l’éducation reçue des parents ouvrait davantage les portes et les opportunités que l’argent que l’on affiche maintenant, celle de la jeunesse aux plaisirs simples.

Didier Awadi, légende du rap et ami de jeunesse de Djimby s’est souvenu de celle qui brisait les clivages. De toute cette époque à laquelle on pense avec un souvenir mélancolique, Djimby en était une icône. Elle est sans doute la fille la plus célèbre de sa génération et à travers le récit de sa vie, on peut raconter  l’histoire de toute une époque. Cette jeunesse qui a écouté Prince, Public Enemy, Dr Dre, Kassav, fréquenté Le Paris et les voitures tamponneuses, les concerts de Youssou Ndour au Collège Saint-Michel, Square et son fameux pain thon de chez Djiby.

Sa disparition produit une onde de choc dans Dakar, ce Dakar des plaisirs simples, d’enfants bien élevés. Normal que la capitale pleure l’une de ses muses les plus charismatiques. Cette ville qu’elle a aimée, tout comme elle a aimé Saint-Louis et son festival. Femme urbaine, mais aussi femme de terroir, elle aimait Thiargny le village d’origine de son père Djibo, ainsi que tous ces beaux endroits du Sénégal où elle se retirait : la Somone, N’gor chez Yaadikone, Les îles du Saloum, la Casamance. « Il y a au Sénégal des endroits qui m’inspirent » disait-elle.

Femme d’une profonde gentillesse et d’une simplicité déconcertante, elle part en jour impair parmi les dix derniers du Ramadan pleins de miséricorde et passant ses premières nuits sous terre au rythme de Laylatoul Khadr quand tant de ses connaissances sont à la Umra et priant pour elle. Peu de gens ont cette chance ! Que Dieu l’accueille !

Il y a quelques jours, je suis allé chez Djimby pour le F’tour. Comme d’habitude, à chaque fois que je lui rends visite, elle est aux petits soins. Pape prépare un ndogu délicieux et tu mets une ambiance pleine de fraîcheur et jovialité dans la maison.

Au moment de prier Timis avec mon frère, son mari, Djimby vient poser un tapis de prière tout neuf, sorti de son paquet, au dessus de celui sur lequel je me tenais déjà debout.. Ce geste m’a rempli le cœur d’un bonheur indescriptible. Cette Djimsest un ange. Des gestes comme celui-ci, beaux, simples, elle en accomplissait tous les jours.

« Nit Nité moy garabam » !`

Djimby Djibo, si on parlait en terme marketing ou communication, faisait partie des CSP+. Malgré ce pédigrée, qui fait tourner la tête à certains, elle est restée, elle, la tête sur les épaules, abhorrant tous ces clichés ‘’nouveaux riches’’. « Je ne suis pas fille de ministre. Je suis la fille d’un étudiant, dont le baptême s’est tenu à l’UCAD. Je suis une fille du peuple » se plaisait à faire remarquer Doxo muso.

L’ouvrier, le chauffeur, le marchand ambulant, le jardinier, elle avait des amis partout. C’est pourquoi à son enterrement, ils ont côtoyé, hommes de culture, politiciens, juristes, ingénieurs, banquiers, journalistes ou encore chefs d’entreprise. Elle a réuni tout ce beau monde complètement dissemblable, le temps de sa prière mortuaire !`Si elle avait fait de la politique, elle serait devenue une femme politique de premier plan. Djibo Ka au féminin…Djimby-Djibo n’était pas un hasard finalement.

 Femme-courage, elle a fait part de sa maladie sur Facebook avec un post triste et de colère même si elle n’avait pas en tête de recevoir de la pitié mais plutôt de donner de l’espoir à toutes ces femmes malades et qui souffrent en silence. Nit, Nité moy garabam.

Djimby donnait de l’amour, ne se souciait guère du quand dira-t-on et ne s’occupait que de ses propres oignons pour parler trivialement. Elle avait horreur des gens qui parlent sur le dos des gens. Ça l’agaçait. C’était son mot : « ce pays m’agace Tosh » ! Mandu faite-femme.

Avec ton mari, Pape Alioune Dieng, Pabi, vous vous êtes aimés comme jamais je n’ai vu des êtres s’aimer, envers et contre tout, envers et contre tous. Sincèrement, follement, passionnément, librement et honnêtement.

Vous avez les mêmes qualités, honnêtes justement, francs, ne pas juger, ne pas calomnier, mandu sur la vie des autres, loyaux en amitié, incroyablement libres et assumant vos vies, vos choix, mais tellement respectueux de ceux des autres. Vous avez transcendé ensemble, ce que Spinoza désignait comme les passions tristes, à savoir : la haine, le mensonge, la peur…

Ton Pabi, Orange, Djolof

Tous deux, personnages à forts caractères, clivants, mais tellement dignes, tellement sincères dans leurs démarches. L’assertion de Rûmi « Ou bien parais tel que tu es, ou bien sois tel que tu parais » était au cœur de leur philosophie de vie.

Ton Pabi, il a tout donné et fait tout ce qui était possible dans de telles circonstances. Il n’a jamais raté un rendez-vous, ni à l’hôpital, ni pour une simple piqure…il faisait les aller-retoursà Auchan pour du citron ou des carottes, entre deux sessions de sa production en cours. Il s’est occupé de sa princesse et nous en avons été témoins. Et il avait mis à contribution maman Marie, qui, en plus d’avoir mis sa voiture et son chauffeur à votre disposition pour vos rendez-vous médicaux, tous les jours, cuisinait selon les désirs de Djims.

Ce que le professeur Kassé disait à Djimby, c’est ceci : « Tu es bénie d’avoir un mari qui s’occupe de toi comme le fait Pape. La maladie est mentale et la présence permanente de ton mari me donne beaucoup d’espoir ».

 Malheureusement, Dieu en a décidé autrement.

Pape,

Qu’Allah accueille l’âme de ton amour au Paradis

Pape,

Ta mère bi nous l’avons aimée sans nous poser de questions. Nous l’avons aimée d’abord et avant tout parce que tu l’aimais toi, intensément. Cet amour, elle nous l’a si bien rendu.

Son nirowalé avec maman pour la tabaski me restera à jamais gravé…une vraie sëykat ! Un respect pour maman que je ne saurai décrire : « maman Marie ! C’est ma maman ! C’est tout ».

Dimanche 16 avril, un beau monde, parents, amis, collègues l’ont accompagnée à sa dernière demeure. Le dimanche d’après deux fils de Mame Abdou RTA, les petits fils de Mame Hady Toure, Cadi Madiakhate Kala, Mor Massamba Diery Dieng, Serigne Abass Sall et Mohsine Diop RTA priaient pour le repos de son âme.

Les témoignages de ses collègues sont bouleversants. De ses supérieurs aux équipes dont elle avait la charge et qui voyaient en Djimby une protectrice, tous ont salué sa mémoire. La tristesse et la consternation étaient visibles sur tous ces visages inconnus mais dont tout proche de Djims finissait par mémoriser les noms. Elle parlait de ses collègues d’Orange et de ses amis comme de sa famille, tout le temps.

La djolof djolof piir, fière de ses racines peules a vécu comme une étoile filante. Elle ne s’arrêtera pas de briller pour autant. Comme t’y invite ardemment le cadet des ainés : « ho fille de Thiargny va rejoindre ceux que tu aimes, le fils, le père… la lumière. »

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