La vie de galère des élèves du lycée Alpha Molo Baldé +++ Par Mamadou Gano (APS)+++
(APS) – La ville de Kolda est en proie actuellement à une forte canicule, obligeant ses populations à user de tous les artifices pour surtout durant la journée se protéger contre les rayons du soleil. Pâtissant beaucoup de ce climat, les élèves du lycée Alpha Molo Baldé ne sont pas en reste, à l’image des mouchoirs de tête qu’arborent les jeunes filles dans la cour de récréation, là où beaucoup de leurs camarades sucent sans discontinuer des glaces ou des sachets d’eau.
Au lycée Alpha Molo Baldé fréquenté par 2216 pensionnaires, élèves et professeurs suent à grosses gouttes et on a l’impression en s’approchant d’eux d’avoir affaire à des athlètes en pleine compétition.
Dans la cour de récréation, des élèves assis par petits groupes et par affinité sous les arbres devisent sagement en attendant le redémarrage des cours prévu à 16h. Une heure choisie par la direction dans l’optique d’atténuer l’effet de la chaleur, mais également de permettre à ceux qui habitent loin et qui étaient rentrés à 12h pour le déjeuner de se reposer un peu.
F. Guirassy, S. Diao et S.Seydi respectivement en classe de seconde L2n et Terminale L2, ont l’habitude de taper en moyenne 10 km par jour pour rallier le lycée. Elles habitent les quartiers Saré Moussa et Saré Kémo.
L’une d’elles décrit ainsi leur calvaire : ‘’nous quittons chaque jour Saré Kémo pour venir au lycée. On se réveille le matin à 6h et à 7h on quitte pour être à l’école à 7h 55 mn. Parfois, on arrive en retard et si le prof comprend il nous laisse suivre le cours, mais quelquefois c’est le renvoi et c’est très difficile de rater ainsi un cours’’.
Intarissable sur son calvaire quotidien, elle ajoute : ‘’le soir il fait trop chaud. Si on descend à 19h c’est pour arriver à la maison à 20h et il arrive qu’on ne dîne même pas du fait de la fatigue. Je ne parle pas de faire des révisions de cours. Le lendemain, il faut reprendre le chemin de l’école dans les mêmes conditions. On veut bien étudier, mais c’est très dur’’.
Paul Mendy, le proviseur du lycée, reconnaît les difficultés rencontrées par certains pensionnaires du lycée Alpha Molo Baldé et il déclare à ce sujet : ‘’nous avons des élèves qui viennent en retard à l’école. Il y a ceux qui viennent sans prendre de repas notamment le dîner et le petit déjeuner. Du fait des longues distances qu’ils parcourent, certains tombent quelquefois en syncope et on les évacue à l’infirmerie’’.
Boubacar Camara et Ousmane Baldé, deux élèves en classe de première, vivent la même situation que leurs sœurs. Avec la différence près qu’ils sont loin de leurs familles. Ces dernières habitent le lointain département de Médina Yero Foula et pour pouvoir bien étudier ils ont dû quitter le cocon familial pour être confié à un tuteur dont le domicile est à 6 km de Kolda.
Chaque jour de classe, ils font la distance à pied, soit une marche 30 minutes sous le chaud soleil. Le plus grave, raconte l’un des garçons, c’est quand en rentrant le soir aux environs de 19h ils traversent des quartiers plongés dans le noir par une coupure d’électricité. ‘’On craint d’être victimes d’agressions parce que nous traversons des zones sombres, surtout celles situées entre l’usine de fabrique de glace et la douane. C’est le noir total, quelquefois’’.
Mieux nantis, certains élèves viennent à l’école en vélo, en moto voire en taxi ‘’clando’’ (transport en commun). Ces commodités ont toutefois un coût et c’est ce que révèle ce jeune garçon qui enfourche une moto pour se rendre au lycée. ‘’Chaque semaine je dois acheter de l’essence dont le litre coûte 1000 FCFA. Pour être à l’abri d’une panne sèche, il me faut deux litres’’, dit-il, laissant deviner qu’il met fortement à contribution ses parents pour se procurer le précieux carburant.
Faisant partie des rares élèves ayant le privilège de disposer d’un moyen de locomotion pour se rendre aux cours, Djeynaba ne piaffe pas moins d’impatience de rejoindre l’université, fatiguée qu’elle est par les difficiles conditions d’études. Et pour cause, quand elle se rabat sur les ‘’clandos’’ elle dépense en moyenne par mois 30.000 FCFA.
Les professeurs qui se déplacent majoritairement en moto se plaignent surtout de la forte canicule. La fatigue, la faim et la soif sont invoquées par beaucoup d’entre eux. Philosophe, ce professeur de mathématiques confie : ‘’On supporte et s’adapte. L’avantage pour moi c’est que cette situation réduit mon temps de sommeil car avec la chaleur vous ne pouvez même pas fermer l’œil alors il faut travailler jusqu’à épuisement’’.
Compatissants à l’égard de leurs élèves, les enseignants du lycée Alpha Molo Baldé plaident en ces temps de forte chaleur pour la mise en place de cars de transport urbain ou, à défaut, l’institution de cantines scolaires où les élèves pourront se restaurer sur place et ainsi ils ne seront pas obligés de rentrer à midi.