Le plan d’ajustement structurel avait conduit à la réduction du thé à « deux normaux » au lieu des trois tasses traditionnelles de thé.
Aujourd’hui, c’est toute l’architecture traditionnelle de nos repas qui est gravement déstabilisée.
Les pères de famille et les mamans ne peuvent plus, en général, s’acquitter des trois repas pour leurs enfants.
Il n’y a presque plus de petit déjeuner.
Le dîner est devenu un luxe pour les familles qui peuvent se l’offrir.
Une grande partie de la population se contente du fast-food local constitué de caakri, de ndambé, de sandwich sommaire, de foondé, etc.
D’autres, moins chanceux, se contentent malheureusement d’une tasse d’eau pour passer la nuit.
Ce processus de réduction des repas s’est installé progressivement.
Selon les endroits et les activités économiques, il y avait un moment de dégustation à takusaan, autour de 17H.
À Saint Louis, c’était l’heure du njoganal, ce repas léger que les hommes dédaignaient manger, préférant le laisser aux femmes et aux enfants. Il était constitué de ceeb bu tooy ou bien de njebb une sorte de soupe de poisson assez pimentée.
Ailleurs, les cultivateurs et les éleveurs s’offraient un moment de détente autour du thé accompagné d’arachides grillées ou de pain.
Toute la journée, toute la famille buvait des tasses délicieuses de lait caillé sucré, coupé avec de l’eau. Dans les villes, dans le bol de lait flottait un morceau de glace qui rafraîchissait ce breuvage qu’il rendait tellement désaltérant et délicieux.
Ailleurs, le canari rempli d’eau fraîche était parfumé au jar. Cette eau avait un goût magique ! Elle était vraiment plus délicieuse que ces bouteilles où ces sachets d’eau aseptisée qui sont aujourd’hui vendus au marché et dans les boutiques.
Nos femmes n’étaient pas encore complètement atteintes par la publicité des « cubes ». Les repas qu’elles préparaient dégageaient, des dizaines de mètres à la ronde, des odeurs appétissantes qui ramenaient les enfants à la maison avant l’heure de servir le repas.
Ces dernières décennies, nous avons perdus petit à petit un savoir-faire, du raffinement et baissé nos exigences de qualité au niveau des mets préparés dans les maisons. D’ailleurs beaucoup de plats traditionnels ont disparu des recettes de cuisine familiale.
De plus en plus, nous mangeons à toute vitesse, pour juste calmer notre faim.
Nous avons perdu le bonheur de manger.
Nous ne voyons plus, même le dimanche, les femmes se retrouver pour terminer les restes du déjeuner, verser les têtes de poisson et la sauce assaisonnée de daxxaar du ndawal dans le bol et sucer délicatement les arêtes.
Nous sommes revenus à l’essentiel, au besoin animal, manger pour survivre.
À la cherté du coût de la vie, s’est combiné le «m’as tu vu »!
Les Sénégalaises et les Sénégalais s’accordent que « le ventre ne parle pas » et que « personne ne voit ce qui est dans le ventre ».
Cette hypocrisie collective, reflet de l’arrogance des classes dirigeantes, reporte les ressources des familles sur l’habillement, les parures et les chaussures à la place des repas pour la famille et surtout du manger des enfants.
Nous sommes arrivés à la situation dramatique dans laquelle les contraintes économiques, financières et sociales, de plus en plus difficiles, nous enfoncent davantage : manger mal et pas assez !
Sans aucun doute, un sursaut est indispensable !
Je vous souhaite une excellente journée dominicale sous la protection divine.
Dakar, dimanche 13 août 2023
Prof Mary Teuw Niane
bel article merci professeur ! vu que nous sommes tous connectés….peut-être qu’il faut initier une page web pour ressusciter ces recettes traditionnelles qui sont assurément plus vitalisantes que les vite fait !