Tout comme beaucoup de Sénégalais, j’ai récemment reçu ma facture SENELEC, qui est mon fournisseur d’électricité. Ce choix n’est pas de mon ressort mais c’est le seul opérateur auquel nous pouvons souscrire un abonnement pour être alimenté en électricité dans le pays, même si je n’ignore l’existence de quatre autres opérateurs. La question de la libéralisation du marché se pose également.
Pour autant, je n’ai pas pu passer à côté de certains changements significatifs dans ma facture. Cela m’a incité à examiner les récents ajustements relatifs aux tarifs et aux politiques énergétiques dans le pays. En tant que ressource essentielle, l’électricité a un impact majeur sur tous les aspects de nos vies. Cependant, son coût demeure un sujet d’importance qui mérite d’être scruté de près. C’est pourquoi j’ai décidé de remonter un peu le temps, à la fin de l’année 2016, et jusqu’à aujourd’hui, pour explorer les tendances et les évolutions du secteur énergétique. L’étude est intéressante, et je tenais à la partager dans l’espoir que cela puisse éclairer d’autres citoyens sur cette question essentielle : Sommes-nous véritablement au courant de tout sur le coût du kWh d’électricité ?
Afin de faciliter la compréhension de cette étude et d’éclairer notre vie quotidienne, permettez- moi de rappeler brièvement certaines notions, à commencer par les unités de mesure telles que le watt (W), le kilowatt (kW) et le kilowattheure (kWh). Le watt, exprimé en W, est l’unité utilisée pour quantifier la puissance électrique, un paramètre crucial pour évaluer la capacité de production ou de consommation des dispositifs et appareils électriques. Par exemple, une ampoule LED éclairant une pièce consomme environ 5 W, tandis qu’un climatiseur destiné à rafraîchir un salon moyen demande environ 2 000 W, ce qui équivaut à 2 kW. De même, un climatiseur de type « split » destiné à refroidir une chambre de 25 m2 consomme 1 750 W, soit 1,75 kW, et un four électrique avec pyrolyse affiche une puissance de 2 600 W, soit 2,6 kW. Ces valeurs expriment la puissance absorbée par ces appareils.
Cependant, il est important de distinguer la puissance (en kW) de l’énergie consommée, mesurée en kilowattheures (kWh). En tant que client de SENELEC, votre facture dépend de l’énergie électrique que vous avez utilisée sur une période donnée, exprimée en kWh. Les abonnements, quant à eux, sont définis en kilowatts (kW) ou en kilo-volt-ampères (kVA), représentant la puissance maximale que l’on
peut soutirer du réseau de distribution de SENELEC. Pour mieux cerner cette différence, je vous propose de faire l’analogie avec l’eau du robinet, où la puissance équivaudrait au débit d’eau, et l’énergie consommée correspondrait au volume d’eau utilisé. En somme, la puissance souscrite serait comparable au diamètre du tuyau du robinet, déterminant le débit maximal possible, tandis que l’énergie consommée équivaudrait au volume d’eau réellement utilisé.
Examinons un exemple concret : si vous allumez un climatiseur d’une puissance de 1,2 kW pendant 1 heure, votre consommation s’élève à 1,2 kWh. Cependant, si vous le laissez fonctionner toute la nuit de 23h à 6h du matin sans interruption, vous aurez consommé 1,2 kW multiplié par 7 heures, soit 8,4 kWh. Ainsi, imaginons un scénario précis : un client quelconque que j’appellerai Aïcha, aurait utilisé le même climatiseur de 1,2 kW exclusivement pendant les nuits, sur une période de 60 jours (équivalant à 2 mois, soit la durée de facturation). Cette utilisation entraînerait une consommation totale de 504 kWh. En conclusion, Aïcha, avec un seul climatiseur fonctionnant uniquement la nuit, dépasse considérablement les tranches 1 et 2 de la tarification de SENELEC, (que j’aborderai plus bas), se retrouvant déjà dans la tranche 3, sans même prendre en compte d’autres appareils tels que le réfrigérateur, la télévision, les lampes et la cuisinière, qui contribuent également à sa consommation électrique.
SENELEC applique différentes tranches tarifaires en fonction de la quantité d’énergie consommée. Ces tranches de tarification sont conçues pour encourager la maîtrise de la consommation, tout en garantissant une tarification équitable. Dans cette étude je prends en compte uniquement les tarifs pour les compteurs classiques, (en ce qui concerne les compteurs Woyofal, j’y dédie une étude en aparté dans une autre chronique).
Au sein de ce système, la tranche 1 est généralement la plus avantageuse en termes de coût par kWh. À mesure que la consommation augmente, on progresse vers les tranches supérieures, où le prix par kWh est plus élevé. Ainsi, lorsque la consommation d’électricité dépasse un certain seuil, le coût global de l’électricité augmente. L’exemple d’Aïcha que j’ai ai mentionné, avec son climatiseur fonctionnant exclusivement la nuit, illustre de manière tangible comment la gestion de la consommation peut avoir un impact significatif sur les factures d’électricité. Ceci souligne l’importance de comprendre ces paliers tarifaires et d’ajuster nos habitudes de consommation en conséquence.
Depuis 2016, le gouvernement a pressé SENELEC de réduire le coût de l’électricité de 10%, ce qui a été appliqué avec succès à la première tranche tarifaire. D’ailleurs, cette première tranche n’a pas connu de changement (augmentation) depuis mai 2017. À ce moment-là, le coût moyen de production de SENELEC était de 72 FCFA par kilowattheure, et le tarif de la première tranche pour les clients appelés « domestiques petite puissance » (connue sous le nom de Tranche sociale) était de 90,47 FCFA par kilowattheure.
Cependant, après les révisions tarifaires de janvier 2023, la première tranche n’a augmenté que de 0,7 F CFA par rapport à 2017, atteignant 91,17 FCFA. Cette tranche concerne les consommateurs avec une puissance souscrite inférieure à 6 kW dans une limite de 150 kWh consommées durant la période de facturation. Pour rester dans cette tranche tarifaire, la seule condition est de maintenir une consommation quotidienne moyenne en dessous de 2,5 kWh sur une période de 60 jours, pour les compteurs traditionnels.
En ce qui concerne la deuxième tranche, le prix du kilowattheure est passé de 101,64 FCFA (fin 2016) à 136,49 FCFA en janvier 2023. Les clients de la tranche sociale (domestiques petite puissance) entrent dans cette deuxième tranche dès qu’ils consomment désormais plus de 150 kWh sur une période de 60 jours. Pour déterminer à quel moment vous allez dépasser ces 150 kWh et être facturé à 136 FCFA au lieu de 91,17 FCFA, vous pouvez prendre la valeur du compteur lors du dernier relevé de l’agent SENELEC, puis ajouter +150 à cette valeur. Le résultat vous indiquera à partir de quel niveau vous passerez de la première tranche à la deuxième. Par exemple, si l’agent constate que le compteur affiche 2000 kWh, en ajoutant 150, vous saurez que dès que le compteur atteint 2150 kWh, vous passez à la deuxième tranche.
La troisième tranche a connu la plus grande hausse, passant de 112 FCFA par kilowattheure lors des années précédentes à 159,36 FCFA en janvier 2023, soit 41% de plus. On passe à cette tranche dès qu’on consomme plus de 250 kWh sur une période de 60 jours. Cette modification tarifaire a un impact notable sur les consommateurs qui dépassent la barre des 250 kWh de consommation au cours d’une période de 60 jours (soit une augmentation de 56,8 % du coût du kWh si on considère le tarif initial de la deuxième tranche).
Pour mieux comprendre l’impact de cette augmentation tarifaire sur la facturation des professionnels, prenons l’exemple d’un professionnel petite puissance. Avant les ajustements tarifaires, la première tranche était de 128,85 FCFA par kilowattheure, la deuxième tranche était de 147,68 FCFA par kilowattheure, et la troisième tranche était de 147,68 FCFA par kilowattheure. Supposons qu’ils consomment 300 kWh d’électricité en 30 jours, ce qui équivaut à 600 kWh sur une période de 60 jours, dépassant ainsi la première tranche (limite de 50 kWh) et la deuxième tranche (limite de 500 kWh).
Avant les ajustements tarifaires, leur facture s’élèverait à 82 137,65 FCFA pour leur consommation. Cependant, avec les nouveaux tarifs de janvier 2023, voici comment se décompose leur facture :
– Les 50 premiers kWh (première tranche) à 163,8 FCFA par kilowattheure.
– Les 450 kWh suivants (de 50 kWh à 500 kWh, deuxième tranche) à 189,84 FCFA par kilowattheure.
– Les 100 kWh restants (troisième tranche, au-delà de 500 kWh) à 208,63 FCFA par kilowattheure.
Calculons la facture totale en prenant en compte la taxe communale de 2,5%, la redevance de 2949 FCFA et la TVA de 18% :
– Pour la première tranche : 50 kWh * 163,8 FCFA/kWh = 8 190 FCFA
– Pour la deuxième tranche : 450 kWh * 189,84 FCFA/kWh = 85 428 FCFA
– Pour la troisième tranche : 100 kWh * 208,63 FCFA/kWh = 20 863 FCFA
Coût total avant les taxes : 8 190 FCFA + 85 428 FCFA + 20 863 FCFA = 114 481 FCFA Taxe communale (2,5%) : 2,5% * 114 481 FCFA = 2 862 FCFA
Redevance : 2 949 FCFA
TVA (18%) : 18% * (114 481 FCFA + 2 862 FCFA + 2 949 FCFA) = 21 938 FCFA
Coût total après les taxes : 114 481 FCFA + 2 862 FCFA + 2 949 FCFA + 21 938 FCFA = 142 230 FCFA
Cela représente une augmentation de 60 092,35 FCFA par rapport à l’année précédente. Cette augmentation substantielle des coûts d’électricité peut avoir un impact financier considérable sur les petites entreprises, ce qui souligne la nécessité d’optimiser l’efficacité énergétique et de gérer attentivement la consommation d’électricité pour maîtriser les dépenses.
Conclusion
Les coûts croissants de l’électricité résultent d’une combinaison de facteurs, dont le contexte international joue un rôle prépondérant. La hausse du prix des combustibles, notamment le fioul et le gasoil, qui représentent environ 70% des charges de la SENELEC, est l’une des principales raisons de l’augmentation des coûts. Les fluctuations de ces prix sur les marchés mondiaux ont un impact direct sur les coûts de production d’électricité, ce qui se répercute sur les tarifs pour les consommateurs.
De plus, les vagues de chaleur, de plus en plus fréquentes en raison des changements climatiques, entraînent une utilisation accrue des systèmes de climatisation. Cette augmentation de la demande d’électricité de la clientèle de la SENELEC a conduit à un pic de consommation aux alentours de 1200 Mégawatts (MW) cette année, comparé aux années précédentes avec 957 MW en 2022, 805 MW en 2021, 646 MW en 2018, et 606 MW en 2017. Cela exerce une pression supplémentaire sur les coûts de production, ce qui se traduit par des tarifs plus élevés pour les consommateurs.
Un autre facteur contributif est le manque de communication efficace de la part de la SENELEC et des médias pour informer les clients des hausses tarifaires et des rajustements. L’absence d’information transparente peut prendre de court les consommateurs et les laisser perplexes face aux augmentations soudaines de leurs factures.
Pour résumer les coûts par kWh pour chaque tranche :
– Usage Domestique petite puissance (puissance souscrite inférieure à 6 kW)
• Première tranche [0 – 150 kWh]: 91,17 FCFA/kWh, inchangée.
• Deuxième tranche [151- 250kWh] : 136,49 FCFA/kWh au lieu de 101,64 FCFA/kWh, soit une hausse de 34,29%.
• Troisième tranche (plus de 250 kWh) : 159,36 FCFA/kWh au lieu de 112,65 FCFA/kWh, soit une hausse de 41,5%.
– Usage professionnel petite puissance
• Première tranche[0 – 50 kWh] : passage de 128,85 à 163,8 FCFA/kWh.
• Deuxième tranche [51- 500kWh] : passage de 135,68 à 189,84 FCFA/kWh.
• Troisième tranche (plus de 500kWh): passage de 147,68 à 208,63 FCFA/kWh.
La question qui se pose est de savoir si nous allons continuer à suivre ces hausses sur tous ces aspects. Sommes-nous condamnés à les subir ? Jusqu’où allons-nous pouvoir résister ? Pourquoi la SENELEC n’a-t-elle pas été transparente concernant les ajustements à venir qui impactent les Sénégalais ? Pourquoi l’État a-t-il cessé sa subvention ? Pourquoi un tel acharnement sur le consommateur ?
Ces interrogations sont légitimes face à une situation financière préoccupante, et il est urgent que les pouvoirs décisionnels trouvent des solutions pour atténuer ces coûts en constante augmentation. La situation financière est préoccupante, et il est impératif que les pouvoirs décisionnels trouvent des solutions pour atténuer ces coûts en constante augmentation.
Il est désormais évident que pour éviter le marasme financier qui menace le pouvoir d’achat des Sénégalais, il est impératif de réévaluer les politiques économiques préconisées par certains technocrates et dirigeants politiques, et d’explorer des approches alternatives. Il est à espérer que les dirigeants politiques de notre pays prendront rapidement conscience de cette réalité et mettront en œuvre des solutions pour stabiliser les coûts de l’électricité tout en garantissant un approvisionnement fiable pour tous les citoyens. Il en va de notre bien-être économique et de la pérennité de notre pays.
Au moment du choix, il est sage de faire ce bilan. N’est-il pas logique de quitter un kWh produit à 80 % à partir de produits pétroliers importés (fuel lourd, charbon, gasoil), ce qui nous rend particulièrement vulnérable face aux chocs pétroliers ? Chacun jugera !
Mouhamadou Rassoul DIOUF,
Ingénieur nucléaire – Doctorant en physique nucléaire et Ingénieur d’Exploitation au centre nucléaire de production d’électricité d’EDF
(Octobre 2023)
Je pense que la Senelec devrait te recruter pour que tu leur apprennes comment expliquer. Je comprend pas qu’il veuillent pas faire cette démonstration car cela exposerait leur mensonge, ils disaient que la hausse n’était que de 16%. Le pire reste a venir car l’Etat enlève complètement la subvention a partir de 2025. Le problème est que ces gars n’ont pas vraiment travaille sur l’électricité, la SENELEC achète a des fournisseurs 75% de l’énergie quelques fois à des prix juste déraisonnables. On utilise les solutions temporaires du plan Takkal pour en faire des solutions sur le long terme, c’est de la fainéantise et de la paresse intellectuelle. Un de leur plus grand fournisseur Karpowership a récemment coupe la Guinee Bissao et la Sierra Leone. Je me demande ou se trouve notre souveraineté dans cette gestion. On ne peut régler le problème de la SENELEC en aillant des politiciens a sa tete.
Oui je pense qu’un potentiel comme ça, le Sénégal en a besoin. Senelec devrait le piocher directement. Le gars est vraiment pertinent et les explications sont nettes et pédagogues.
Maintenant l’état devrait revoir sa politique énergétique, en soi, la faute n’est pas seulement du côté senelec. Mais en tout cas la population est fatiguée. Ma facture a triplé ce bimestre
Je pense les sénégalais metrisent bien pour la plupart les tranches tarifaires de la Senelec .La Senelec a sciemment relevé les compteurs après les 60 jours pour beaucoup de consommateurs et les a fait entrés dans la tranche 3 pour les faire payer au maximum.C’est là où réside le vol.Pourquoi la Senelec ne relève pas les compteurs avant les 60 jours comme on n’y est?Ils sont payés pour travailler donc ils doivent relever les compteurs à temps à défaut ils doivent pas appliquer aux consommateurs qu’ils ont entraîné dans la tranche 3 les tarifs de cette tranche .Ainsi ce serait plus juste.Avec les NTIC il n’y a pas besoin d’aller chez le client pour relever son compteur.Une simple photo suffit largement et je pense qu’au Sénégal vous trouverez dans chaque famille une personne capable de le faire sauf peut-être des cas exceptionnels.
Mr Diouf! Protégez vous bien d’abord du nucléaire. Ici tout est politique ; vos explications sont claires et nettes mais c’est pour ceux qui optent pour la rationalité