« Né citoyen d’un État libre et membre du souverain, quelque faible influence que puisse avoir ma voix dans les affaires publiques, le droit d’y voter suffit pour m’imposer le droit de m’en instruire. Heureux, toutes les fois que je médite sur les Gouvernements, de trouver toujours dans mes recherches de nouvelles raisons d’aimer celui de mon pays! » Rousseau, Contrat social, avant-propos. Livre I.
Personne n’en doutait, car le dispositif électoral humain et matériel ne fut même pas mis en place. Mais nul ne pouvait jurer qu’il le ferait, car la pilule était trop volumineuse pour un président sortant en parfait désamour avec son peuple qui, il y a douze, l’avait pourtant plébiscité. Contre toute attente, Macky Sall, bientôt futur président de la République du Sénégal a, par un samedi noir, une fin de semaine de misère tétanisante, et enfin un lundi de « deuil démocratique » national, décidé de signer son énième consentement à la confrontation contre tout le peuple sénégalais. L’acte de report des élections est un affront jamais égalé dans l’histoire démocratique de notre pays. C’est le coup « d’état » de trop et la forfaiture la plus troublante de la trajectoire socio-politique du Sénégal. Quelle ignominie que de reporter/annuler des élections présidentielles à 10 heures de l’ouverture de la campagne électorale sous le prétexte fallacieux d’une crise institutionnelle grossièrement inventée et mensongèrement imaginée, toute honte bue ! Quelle bouffonnerie politicienne que de penser que par un tel acte, on gagnerait en temps et possibilités de manœuvres pour éventuellement réussir son coup ! La stratégie politique fignolée en amont de ce report est de très piètre valeur fonctionnelle aux yeux des initiés : ce n’est que la chronique d’une défaite différée. Le monde entier a bien raison de rire actuellement de nous sous cape. Mais à toute chose malheur est bon.
La bonne nouvelle est, par voie de conséquence, qu’aucun sénégalais, désormais, ne pourrait arguer qu’il n’est pas concerné par ce qui se passe dans notre pays. Petits bourgeois, intellectuels, guides spirituels et citoyens de tous bords, levons-nous, la main dans la main avant qu’il ne soit trop, si ce ne l’est presque déjà. Quand il s’attaquait à ses potentiels concurrents, beaucoup d’entre nous s’étaient tus au nom du très dubitable statut de spectateur déconnecté de la politique : la fameuse et vieille attitude des apolitiques dont le Comte de Montalembert disait qu’ils ont intérêt à s’occuper de la politique, sinon la politique s’occupera d’eux. Aujourd’hui, nous sommes TOUS sommés de nous lever pour défendre le peu qu’il nous reste de reconnaissance et de dignité citoyenne. Si nous n’arrêtons pas Macky Sall aujourd’hui – disons cette fois-ci – ce sera définitivement trop tard. C’est un homme gratuitement méchant, éthiquement indigne, intellectuellement pauvre et perpétuellement en guerre contre le Bien, le Vrai et le Juste.
Pêcheurs, agriculteurs, marchands et artisans, sentez-vous plus que jamais concernés par ce qui se passe chez nous. L’an 2024 risque d’être l’une des plus atroces voire catastrophiques de tous ceux qu’on a vécues ces dix dernières années. Macky Sall tâcherait exclusivement de sauver, du mieux qu’il pourrait, ce qu’il lui restera à dissimuler (vote de lois d’Amnistie, accélération des dossiers de justice pendants de ses farouches adversaires et dissimulation de tout ce qu’il a pillé, détourné et commis comme crimes). Les difficultés socioéconomiques seraient le cadet de ses soucis, car il se saurait déjà vaincu d’avance dans son combat contre la pauvreté, l’indigence et la misère des sénégalais. Peu de promesses vous seraient désormais faites en raison de sa conscience claire et distincte d’une incapacité pathologique de se faire aimer ou accepter des sénégalais qui ont fini par le transformer en mélancolique permanent, ivre de vengeance de conservation et d’accumulation sans fin. L’homme aurait tout fait pour laisser derrière lui un nom gravé dans les mémoires, mais malheureusement la fortuna ne lui a pas tendu la main durant ses douze années de règne; et il en veut de ce fait aux sénégalais de ne pas lui avoir, ne serait-ce que superficiellement, témoigné leur amour tant quêté et leur hospitalité si chantée partout dans le monde. Le Macky Sall de 2024 sera sans pitié et subrepticement esseulé voire isolé, recroquevillé sur lui-même, car pour lui et sa clique chaque minute comptera pour préparer l’assaut ou le départ final. Gare alors à ceux qui réclameront une vie meilleure ! Il ne s’y intéressera que très peu pas parce qu’il ne le veut pas, mais parce qu’il n’en aura plus le temps.
Aux intellectuels qui peuvent s’exprimer et se faire entendre par diverses voies, quelle que soit la nature et le poids, il sera temps de se rappeler que si la répression qui suivit la Commune française a pu avoir lieu, c’est en partie grande partie, selon Sartre, à cause de Flaubert et Goncourt qui n’avaient écrit aucune ligne pour l’empêcher. Vos voix portent et peuvent foncièrement changer la donne. Aucune injonction ne sera, par compte, adressée à ceux d’entre vous qui se croiseront les bras et serrer les coudes contre leurs corps, car ils en auront le droit. Mais pour ce pays qui nous a tout donné et que notre cœur adore, nous gagnerons à nous lever maintenant et solidairement. Césaire nous exhortait, à juste titre, de nous garder de croiser nos bras en latitude stérile de spectateurs, car la vie n’est pas un spectacle. La détresse psychologique que traverse actuellement notre pays ressemble à « une mer de douleur » que quelques jeunes, pierres aux mains dans les rues de nos quartiers populaires, ne doivent pas seuls traverser (à ce sujet, d’ailleurs, à partir du lien youtube ci-joint, jetez un coup d’œil sur la technique de la pyramide magistralement enseignée par notre brillant compatriote Pape Touré :
Nous sommes capables d’arrêter l’hémorragie ou la confiscation démocratique comme le souligne si bien Felwine Sarr dans sa chronique post-déclaration d’annulation illégale et illégitime des élections du 25 février prochain. Toutes les forces vives de la nation, dit-il, doivent s’organiser, agir et obtenir la restauration du calendrier républicain ! Tout le monde est interpellé.
Quant aux guides spirituels ou « chefs » religieux, certains diront qu’ils doivent aussi se lever ou élever leurs voix et se joindre à nous. Certes, en parfaite intelligence avec leur peuple et le cours de l’histoire, c’est ce qui doit incontestablement ressortir de toute analyse rationnelle, car après tout ils occupent une place prépondérante dans nos vies par leurs statuts incontestables de « guides » et « éclaireurs » de nos âmes désireuses de perfectibilité spirituelle. Ce n’est alors pas par irrespect ou volonté de désacralisation ou de sacrilège que nous les appelons sans cesse dans les moments démocratiquement douloureux que nous traversons, mais par conscience et reconnaissance de leur héritage. À défaut de les entendre nous défendre et nous soutenir publiquement, contentons-nous alors de nous souvenir des sermons de Serigne Abdoul Ahad Mbacké et des déclarations de Serigne Abdou Aziz Sy.
Hommes, femmes, jeunes et aînés, levons-nous demain, après demain et pour tout le temps que cela nécessitera, en vue de barrer la route à Macky Sall dont la soif de domination de son peuple est devenue pathologique. Pour la mémoire de toutes ces jeunes âmes rendues, au nombre approximatif de 80, ces trois dernières années et enfin au nom de tous ceux qui croupissent en prison pour la simple défense de leur citoyenneté, organisons-nous et avançons ensemble vers la libération de notre pays aux prises avec l’amateurisme de politiciens de carrière sans scrupule et habités par une vengeance de compensation sans commune mesure.
Se battre contre Macky Sall, arrêter son délire narcissique (pervers) et le mettre hors d’état de nuire est une nécessité idoine, laquelle exige un sacrifice sacerdotal sous-tendu par une rationalité actionnelle, pointue et coordonnée. La guerre contre les dérives dictatoriales ne se gagne qu’avec tact et audace. Chacun doit se le tenir pour dit et demeurer prêt à mettre au service de notre peuple son talent, son génie et sa force. Nous aurons besoin de toutes les intelligences, tous les savoir-faire et tous bras pour nous débarrasser de cette ignoble racaille à la tête de notre pays. Il est impératif de se lever, sans rien attendre de ceux censés nous protéger et nous défendre. Personne ne viendra nous sauver. Cette guerre nous la gagnerons TOUS ensemble, main dans la main, épaule contre épaule, les yeux rivés sur l’essentiel. Le Sénégal meurtri nous appelle. Répondons ! L’occasion nous est, à jamais, donnée de nous mettre ENSEMBLE au nom d’une seule et unique cause: LIBÉRER LE SÉNÉGAL.
Serigne Touba Mbacké Gueye, Professeur agrégé. UQAT-Canada