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Ne pas confondre capitulation et apaisement (Par Marvel Ndoye)

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Vent de décrispation – Pacification de l’espace politico-social – Apaisement – L’étau se desserre autour de xxx – Pacification de l’espace public – processus pragmatique d’apaisement et de réconciliation – Décisions d’apaisement – etc….

Voici les différents termes lus ou entendus çà et là après la libération ce Jeudi 15 Février 2024 d’une infime portion des près de 2000 détenus dit politiques au Sénégal. Tous ces termes, toutes ces formules, tous ces commentaires sont erronés, parfois à dessein.

Depuis Mars 2021, ils sont plus de 3000 citoyens qui ont été arrêtés et emprisonnés alors qu’ils n’exerçaient rien d’autre que des droits élémentaires garantis : soit par la constitution – soit par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme – soit par la charte internationale des droits de l’homme – soit par le pacte international relatif aux droits civils et politiques, etc…. Des droits tels que :

1° La liberté d’expression et d’opinion

2° La liberté d’aller et venir

3° Le droit de résistance à l’oppression

4° Le droit à la vie et à la dignité humaine

5° Le droit de créer des associations, d’y adhérer ou d’y appartenir

6° Le droit à l’information, à la liberté de la presse

7° La liberté de pensée, de conscience et de religion

8° Le droit de vote et d’être candidat à des élections

9° Le droit à un procès équitable

10° Le droit au respect de la vie privée et familiale

Il ne s’est donc pas écoulé un seul jour depuis Mars 2021 sans que des citoyens innocents ne soient arrêtés, parfois torturés, ensuite jetés en prison, lorsqu’ils ne sont pas tout simplement abattus comme les 83 martyrs que nous pleurons encore.

On peut dire sans se tromper que l’intégralité des 3000 citoyens arrêtés et emprisonnés depuis Mars 2021 n’ont fait qu’exercer l’un des droits ci-dessus énumérés. Mêmes lorsqu’ils ont été poussés à jeter des pierres pour se défendre ou défendre leurs droits, ils n’ont fait qu’exercer leur devoir de résistance à l’oppression. Ils étaient encore 1800 dans les prisons le mois dernier, et 250 sont venus les rejoindre au lendemain du putsch constitutionnel.

Tous peuvent certes porter le qualificatif de prisonniers politiques car est un détenu politique :

1° Si la détention est en violation de l’une des garanties citées ci-avant

2° Si la détention est pour des raisons purement politiques sans véritable infraction

3° Si la durée de la détention est disproportionnée

4° Si la personne est détenue par discrimination par rapport à d’autres personnes

5° Si la détention est l’aboutissement d’une procédure entachée d’irrégularités

Cependant, les termes qui conviennent le mieux dans le cas de ces 3000 citoyens arrêtés de façon barbare et arbitraire, c’est « Otages politiques » ou pour certains d’entre eux « Otages personnels du tyran ».

En effet, 100% de ces citoyens ont été arrêtés sur base d’infractions ou crimes imaginaires, sur base de dossiers fabriqués et souvent de façon grossière, sur base de mensonges volontaires, parfois sur base d’une simple commande. Il a un bracelet Sonko – Elle a écrit maintiens rek – Il a fait un live à 300m de Reubeus – Il a dit emprisonner Sonko c’est semer le chaos – Sa tête ne plait pas à madame – Il a mis un statut Whatsapp moqueur – Il faut le faire passer pour un terroriste – etc… Voici entre autres raisons d’emprisonnement. C’est ignoble.

Le fait qu’ils aient presque tous été envoyés en instruction uniquement pour les retenir des mois, voire des années en prison, parce que l’on sait que dès qu’ils seront face à un juge indépendant ils bénéficieront soit d’un non-lieu total, soit d’une relaxe pure et simple, soit d’un renvoi des fins de la poursuite, cela renforce le fait qu’ils sont d’abord et avant tout des « otages », des otages de l’homme politique qui a pouvoir sur le Procureur et sur les FDS.

Macky Sall a fait passer la population carcérale du Sénégal de 7200 depuis l’indépendance à 2012, à près de 15 000 à lui tout seul. Donc en 12 ans il a mis en prison plus que tous les précédents présidents réunis et les colons. Non pas parce qu’il lutte mieux contre la criminalité, mais plutôt parce qu’il a juré de réduire l’opposition à sa plus simple expression, a déclaré la guerre à leurs militants ainsi qu’à tous ceux qui s’élèvent bruyamment contre la mal gouvernance.

D’ailleurs dans les près de 8000 prisonniers et otages qu’il s’est constitués, il n’y a aucun pilleur des deniers publics ou aucun criminel lié de près ou de loin au clan BBY ou qui servent ses intérêts. Même l’ami et partisan Seydina Fall Bougazelli pris en flagrant délit de trafic de fausse monnaie passible de 20 ans de réclusion criminelle est libre comme l’air et ne sera jamais jugé sous son régime.

Donc si pendant 12 années le Sénégal a vécu une telle barbarie, une telle dictature sanglante, une telle veulerie des bras armés du régime, que ce n’est qu’à quelques jours de la fin de règne du tyran, et seulement parce qu’il a été mis dos au mur par le monde entier en voulant commettre un coup d’état pour s’éterniser au pouvoir, qu’il libère par petites gouttes quelques-uns de ses otages politiques, il faut que l’on cesse cette hypocrisie consistant à parler de « Vent de décrispation – Pacification de l’espace politico-social – Apaisement – etc… ». Certains faux dévots vont même jusqu’à remercier le preneur d’otage. Et puis quoi encore !!!!

En quoi doit-on parler d’apaisement alors qu’il ne s’agit que de la capitulation d’un tyran qui a battu un record planétaire d’emprisonnements d’hommes politiques, de militants ou sympathisants ? Tous innocents, sans exclusives. Des enfants, des vieillards, des handicapés, des malades, des femmes enceintes, des cadres d’entreprises, des maires, des députés, des espoirs de famille, des étudiants. Certains bébés ont même fait plus de 8 mois de prison parce que leurs mamans ont été prises en otage par le régime du tyran. Un long reportage s’impose, pour l’histoire.

Non seulement il faut une prise en charge morale et financière de ces otages libérés actuellement au compte-goutte, et même les précédents depuis 2021, mais il faut plus que jamais punir tous les complices à cette prise d’otage ainsi que leurs commanditaires. Sinon, demain tout autre politicien dénué d’esprit démocratique ou de courage sera tenté d’en faire de même. Il va sans dire que demain tous les dossiers d’assassinats de manifestants, de disparitions, de tortures, de milices illégales, d’achat illégal d’armes, doivent quitter les tiroirs pour être instruits, les auteurs et les commanditaires pourchassés et punis sans complaisance. Il n’y a à rassurer personne.

MARVEL NDOYE
E-mail : [email protected]

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