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Le féminisme sénégalais, au-delà de nos émotions (Par Mass Massamba Ndao)

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Les généraux, le magistrat, les universitaires, les hauts cadres d’institutions internationales…, bref très chers ministres de la République, vous ne méritez pas vos postes. Le casting est excellent, certes, mais aux yeux des féministes, de certaines compatriotes féministes, il est tout simplement « injuste ». Par conséquent, Sonko et Diomaye, deux polygames de surcroît, devraient vite revoir leur copie. « Ce que la femme veut, Dieu le veut », dit-on. Certaines de nos dames sont « consternées » par la « faible » représentation de la gent féminine dans le gouvernement. De leur avis, ce régime, anti-systémique, qui a crié haut fort d’adopter une rupture avant d’accéder au pouvoir grâce à ce discours, était obligé de mettre en place une équipe beaucoup plus « équilibrée » que cela pour ne pas dire paritaire. Le Sénégal est un pays doux et très charmant !

C’est vrai que le féminisme a toujours une raison de vivre, même de nos jours. Mais quand l’émoi prend le dessus, il peut perdre tout son sens. Les féministes sénégalaises veulent un gouvernement où il y a autant de ‘’moussors’’ (foulards) que de ‘’kopati’’ (bonnets), un Conseil des ministres beaucoup plus féminin où il faut, peut-être faire du ‘’diaagar diaagaari ‘’, du ‘’feul feulaalé’’ pour montrer aux hommes que le Sénégal dispose également de femmes intellectuelles. Teuss ! Les anti-systèmes sont interpellés, il faut réactualiser « le projet ».
Pour s’offusquer de ces « tares », certaines ont même dépoussiéré le dernier rapport de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), qui révèle que les femmes représentent près de la moitié de la population sénégalaise (49,4 %), estimant qu’elles sont représentées qu’à hauteur d’un dixième dans le gouvernement qui a pour but de les servir et de répondre à leurs attentes.
Mais au-delà de l’émotion, ces audacieuses « linguères », qui ont décidé de ne pas s’intéresser à ce que ce même rapport a dit sur la représentation des jeunes ne devraient-elles pas porter d’abord le combat pour une présence massive des femmes dans les élections nationales. Le Sénégal vient de boucler sa 12e présidentielle, et seules trois candidates y sont notées (Amsatou Sow Sidibé, Diouma Dieng Diakhaté et plus récemment Anta Babacar Ngom). Dans ce pays, depuis les sociétés traditionnelles, la politique était un domaine presque exclusivement masculin et s’exprimait en termes d’autorité, de contrôle et de domination. Même si les femmes ont toujours été présentes dans l’espace politique : Yassine Boubou, huitième Damel du Cayor, un royaume précolonial situé à l’ouest du Sénégal actuel, qui à travers ses exploits politiques répertoriés entre 1673 et 1677, incarne aujourd’hui le djom (courage) dans les légendes populaires, les reines Ndatte Yalla (1810-1860) et Djembeut Mbodj (1800-1846) du Waalo, entre autres grandes figures féminines.

« Ce sont les femmes qui élisent », disant Lamine Guèye, premier avocat noir de l’Afrique occidentale française (OAF) et premier président de l’Assemblée nationale du Sénégal indépendant), qui a su très tôt profiter du poids électoral des femmes et de leur engagement politique, pour avoir été élu dès 1925 premier maire noir de Saint-Louis du Sénégal.

Après les indépendances, le Sénégal connaîtra la première femme députée qui deviendra plus tard la première femme ministre, à savoir Caroline Faye. Avec l’arrivée du président Abdou Diouf en 1981, elle sera rejointe par la magistrate Maïmouna Kane, deux femmes ministres qui ont beaucoup œuvré pour la promotion de la femme. Elles ont été les pionnières dans les espaces de décisions stratégiques. Progressivement, les femmes gagnent du terrain. Le régime libéral verra l’avènement de la première femme Premier ministre, en l’occurrence Mme Mame Madior Boye, brillante magistrate, qui officiera à la tête du gouvernement de 2001 à 2002. 

«Féminixtrémistes» ? 

C’est dire que le Sénégal a fait des pas de géants dans ce sens. En effet, en plus de l’application de la loi sur la parité de 2010, notre pays s’est attaché à œuvrer pour une meilleure représentation des femmes au sein des institutions. À l’Assemblée nationale par exemple, sur les 165 mandats parlementaires, 73 ont échu à des femmes. Le Sénégal, volontiers considéré comme un État de droit et un îlot de stabilité dans une région agitée, se classe au 4e rang en Afrique et au 18e mondial pour la parité hommes-femmes au Parlement, devant la Suisse, la France, la Grande- Bretagne et les États-Unis, selon l’Union interparlementaire, une organisation basée à Genève.

Mais là aussi, certains faits et comportements ont fini de montrer qu’il faut un certain nombre de préalables avant de siéger dans cette haute et prestigieuse tribune de l’institution parlementaire.

Mais au-delà de la parité aux postes électifs, il faut aussi citer le Projet d’appui à la stratégie nationale pour l’équité et l’égalité de genre (Pasneeg), qui est renforcé. Adopté en 2006, il est entré en 2016 dans sa deuxième phase. Il vise à “renouveler et renforcer ses actions en matière de promotion de l’égalité de genre et d’empowerment (NDLR : empouvoirement) des femmes conformément aux priorités identifiées dans le processus de l’agenda post-2015 ». La liste n’est pas exhaustive.

Donc au lieu de s’attarder sur le nombre, la représentation numérique, le véritable challenge pour ces féministes devrait être de tout faire pour que les femmes cooptées dans le gouvernement et toutes les autres braves dames nommées ou élues dans différentes stations soient à la hauteur des attentes des Sénégalais. 
Le féminisme sénégalais est-il parfois allé trop loin ? En tout cas, face à la pluralité des discours dans le monde, autour des femmes, beaucoup se questionnent : ces luttes, cette rage, ces manifestations, ces cris, ne vont-ils pas trop loin ? Le cocktail est explosif : histoire des luttes helvétiques, état des inégalités en Suisse, backlash (réactions des mouvements conservateurs aux luttes féministes), intersectionnalité, mouvements radicaux, place des hommes. « Le féminisme est une pensée qui demande une nouvelle répartition du pouvoir. Dès lors, ceux qui estiment que la situation actuelle leur profite n’ont pas intérêt à ce que cela change. La virulence des réactions montre que les combats féministes sont nécessaires », se défend Pauline Milani, historienne, chercheuse et enseignante à l’Université de Fribourg.

Une chose est sûre : ce fanatisme, cet extrémisme risquent de transformer certaines féministes en «féminixtrémistes». 

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