XALIMANEWS-L’Espagne attire de nombreux jeunes migrants en quête de réaliser leur passion pour le football dans un pays où ce sport est roi. Cependant, un phénomène préoccupant émerge depuis plusieurs mois : un nombre croissant de jeunes guinéens, marocains et tunisiens arrivent en Espagne avec l’espoir d’intégrer des centres de formation nationaux. Malheureusement, nombreux sont ceux qui, trompés par les passeurs, voient leur rêve se transformer en déception. Explications sur ce reportage fait par RFI.
Jouer sur les terrains emblématiques comme le stade Santiago Bernabéu, le Nou Camp, ou encore le Wanda Metropolitano, revêtir les maillots prestigieux du Real Madrid, du FC Barcelone ou de l’Atletico Madrid, et évoluer sous les projecteurs d’un des championnats les plus renommés au monde, c’est le rêve de nombreux jeunes talents du football à travers le monde. Cependant, pour certains venant du Sénégal, de Guinée, du Nigéria, du Maroc ou de Tunisie, qui ont réussi à atteindre l’Espagne, le rêve se transforme souvent en une cruelle désillusion.
Depuis quelques mois, un nombre croissant de jeunes étrangers âgés de seulement 13 ou 14 ans tombent sous l’emprise des réseaux de trafiquants d’êtres humain, rapporte Radio France internationale. Juan José M*, enquêteur à la police nationale espagnole spécialisé dans le trafic d’êtres humains et les cas impliquant des mineurs en Andalousie, témoigne de cette tendance alarmante : « En discutant avec des collègues à travers le pays, nous constatons une augmentation significative des cas. Nous recevons des signalements de personnes anonymes ainsi que de nombreux jeunes ayant été eux-mêmes exploités, se retrouvant sans abri et en grande précarité. Certains ont décidé de se tourner vers la police pour obtenir de l’aide et prévenir d’autres jeunes de tomber dans le même piège. »
« Tidiane, âgé de 17 ans et originaire de Guinée, pensait réaliser son rêve de devenir footballeur professionnel en arrivant en Espagne. « Il y a deux ans, alors que je jouais dans un petit club de Conakry, plusieurs personnes m’ont approché en me disant que je pourrais devenir un grand joueur », se souvient-il.
Sa famille a rassemblé de l’argent pour payer un passeur qui devait emmener son fils en Espagne. « Il m’a promis une place dans une académie de Barcelone », raconte Tidiane.
« En mars 2023, on m’a fait venir avec des documents mentionnant un échange scolaire, en compagnie de plusieurs camarades guinéens du même âge. On nous a assuré qu’une académie prendrait en charge notre scolarité tout en continuant notre formation sportive. À notre arrivée à Barcelone, nous avons été séparés, logés chez des inconnus et on nous a interdit de parler aux autres résidents de l’immeuble. »
L’adolescent sent que quelque chose ne va pas. « Après quinze jours, l’école n’avait toujours pas commencé, ni les entraînements de football. On ne nous disait rien, et au bout d’un mois et demi, on nous a demandé de payer à nouveau, alors que ce n’était pas prévu… On était perdus, alors on a fui, un soir tard quand tout le monde dormait. »
À la rue, Tidiane est désorienté, sans argent, et craint d’être appréhendé par la police. Dépourvu de tout document officiel, sa pièce d’identité a été confisquée par son passeur à son arrivée en Espagne.
Le jeune garçon fouille les poubelles pour se nourrir et passe cinq mois à dormir dans des parcs ou dans des endroits insalubres, parfois sur des toits de bâtiments. Jusqu’à un jour d’octobre 2023, où un travailleur de l’association Caritas repère des jeunes dormant dans un immeuble en construction en face de chez lui. Tidiane est alors pris en charge par la branche barcelonaise de l’organisme caritatif, qui l’aide à apprendre la langue et à reprendre le chemin de l’éducation.
« Sans eux, je ne sais pas ce qui me serait arrivé », précise-t-il. « Mon histoire est malheureusement trop courante dans le pays ; nous sommes nombreux à être pris au piège de personnes mal intentionnées qui exploitent les rêves des jeunes. »
Les autorités s’efforcent de déchiffrer les schémas utilisés par les trafiquants afin de mieux protéger les jeunes footballeurs. Selon l’enquêteur Juan José M., il est fréquent de voir des jeunes traverser deux ou trois pays européens, notamment entre l’Espagne, le Portugal et l’Italie, pour être ensuite abandonnés par les passeurs qui leur ont promis un avenir dans le monde du football. Ces trafiquants retiennent les jeunes comme « otages », leur faisant miroiter l’accès à un club professionnel tout en extorquant de l’argent à leurs familles.
Selon RFI, une opération policière d’envergure a récemment démantelé un réseau impliquant cinq individus entre Las Palmas, Cordoue et Madrid le mois dernier. Aujourd’hui, la fédération espagnole de football souhaite mettre en lumière cette situation et sensibiliser les clubs ainsi que les académies.
Pour José Trigueiros, membre du département Formation, il est crucial de parler de l’exploitation des jeunes qui rencontrent de grandes difficultés à leur arrivée en Espagne. C’est pourquoi une campagne de sensibilisation est en préparation, car le monde du football, avec toute son attention médiatique, attire les trafiquants.
Selon José Trigueiros, les actions de sensibilisation visent à coordonner les efforts avec les ligues de chaque communauté autonome, les associations dans les grandes villes, les grands clubs, mais aussi les petites académies des régions moins peuplées d’Espagne, qui sont également ciblées par ces trafiquants d’êtres humains.
Pour les jeunes comme Tidiane, sur le point d’être accueillis dans une famille d’accueil en banlieue de Barcelone, l’avenir semble plus prometteur. « Ce que j’ai traversé, je ne le souhaite à personne, surtout pas à d’autres jeunes. Si mon expérience peut aider certains à éviter de tomber dans les filets des trafiquants, alors je serais vraiment heureux. Atteindre notre rêve de devenir footballeur est possible, mais il est crucial d’éviter les mauvaises influences. Malgré les épreuves que j’ai endurées, je n’ai pas abandonné mon rêve de jouer au foot. Il reste toujours ancré dans mon esprit. »
Avec RFI.
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