Me mame Adama Guèye : «Je ne protège aucun de mes confrères»
Une avocate est impliquée dans une affaire d’abus de confiance et d’escroquerie, portant sur 8,4 millions de francs Cfa, au préjudice d’un délégué médical. Ce dernier qui s’est résolu à se tourner vers les juridictions du pays constate un «blocage» du dossier au niveau du Bâtonnat, qui serait le seul habilité à livrer Me Mame Yacine Ndiaye.
Par Aly FALL
L’Avocate Me Mame Yacine Ndiaye est-elle au dessus des lois ou bénéficie-t-elle des amitiés du Bâtonnier de l’Ordre des avocats, qui font qu’elle puisse échapper à un jugement ? La pertinence de ces interrogations réside dans le fait qu’elle fait l’objet d’une double plainte auprès du procureur de la République ainsi qu’au niveau de la Division des investigations criminelles (Dic), sans pour autant qu’elle ne soit entendue. Avocate à la cour, elle est poursuivie pour abus de confiance et escroquerie par un délégué médical, qui lui avait confié la charge de lui acquérir une maison. Mais, depuis plus de deux ans, la victime dit courir derrière Me Mame Yacine Ndiaye, qui a «encaissé 8,4 millions de francs Cfa, dont 300 000 francs Cfa, en guise d’honoraires», sans lui trouver un toit.
Exaspéré par des «promesses non tenues», sur le remboursement des sommes dues, le délégué médical s’est résolu à porter l’affaire devant les juridictions. Malheureusement, la Dic qui aura fait diligence dans le dossier, a fait comprendre au plaignant que «seul le Bâtonnier peut permettre au procureur de la République de sévir, en ordonnant une poursuite contre Me Mame Yacine Ndiaye». Depuis, ce citoyen, victime d’escroquerie et d’abus de confiance, cherche en vain à rencontrer Me Mame Adama Guèye, pour le sensibiliser sur son contentieux avec l’avocate. Il explique que plusieurs demandes d’audience sont restées lettres mortes, le Bâtonnat n’ayant daigné qu’une seule fois lui adresser un accusé de réception. La situation est devenue telle que le plaignant, qui redoute une «complicité» entre le Bâtonnier et l’avocate, n’exclut pas d’adresser une correspondance au garde des Sceaux, et au chef de l’Etat, pour que justice lui soit rendue et qu’il puisse rentrer dans ses fonds, «acquis après de longues années de travail».
L’histoire remonte au 1er Octobre 2007, quand le délégué médical a émis le souhait à un clerc de notaire, du nom de Babou Ndiaye, d’acquérir une villa dans les quartiers Liberté.
Mis en rapport par ce dernier, avec Me Mame Yacine Ndiaye, le plaignant a été informé par l’avocate de la vente d’une maison d’un couple en instance de divorce. Dans cette perspective, rappelle le plaignant, «Me Mame Yacine Ndiaye devait me fournir, courant octobre 2007, conseils et assistance juridiques en contrepartie d’honoraires fixés d’accord partie», jusqu’à l’obtention de la maison, qui devait être vendue à 19 millions de francs Cfa. Et séance tenante, assure-t-il, il lui a versé un acompte en espèces, de 3 millions de francs, «sur insistance de l’avocate».
De la même manière, raconte encore le plaignant, l’avouée a insisté pour récupérer encore 3 millions à la Bicis, à son nom, et 2,4 millions en espèces. Mais, des mois après, et contre toute attente, le délégué médical est joint par l’avocate qui l’informe de «son impossibilité absolue d’acquérir la villa dont il s’agit, en ce que la concession se faisait par enchères». Mais elle s’est empressée d’ajouter «qu’elle était dans de bonnes dispositions pour me trouver une maison auprès de la Sicap dont elle se disait être le conseil».
Par la suite, Me Mame Yacine Ndiaye qui, selon le plaignant, aurait donné des engagements de trouver une demeure ou à défaut de restituer l’intégralité de l’argent au soir du 30 Septembre 2009, deux ans après le début de la transaction, n’a pas honoré ses engagements. Même la médiation d’un parent commun aux deux parties, n’a pas permis au délégué médical de rentrer dans la totalité de ses fonds. Car jusque-là, seul 1 million de francs lui a été restitué, sur les 9 millions de francs Cfa versés au départ.
Convaincu qu’il a subi un «lourd préjudice» en ce sens qu’il aurait pu fructifier son argent en le plaçant ailleurs, le plaignant considère qu’il n’a plus d’autre recours que la Justice pour recouvrer ses droits.
POSITION – e Mame Adama Guèye, Bâtonnier de l’Ordre des avocats : «Je ne suis pas là pour protéger mes confrères»
Le dossier de Me Mame Yacine Ndiaye a bien été reçu par le Bâtonnier de l’Ordre des avocats. Même s’il dit être tenu par la «confidentialité» des dossiers concernant ses confrères, Me Guèye n’a pu dissimuler qu’il est au fait de ce cas délicat. Au téléphone, le Bâtonnier s’est refusé de prononcer le nom de Me Mame Yacine Ndiaye, faisant comme si le cas n’a rien de particulier, au regard de «nombreux autres dossiers similaires» dans ses tiroirs.
Mais, il a tenu à répondre de manière sèche à la question de savoir : Pourquoi le Bâtonnat refuse de livrer Me Mame Yacine Ndiaye ? «Nous ne sommes pas là pour livrer qui que ce soit, d’ailleurs on n’a pas cette prérogative, on n’a pas ce droit», se défend-il. Pour lui, c’est «ridicule» de dire que c’est le Bâtonnat qui bloque ce dossier. Pour ce qui les concerne, ajoute-il, ils s’occupent de la «question disciplinaire» et rien d’autre. «On saisit d’abord l’avocat et s’il s’avère qu’il est impliqué, on lui conseille de trouver une solution», indique Me Mame Adama Guèye.
A défaut, ajoute-t-il encore, «le Bâtonnat va prendre toutes ses responsabilités». Parce que lui, qui incarne la personnalité morale de l’Ordre dit refuser l’injustice sous toutes ses formes. «Je ne suis pas là pour défendre mes confrères», insiste-t-il.
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