La paisible cité de Yoff a été secouée hier, par une matinée de feu opposant les populations aux éléments de l’Escadron de surveillance et d’intervention (Esi) de la Gendarmerie. Bilan : un lieu de culte et trois bars ont été incendiés au nom de la «propreté» du village religieux. Mission à «moitié» accomplie. Ce sentiment exprimé hier, par des habitants de Yoff, après une folle matinée ponctuée par des affrontements avec des éléments de l’Escadron de surveillance et d’intervention (Esi) de la Gendarmerie, est assez illustratif de leur détermination d’en finir avec les temples évangéliques et les débits de boisson alcoolisée, qui ont pignon sur rue dans la cité. Ces endroits ont été la cible de milliers de jeunes, membres de l’Association And Deffar Yoff, à l’occasion d’une marche, à travers des artères du village.
Alors que ladite marche était frappée d’une interdiction, vendredi dernier, par note préfectorale, l’association avait quand même manifesté son intention de la tenir. Mais au lieu de la marche, l’on a eu droit à de véritables combats de rue entre des jeunes surexcités et des gendarmes bien préparés. Certes, ces derniers avaient battu en retraite quand les foules s’agrandissaient, mais ils sont revenus plus équipés et plus nombreux, pour faire face.
Il était ainsi 9 heures, quand les premiers éléments de la Gendarmerie, pointés un peu partout sur la route de l’Aéroport de Yoff, sollicitaient des renforts vu le nombre impressionnant d’hommes et de femmes qui s’apprêtaient à procéder à des casses. C’est d’abord une maison de culte, démembrement du «royaume de Dieu», située à quelques encablures du centre de santé Philippe Maguilène Senghor, qui a été visitée par les manifestants. Malgré son occupation par les membres de ladite secte, les «casseurs» sont entrés par effraction, sans crier gare, avant de tout démolir. Pis, ils y ont mis le feu, blessant le pasteur qui dirigeait des prières et plusieurs autres de ses disciples.
Après cet endroit réduit en cendres, ils se sont dirigés vers les bars qui jouxtent la cité Ouest-Foire. Trois parmi eux ont été également visités avant d’être complètement mis à sac et brûlés. Mais celui du nom de Piano-Piano a plus ressenti la furie de ces jeunes. Dans ce bar, rien n’a été épargné !
PLUIE DE PLAINTES CONTRE LES MANIFESTANTS
Le Quotidien a pu arracher des confidences à son propriétaire, qui a indexé, sans prendre de gants, les dignitaires religieux de Yoff. Complètement abasourdi par la casse à laquelle il a assisté, Mbaye Niang estime qu’il s’agit plus d’un vol organisé que d’une simple marche. Parce que, cite-t-il, tout ce qui est bonbonnes de gaz, frigos, sacs de riz, bouteilles d’huile et même des bouteilles de vin, ont été emportés par les «voleurs».
Pendant ce temps, la dizaine de gendarmes qui essayait de résister face aux assauts de ces jeunes, avait pris la tangente en attendant des renforts.
Meurtri par les évènements, Mbaye Niang estime à une cinquantaine de millions de francs Cfa le montant des investissements, avant d’annoncer une plainte à la Gendarmerie de la Foire. Les autres victimes n’entendent pas non plus, être en reste. Des plaintes vont être déposées au même lieu, tout en espérant que des sanctions seront prononcées contre les auteurs de ces actes, d’une rare violence. Dans cette folie destructrice, la case des tout-petits de Yoff n’a pas non plus été épargnée. L’édifice a subi la rage des jeunes qui, manifestement, étaient plus animés par l’envie de tout mettre à sac que d’être entendus par des slogans, comme initialement prévu et mentionné dans la demande d’autorisation de marcher.
37 BLESSES DONT 4 GENDARMES
Mais, c’est quand des éléments de l’Escadron de surveillance et d’intervention (Esi) de la Gendarmerie sont intervenus en masse, que les choses ont failli virer au drame. Les échanges de projectiles ont, en effet, occasionné 37 blessés dont 4 gendarmes. L’un a même été grièvement touché par un objet tranchant, indique le médecin-chef du centre de santé Maguilène Senghor. Dans ce lieu, seuls ont été retenus les blessés légers, sinon les autres, ajoute Dr Diop, ont été évacués à l’Hôpital général de Grand-Yoff. Jusqu’à 15 heures, il soignait encore des blessés, qui entraient et sortaient avec leurs parents, dans la salle de soins.
Seulement, quand les gendarmes ont commencé à prendre le dessus sur eux, les manifestants – garçons et filles – se sont repliés vers le tronçon Yoff-Tonghor – Aéroport. Leur but, renseignait un jeune manifestant, était d’assiéger l’aéroport de Dakar. Ce à quoi, les gendarmes ont dit niet, en leur opposant une vive résistance, jusqu’à ce qu’ils se replient à l’intérieur du village.
PROMESSES DE SEVIR ENCORE
Interrogés sur les incidents, des membres de l’Association And Deffar Yoff cachent mal leur fierté d’avoir atteint un des objectifs qu’ils se sont fixés, pour, en définitive, rendre Yoff «propre». Thierno Mbengue qui a reçu Le Quotidien dans une mosquée de la cité, avoue néanmoins l’incapacité des initiateurs de ce mouvement d’humeur, de contenir toutes les foules qui avaient fini par prendre possession des rues. «Les jeunes étaient devenus incontrôlables et ils ont montré qu’ils sont vraiment en colère», sourit-il. Avant d’avertir : «Après cette étape, la prochaine cible, ce sont les auberges qui poussent un peu partout à Yoff. Nous irons sensibiliser les gérants de ces résidences afin de leur demander d’arrêter leurs activités. Et s’ils refusent, nous allons encore agir.»
Pour Mbengue, l’Association qui regroupe tous les habitants de Yoff y compris le Khalife général des Layènes n’a rien contre la liberté de culte. Seulement, il affirme qu’elle ne laissera personne perturber la quiétude du village. «Les responsables de ces églises viennent jusque dans le village et souvent, nuitamment, recruter des jeunes à coup de 10 000 francs Cfa, pour les intéresser à leurs pratiques. Ce que nous n’allons jamais accepter.»