Les lampions se sont éteints sur l’édition 2023-2024 du championnat national de football professionnel du Sénégal et les amateurs du sport le plus populaire dans notre pays s’interrogent et ne comprennent pas les cafouillages observés lors de la dernière journée. En effet, à l’heure où nous émettons ces lignes, une seule certitude demeure : Teungueth FC est champion de la Ligue 1 et Diambars FC est relégué en Ligue 2.
Pour le reste, nous sommes dans un flou totalement artistique, au point que certains parlent de magouilles, de combines et de pratiques d’un autre temps, là où le manager général du Casa-sports, (beaucoup plus modéré) Mr Siaka BODIAN parle du « Grand n’importe quoi de la Ligue Pro qui crée une situation de Grand n’importe quoi ». Comment ne pas leur donner raison, quand on sait que la 26è et dernière journée du championnat de Ligue 1 Pro, disputée samedi 7 juin 2024, a plongé le foot sénégalais dans un imbroglio dont on se demande comment en sortir. Qui finira dauphin de Teungueth FC et qui accompagnera Diambars FC en Ligue 2 pour la saison 2024-2025 ? Comment en sommes-nous arrivés à cette farce grotesque, une sorte de comedia dell arte, après 15 ans de professionnalisme de notre championnat ?
Si plusieurs clubs sont au cœur de cette affaire, force est de reconnaître que la responsabilité première incombe aux instances de notre football (Fédération et Ligue Pro) qui n’ont pas su prendre la mesure de la crise qui couvait depuis plusieurs semaines et les nombreux contentieux qu’il fallait régler en amont avant de faire jouer l’épilogue de cette saison.
De quoi s’agit-il ? Dans 2 courriers en date du 13 mai 2024 et du 21 mai 2024, le Stade de Mbour et Jamono de Fatick avaient saisi la commission de discipline de la Ligue Pro aux fins d’évocation
« pour inscription et participation d’un joueur suspendu sur la feuille de match d’un joueur de l’ASC Jaraaf de Dakar, dénommé Cheikh LO NDOYE » ; lequel avait été suspendu pour 2 matchs fermes et qui n’a jamais purgé sa suspension, car le club présumé fautif avait relevé appel de cette décision auprès de la Commission de recours de la fédération sénégalaise de football. En attendant le résultat de l’appel, le Jaraaf a continué à utiliser les services de ce joueur sans coup férir, alors que l’appel n’est pas suspensif aux termes de l’article 16 des dispositions générales des Règlements de la LSFP, qui stipulent que « l’appel n’est pas suspensif, sauf en matière d’exécution des sanctions financières ou dans toutes les compétitions qui nécessitent la désignation immédiate d’un vainqueur » . On notera que si l’appel est un droit pour tout club lésé par une décision de la commission de discipline, cette faculté est circonscrite à des conditions très strictes par l’article 125 du Code disciplinaire qui dispose que « toutes les décisions de la Commission de discipline peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la Commission de recours, sauf si la sanction prononcée est une suspension de moins de trois matchs ou inférieure ou égale à deux mois….. ».
Donc, c’est à bon droit que la Commission de discipline avait fait droit aux demandes du Stade de Mbour et de Jamono de Fatick, en donnant matchs perdus au Jaraaf (moins 6 points) et en leur octroyant les points de la victoire (à savoir 3 points chacun), en s’appuyant sur les articles 16 et 125 ci-haut cités. Dans la page 5 de la décision, alinéa 1, la Commission de discipline a mis fin aux supputations du Jaraaf en déclarant ceci : « ….concernant la suspension, il ne pouvait exercer aucune voie de recours à son encontre eu égard au quantum de la sanction qui est inférieur au seuil fixé par l’article 125 précité ni, a fortiori, invoquer le caractère prétendument suspensif de l’appel ».
En clair, la Commission de discipline dit deux choses : 1°/ Le Jaraaf ne pouvait pas faire appel de la décision de suspension du joueur Cheikh LO NDOYE ; 2°/ Même en cas d’appel, le joueur Cheikh LO NDOYE devait purger sa sanction de 2 matchs en attendant le résultat de l’appel.
L’affaire aurait pu s’arrêter là, diraient les profanes, car en perdant six points, il n’y a pas mort d’homme et le Jaraaf serait bien calé dans la première moitié du tableau et attendre tranquillement la fin de saison. Sauf que le Jaraaf, en faisant appel, avait anticipé une situation qui pourrait la conduire à la catastrophe en fin de saison ; à savoir la rétrogradation en National pour deux forfaits, conformément aux règlements de la FSF et de LSFP. C’est pour cette raison unique, que ce club richissime (qui n’est pas fait pour les échelons en dessous aux yeux de la Fédération) a saisi la Commission des recours de la FSF, tout en continuant à aligner son gardien de but titulaire.
Comme par hasard (le plus grand des hasards), et selon toute vraisemblance, la Commission des recours aurait décidé d’infliger une belle claque à la Commission de discipline, en sanctionnant le joueur Cheikh LO NDOYE d’une suspension de deux matchs avec sursis seulement. Autrement dit, ce joueur tant qu’il n’est pas coupable d’une nouvelle infraction sportive, peut effectivement continuer à exercer ses talents sur tous les terrains du pays, sans être inquiété pour l’instant.
Du coup le Jaraaf aurait été re-crédité (1) des points qu’il avait perdus en 1ère instance, au grand dam du Stade de Mbour et Jomono Fatick ; plongeant également le Casa-sports dans une grande incertitude. A notre avis, c’est par une contorsion des textes et une mauvaise interprétation des faits que la Fédération a réintégré le Jaraaf dans ses droits alors que l’équipe de la Médina de Dakar a bafoué la règle de droit, selon laquelle « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » (nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude). Le Jaraaf a violé les textes, il ne peut pas être exonéré de sa responsabilité dans l’affaire du joueur Cheikh LO NDOYE.
Toutefois, dans le sillage de Mr BODIAN, manager général du Casa-sports, on peut considérer à juste titre que ni le Jaraaf, ni le Stade de Mbour, ni Jamono de Fatick, encore moins le Casa-sports, ne sont responsables de cet imbroglio juridico-sportif, car sportivement chacun de ces clubs se considère dans son droit. Tous ont le sentiment d’avoir accompli au cours de la saison un parcours transparent qui les autorise (au vu de leurs résultats) à demeurer en Ligue 1 Pro.
Tout cela relève d’une situation ubuesque dont le principal responsable est l’instance chargée de gérer le football dans notre pays, en l’occurrence la Fédération Sénégalaise de Football, qui est le maître des horloges et qui aurait dû prendre le temps de vider tous les contentieux pendant devant la Commission des recours avant de faire jouer la 26è et dernière journée de championnat. Cette attitude relève pour nous du mépris des clubs de province par des gens qui considèrent que les clubs de Dakar constituent le cœur du réacteur nucléaire du football sénégalais et qu’un club comme le Jaraaf a toute légitimité pour marcher sur le Stade de Mbour et Jamono et pourquoi pas piétiner le Casa-sports si besoin. En quoi le Jaraaf, même auréolé d’un palmarès très élogieux, est-il plus légitime que le club de l’entraîneur mythique Boucar DIOUF, des joueurs emblématiques tels que Jules François BOCANDE, Demba Ramata NDIAYE, Bassirou NDIAYE, Ousmane NDIAYE « Compliqué », Moussa DIAITE dit « Pelé », Abdoulaye GASSAMA, Mamadou TEUW, Abdoulaye BAYO, Mamadou Lamine BADJI dit « Humberto », Tidjane DIEME, Mody BA, Maurice BOUGAZELLI, El Hadj Malick DIALLO « Chinois », Stéphane BADJI et autres grandes figures du football casamançais ?
Se tromper une fois dans l’affaire Génération Foot (qui aurait dû être déclaré définitivement relégué pour des faits avérés de tricherie et ayant écopé de trois forfaits) passe encore, mais se tromper une nouvelle fois au point de créer un véritable carambolage juridique visant plusieurs clubs, ce n’est pas acceptable. On appelle cela de l’incompétence.
Nous pensons que cet épisode est la preuve de l’incurie des dirigeants actuels du football sénégalais qui n’ont d’yeux que pour l’équipe nationale A (celle des pros évoluant à l’étranger) dont ils tirent l’essentiel de leurs revenus personnels très juteux. A l’heure des changements qui s’opèrent dans notre pays, il serait temps de nettoyer les écuries d’Augias logées sur la VDN à Dakar.
Pour conclure, nous sommes bien heureux d’entendre Siaka BODIAN nous dire « que le Casa- sports refuse et n’acceptera pas d’être le dindon de cette farce et affirme haut et fort son maintien en Ligue 1 la saison prochaine…. ». Que Dieu l’entende et que Dieu puisse entendre également Mamadou CONDE, secrétaire administratif du Stade de Mbour qui déclare « Grâce au procès- verbal de la Ligue Pro, qui nous a donné trois points, notre équipe est toujours en Ligue 1. Et Mr CONDE d’ajouter, le Jaraaf a le droit de faire appel, mais je ne considère pas ce recours car les textes sont clairs. L’article 125 du code disciplinaire de la FSF est très clair et dit qu’aucune équipe n’a le droit de faire appel après deux sanctions….en tous cas, le Stade de Mbour est maintenu. Nous sommes dans la vérité et on n’a pas peur ».
Si les dieux du football sont « casamançais » et « mbourois », les deux équipes resteront en Ligue 1 pour la saison 2024-2025.
(1) j’utilise le conditionnel car j’ai cherché en vain le procès-verbal dont tout le monde parle et qui n’est pas encore disponible.
*Alioune DIAWARA, juriste à Bordeaux et membre de l’Amicale des Anciens Footballeurs du Casa-sports
Vous avez fait un très beau texte pour fustiger l’incompétence des dirigeants du football sénégalais à la ligue pro mais plus grave encore de la fédération sénégalaise de football. Augustin Senghor et sa gang sont juste des rapaces qui sucent le football sénégalais depuis plus dix ans en ne s’appuyant que sur les équipes nationales dont-on sait qu’elles sont les résultats du travail des centres de formation et des binationaux formés en Europe. Pour le football local ces gens s’en foutent éperdument. Mais en tant que ancien footballeur du casa sport il ne faut omettre de dire que pour ce qui est du casa sport le véritable problème cette saison a été la gestion catastrophique du club par ses dirigeants. Bien avant le début de la saison la clameur populaire des supporters avait déjà alerté fortement sur le bardage de nos meilleures joueurs aguerris au championnat national sénégalais pour aller recruter une demie douzaine de Gambiens et plus encore des togolais voire congolais comme alors que la Casamance regorge de talents incommensurable capables de jouer les grands rôles dans le football sénégalais. Voilà la grosse erreur de débutant que les administratifs et techniciens ont commise dès le début du championnat et qui aura conduit aux résultats catastrophiques enregistrés cette saison qui vont conduite le casa sports en deuxième division. Il va falloir laver le linge sal en famille et prendre des décisions fortes concernant les dirigeants du club pour qu’on ne revive plus ce genre de situation.