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La Chine et nous : le voyage de Diomaye…(par Adama Gaye)

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« Les États n’ont pas d’amis mais des intérêts » (Général De Gaulle).

La semaine prochaine, pour l’un des plus nouveaux -le plus jeune- Chef d’Etat au monde, le tapis rouge du plus vieux État centralisé de la planète, dont la formation remonte à moins de 221 avant Jésus Christ, sera déroulé depuis l’aéroport de Pékin jusqu’au cœur de Zhongnanhai, siège aussi secret qu’inacessible du pouvoir Chinois.

Ouvrez le ban. « Thieu bien Zo », par cette voie s’il vous plaît, diront en mandarin, leur principale langue, à l’unisson, à la suite de leur puissant et autoritaire patron, Xi Jinping, tout ce que la Chine compte de dignitaires, pour accueillir et guider le Sénégalais Bassirou Diomaye Diakhar Faye, qui sera leur hôte. Parce que c’est une visite d’Etat, la première du Président du Sénégal, que la diplomatie Chinoise a décrochée, la piquant au nez et à la barbe de ses rivaux Occidentaux, rien ne sera de trop pour en faire un moment de déploiement de la puissance, de la magnificence et de l’ambition d’une Chine plus que jamais déterminée à faire du 21ème siècle celui de sa renaissance.

Le renouveau Chinois passe par l’Afrique. L’une des plus vieilles civilisations sur terre, qui remonte à plus de 5000 ans, devenue un État-nation quand l’Empereur de la 1ère dynastie des Qin, Qinshi Huangdi en fit l’entité qu’elle est aujourd’hui, existant depuis plus de 2000 ans, bien avant la naissance des États-nations modernes Occidentaux au 16ème siècle, la Chine s’est longtemps flattée d’être le centre du monde. D’où son nom en mandarin, Zhongguo, qui lui prescrit ce rôle central.

Entre ses diverses dynasties, endogènes et allogènes, des Sui aux Song, Tang, Mandchoues, Ming, Qin, jusqu’à l’instauration, sous son leader Sun Yat-Sen, en 1911, puis sous celui de Yuan Shikai, en 1912, de la République, suivie d’une longue période de guerres, civile et avec l’étranger, la Chine s’était effondrée parce qu’elle l’avait voulue d’une part et que ses faiblesses l’avait transformée en entité prenable dès que son potentiel avait commencé à susciter des appétits extérieurs.

C’est en 1433 que son déclin s’amorce. À la mort de l’Empereur Yongle, à l’origine des 1ères grandes expéditions maritimes, à la découverte et à la subjugation douce de territoires lointains qu’elle voulait intégrer dans son système de tribut, par lequel elle régentait son voisinage immédiat. Conduites par un amiral du nom de Zheng He, l’ennuque qui incarna ses prouesses maritimes, longtemps avant Vasco De Gama et autres Albuquerque, sur des flottes maritimes comprenant des dizaines voire plus de navires, la grandeur de la Chine lui permit d’atteindre des territoires aussi éloignés que Mombassa et Manille en plus de découvrir des voies commerciales essentielles telles que le détroit d’Ormuz.

Avant de mettre fin à ses menées maritimes, brutalement, sur la demande des Lettrés mandarins hostiles à l’influence de Zheng He, le pays avait aussi fermé plus tôt ses routes, terrestres, de la soie.

En se repliant sur lui-même, tournant le dos à sa modernisation, au point de faire oublier qu’elle avait été à l’origine des plus grandes avancées scientifiques des temps anciens, de la poudre à canon aux percées maritimes, la Chine fait montre d’une telle arrogance qu’elle finit par humilier une ambassade Britannique envoyée, à travers Georges McCartney, par le Roi George 3.

« Dites à votre monarque que nous n’avons pas besoin de sa coopération ni de rien », telle fut la réponse que son Empereur, Qianglong, servit, en 1793, avec mépris, à l’envoyé d’une nation pourtant déjà lancée dans la dynamique d’une maîtrise des océans et en passe de réaliser la 1ère révolution industrielle.

Recluse sur ses certitudes, atteinte d’un hubris, qui la fragilisent, la Chine connaîtra un réveil douloureux.

Dès 1820, raconte le grand historien de l’économie mondiale, Angus Maddison, elle a perdu son leadership mondial.

Puis en 1839, pour la contraindre de continuer son commerce triangulaire échangeant, d’abord le coton, ensuite l’opium avec du thé chinois l’impliquant aux côtés de l’Inde et de la Grande Bretagne, elle fut forcée, par les armes, à se soumettre à la volonté de puissance de la nation Britannique. Ce fut sa 1ère défaite dans la guerre de l’opium. Le monde moderne venait de lui infliger une violente, humiliante leçon.

Elle ne sera pas la seule. En 1856, elle perdit la 2ème guerre de l’opium en même temps qu’elle dût se résoudre à laisser à ses vainqueurs Britanniques l’enclave de Hong Kong (qu’elle ne récupérera qu’en 1997). Pis, en 1895, en vertu du Traité de Shimonoseki, consécutif à sa déroute face au Japon, elle fut aussi obligée de lui céder l’île de Taïwan.

C’est avec Sun-Yatsen que son réveil, voulu par ses peuples, pour mettre fin à ce qui sera un siècle d’humiliation commence.

Les péripéties vers son redressement ne seront pas sans de rudes épreuves. Avec la création en 1921 du Parti communiste chinois (Pcc) qui devra faire avec la revendication d’un fort mouvement nationaliste engagé dans la lutte pour contrôler le pays, une guerre civile éclate entre les deux.

Elle sera sans merci. Jusqu’à ce que l’invasion de la Mandchourie par l’ennemi éternel Nippon n’oblige les frères-rivaux à mutualiser leurs forces.

L’union se fera sous la double bannière du général Chiang Kai-shek, leader des nationalistes, et de Mao Tse-toung, patron des communistes, qui avait, réussi la longue marche qu’il avait entreprise depuis ses bases du Hunan, au centre de la Chine.

La guerre civile reprend de plus belle après la victoire des forces alliées dans leur conflit dit mondial contre celles réunifiant Japon, Allemagne et Italie. Elle dure 4 ans au terme desquels les communistes ont triomphé.

Le 1er Octobre 1949 quand Mao proclame, sur la légendaire Place Tienanmen, la création de la République populaire de Chine (Rpc), l’Afrique est loin de ses préoccupations. Son rêve est surtout de récupérer Taïwan où se sont réfugiées les dernières troupes nationalistes, défaites; de bâtir une Chine communiste sur le modèle Soviétique ; et de protéger son pays de l’humiliation qu’il avait connue au long des 100 ans précédents.

Ce n’est qu’en avril 1955, à la conférence de Bandoeng des pays non-alignés puis lors de la 1ère tournée, en janvier-février 1963, d’un grand dirigeant chinois en Afrique, en Zhou En-Lai, premier ministre, que la puissance asiatique montante déploie ses premières doctrines en direction du continent : d’abord par les 5 principes de la coexistence pacifique puis par les 8 principes directeurs de la coopération Sino-africaine. Souveraineté et primauté du retour de Taïwan en sont les lignes centrales.

En aidant, le 25 octobre 1971, la Chine continentale à évincer Taïwan de son siège à l’Onu, l’Afrique devient l’alliée stratégique qu’elle n’avait jamais été auparavant aux yeux de Pékin.

Aussitôt ce tournant acté, et bien que nous soyons alors en pleine révolution culturelle, dans un de ces moments de folie que la Chine connaît par intervalles réguliers, son rapport à l’Afrique n’en reste pas moins fondamental.

C’est sur le continent, en Égypte, qu’elle maintient sa seule ambassade (la révolution culturelle menée par l’épouse de Mao à la tête d’un gang de 4 membres durera de 1966 à 1976). Malgré ses difficultés financières, elle décide d’y financer le méga-projet de chemin de fer, Tanzanie-Zambie (Tazara).

Après la mort de Mao, la fin de la guerre, la stratégie de la modernisation et de l’ouverture économiques déclenchée en décembre 1978 lors du 3ème plenum du PCC par la nouvelle étoile dirigeante du pays. Son nom: Deng Xiaping.

En 18 caractères, selon les écritures en Mandarin, il a invité ses compatriotes à « masquer leur jeu » en faisant profil bas, en étant pragmatiques, par une évolution à tâtons, et à sortir des excès d’un communisme qui avait déjà, dès l’échec du grand bond en avant coûté la vie, par la famine, à plus de 30 millions de personnes, avant que la révolution coûte n’en tue une dizaine de millions.

« Peu importe qu’un chat soit gris ou blanc, pourvu qu’il sache attraper les souris », assénera-t’il en 1992 dans sa tournée au Sud, à Shenzhen, pour effacer aussi le souvenir sanglant de la révolte étudiante sur la place Tiananmen de mai-juin 1989.

Sa révolution économique avait changé la relation sino-africaine puisque dès 1982, en envoyant sur le continent le 1er ministre d’alors, Zhao Ziyang, la Chine tenait à dire à l’Afrique que le temps de l’idéologie et de la fraternité était supplanté par celui du pragmatisme au nom de la nouvelle rhétorique du gagnant-gagnant.

Les échanges commerciaux de la Chine avec l’Afrique sont au plus bas: à peine 1 milliard de dollars !

En vérité, s’amorce, dès ce moment de réorientation, une phase d’envol qui a imprimé un nouvel élan à l’axe qui n’a depuis cessé d’étonner mais aussi de susciter des questions.

En 2000, les échanges commerciaux se montent à 10 milliards de dollars puis d’atteindre 39 milliards de dollars en 2006 lors du 1er Sommet au niveau des Chefs d’Etat entre la Chine et l’Afrique. La Chine, devenue machine économique rugissante, admise à l’organisation mondiale du commerce et atelier du monde, a re-découvert en Afrique le marché où elle pouvait écouler ses produits manufacturés pas chers et y faire ses emplettes en ressources naturelles qui lui manquent à domicile pour lubrifier son économie.

Aujourd’hui, les échanges commerciaux sont de près de 200 milliards de dollars, faisant de Pékin le principal partenaire commercial du continent.

Parce qu’elle a aussi besoin de son soutien géopolitique pour reconquérir Taïwan et imposer son modèle vertical, autocratique, de gestion politico-economique par opposition à celui néo-libéral promu par l’occident à la suite des Usa, la Chine continue de placer l’Afrique au centre de sa vision de renaissance mais de re-domination de la planète.

C’est à cette aune que s’analyse l’invitation en visite d’Etat du Président du Sénégal à y séjourner peu avant la réunion tri-annuelle du Forum de coopération Chine-Afrique (Focac).

La grande question qui se pose est cependant de savoir si la Chine incarne toujours l’espoir qu’elle suscitait en Afrique ?

Diminuée par les conséquences du Covid 19, ayant perdu des parts de marchés avec la résurgence des souverainismes productivistes, écrasée par l’autocratisme et les violations des droits humains de son dirigeant, Xi Jinping, notamment avec les musulman.e.s Ouïgour.e.s, du Xinjiang, en plus d’être dans une guerre mortelle, guerre froide géo-économique, avec les Usa et ses propres voisins, sans oublier son pli vers une économie non plus d’exportation mais de services, est-ce que cette Chine dispose des moyens pour porter à bras le corps des économies africaines aussi anemiées que celle du Sénégal…

En arrivant à Pékin, Diomaye ne peut feindre d’ignorer le rejet de la colonisation jaune, surtout Chinoise, en même temps que Russe, qui monte des poitrines africaines autant qu’il exprime la colère contre le retour de celle, Occidentale, désormais en procès dans les rues africaines.

Diomaye ne devra pas être ébloui par le rouge écarlate du tapis ni par celui du drapeau d’une Chine dont la défense des intérêts prime tout sentimentalisme.

En l’invitant, les Chinois envoient un signal subliminal à Macky Sall qui s’imaginait être incontournable auprès d’eux.

« Les nations n’ont pas d’amis », lui disent-ils. Ajoutant, sans un mot, que la centralité des États reste, froidement, l’épine dorsale du rapport de la Chine au monde. Sauf pour les naïfs qui ignorent le réalisme, point nodal des relations internationales depuis la fondation de l’empire du Milieu !

Qui n’a pas noté la baisse de la voilure chinoise, son exposition en direction de l’Afrique: confrontée à ses propres difficultés internes, craignant que le Mandat du ciel Confucéen, qui permet à ses peuples de se révolter face aux échecs de leurs dirigeants, Pékin ne fait plus de l’Afrique sa priorité.

En conséquence de quoi, elle n’y investit plus comme avant et elle s’est refusée à annuler les dettes que lui doivent nos pays.

Diomaye, le miracle Chinois ne fera pas celui de notre continent : cette leçon est la 1ère à garder en tête en foulant le sol de cette grande nation.

Adama Gaye, auteur de Chine-Afrique : le dragon et l’autruche (Éditions l’Harmattan), a été le 1er Sénégalais invité par la Chine dans sa marche vers le rétablissement de ses relations avec le Sénégal, rompues en 1996, qui ont été rétablies le 25 octobre 2005.

1 COMMENTAIRE

  1. Un article avec un très beau contenu. Il me rappelle ce beau sujet d’examen en classe de terminale : la Chine de Sun yatsen à Mai tse toung. Le texte fait d’ailleurs étalage de cette période là au début du 20e siècle et cette autre épisode de la guerre en mao et les nationalistes de chiang kai Shek. Ce que je ne comprends pas par contre c’est cette tendance des journalistes à utiliser des mots et des tournures de phrases compliqués pour s’adresser au public sénégalais. J’ai lu aujourd’hui en partie un article du journaliste de la TFM Cherif Diop et c’était trop de mots compliqués qui a la fin lasse le lecteur. Vous êtes des journalistes et vous faites partie des rares a s’adresser à un public d’horizons et de niveau différents mais vous semblez totalement l’ignorer. Ou alors le petits malins ou celui qui en sait plus parce que ayant fait des études à Paris la France!!!

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