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LYNAQE, encore un moyen de “les” guillotiner ? (Par Mouhamadou Moustapha DIOUF)

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À la suite de l’intervention du Ministre de l’Education nationale, annonçant l’ouverture le 7 octobre prochain des deux premiers LYNAQE « LYcée Nation-Armée pour la Qualité et l’Ethique » à Sédhiou et à Kaffrine, les remarques ont fusé : « Non merci, on ne veut pas d’enseignement élitiste » ; « On se moque de nous ! » ; « 46 départements, 46 lycées militaires, qui est à l’origine d’une connerie pareille ?» ; « Comment lire le sigle, Lii Nak doyna warr ?». Ces remarques si amères sont-elles justifiées, frappées du bon sens sénégalais éprouvé depuis des décennies ou est-ce un abus de langage liée à une exaspération bien légitime due à la situation actuelle du pays ?

Toujours est-il que notre éducation nationale n’honore pas pleinement la mission qui lui est confiée. Trop inégalitaire, ambivalente, élitiste ? Cet élitisme, hérité de systèmes étrangers, empêche de donner aux enfants de la République une réelle possibilité de s’émanciper de la stricte transmission qui s’opère à l’intérieur du modèle social dans lequel ils sont insérés. Pour cette raison, parce que le système devenu oligarchique, on les guillotine ; mais qui sont ces “ les ” ? Enfants issus des milieux défavorisés ? Ceux étiquetés comme “cancre” ou ceux abandonnés au profit des élites ? Certainement. Ces interrogations, bien sûr, n’engage que mon incapacité structurelle et culturelle à ne pas réfléchir sur les faits que j’observe. Je n’y peux rien, c’est l’un de mes défauts !
Sensible à toute quête d’équité, il me semblait alors qu’une démarche contingente était de rédiger ce présent, car l’écriture, par sa nature même, est un acte d’engagement, une manière d’agir sur soi-même et sur les autres, et par conséquent de les faire à agir.

Agir pour éviter l’élitisme au sens d’aristocratie 
Agir, effectivement, peut faire éviter le pire : une nation où l’origine géographique et sociale détermine la réussite scolaire des élèves, avec une forte inégalité entre les enfants issus de milieux aisés et ceux des familles défavorisées. Ce n’est en tout cas pas une critique envers la composition des collèges et lycées d’excellence tels que le Prytanée militaire Charles N’Tchoréré de Saint-Louis, le Lycée scientifique d’excellence de Diourbel ou la Maison d’Éducation Mariama Bâ de Gorée puisque, malheureusement, le mérite personnel, tel que défini par la société, ne se mesure plus uniquement aux compétences, mais est fortement conditionné par l’environnement socio-économique. On le sait bien, ces trois établissements favorisent une minorité d’élèves considérés comme ayant des capacités ou un potentiel exceptionnel. Et d’où viennent-ils ? Tous, ou presque de familles de fonctionnaires de l’État (administration et enseignement) ou de grandes entreprises. Ce qui veut dire qu’ils ont bénéficié, dès le plus jeune âge, d’un cadre familial les guidant tout au long de leur parcours maternel et primaire.

Si l’on pousse ce raisonnement à l’absurde, on pourrait avancer que ces élèves plébiscités dans les médias lors de la journée d’Excellence, à l’occasion de la remise des prix du Concours général sénégalais, sont pour la plupart logés, nourris, blanchis et encadrés, et viennent de quatre régions (Dakar, Thiès, Saint-Louis, Diourbel) ! Ils ont eu accès à un accompagnement scolaire privilégié et à des informations stratégiques sur les concours et les opportunités, contrairement à ceux issus des zones rurales ou de milieux modestes. L’Equité dans tout ça ? Difficile en effet de nous convaincre que cela représente l’Excellence !

Mais là où ça devient encore plus alarmant, c’est avec l’annonce de l’ouverture des LYNAQE. Là, on raisonne clairement à contre-courant de ce qu’il faut faire pour « un système éducatif de qualité pour l’ensemble des élèves ». Evidemment, à priori, on ne se souvient plus de rien. En effet, les chiffres du rapport ministériel de 2022 (intitulé Pleins feux sur l’achèvement de l’éducation de base et les apprentissages fondamentaux au Sénégal) semblent choquer personne : le taux d’admission à l’école primaire a chuté de 27 % en une décennie, et près d’un enfant sénégalais sur quatre, âgé de 6 à 15 ans, est exclu du monde éducatif formel. Ce constat devrait être un signal ultime pour nos dirigeants, qui ne doivent plus botter en touche pour repenser leurs priorités.
Repenser les priorités pour un avenir meilleur de chaque enfant de la République
Permettez-moi de reprendre la formule de Platon : L’éducation a pour objet de donner à l’âme toute la perfection dont elle est susceptible. C’est là tout l’impératif de repenser le type même d’éducation que nous voulons offrir à notre jeunesse et aux futures générations. Former une élite n’aura de sens que si elle reflète une société plus juste et inclusive. Sélectionner une minorité d’enfants, prétendument les meilleurs, pour leurs offrir des conditions optimales de réussite, tandis que la majorité subit des conditions catastrophiques, est-ce bien cela la logique selon nos dirigeants ? Heureusement, si l’on écoute le Président de la République Diomaye Faye, qui n’évoque que la dignité et l’égalité des chances. Ceci n’est pas étonnant puisqu’il a lui-même grandi dans un village, enfant talentueux mais victime de ce même système inégalitaire. Ne soyez donc pas surpris, si les 44 autres LINAQE à construire se transforment en simples lycées modernes et inclusifs.

Certaines de mes connaissances, certains de mes amis et parents à qui j’adresse mes articles, me trouvent un peu trop « pro-Etat ». Disons que je ne suis pas « anti-Etat », certes mais j’ai prouvé dans le passé que je n’étais pas « pro- » à tout crin non plus ! Il suffit de relire mes deux derniers articles, sur les nominations et sur Senelec. Dans tous les cas, ni « pro- » ni « anti- » sont faits pour moi. Je réagis « en scientifique » qui essaie d’être rigoureux et non partisan ! Mes lecteurs fidèles connaissent mon point de vue : le combat n’est pas de « défendre un gouvernement », combat perdu d’avance car un gouvernement, quel qu’il soit, finira toujours par tomber : principe de la démocratie. Le bon combat est de s’assurer que les inégalités soient réduites et que l’on tende vers une société plus juste. Cela inclut, bien sûr, la lutte pour l’accès équitable à l’éducation, quels que soient les moyens et origines.

Dans le meilleur des mondes possibles, le meilleur des pays est celui qui ne marginalise pas ses enfants issus de milieux modestes : litkonn khinoukh yeladam comme dirait-on en hébreu. Les écoles et institutions Juives ou Singapouriennes, réputées les meilleures pour une formation de la jeunesse, ont su développer des modèles rigoureux basés sur un soutien mutuel et des aides pour garantir l’accès à une éducation de qualité. Qui n’a jamais entendu parler du modèle heuristique ou de la célèbre méthode de Singapour ?

Pour terminer, le jour où tous les enfants, qu’ils proviennent des métropoles ou des villages, jouiront d’une équité parfaite dans leur accès au savoir, alors seulement pourra-t-on dire que l’éducation nationale aura accompli pleinement sa mission. Ce n’est qu’à cette condition dernière, désormais, que nous pourrons espérer donner à chaque enfant de la République une chance réelle de réussir et, enfin, de devenir un LINAC (Leader Incontournable pour une Nouvelle ère d’Avenir et de Compétences). Il va sans dire que je ne crois en rien à l’illusion des LYNAQE et prie au gouvernement de réfléchir en prépondérance sur la formation des enseignants, de ne pas oublier les familles modestes (qu’il fasse tout pour qu’elles aient accès aux ressources), de créer les conditions pour qu’il y ait plus d’enfants des milieux défavorisés dans les meilleures écoles (ça sera en affectant les meilleurs enseignants et professeurs dans les écoles des régions et communes vulnérables), de déployer en masse des cases des tout-petits sur l’ensemble du territoire, jusqu’aux campagnes les plus reculées, et de mener une politique farouche contre l’abandon scolaire (une nation qui se veut moderne ne devra pas laisser triompher l’ignorance) : seulement après, qu’il pourra se féliciter de l’implantation des 46 LYNAQE et “ les ” éviter la guillotine.

En tout cas, ceci ne m’empêchera pas de vous souhaiter une excellente rentrée des classes. Gâtez bien vos enfants et/ou petits-enfants (peu importe leur niveau et capacité) et puis très bonne fête de Maouloud.

Bravo si vous avez lu jusque-là sans trop haïr mes remarques.
Après, bien sûr, j’essaie d’apporter des solutions factuelles… A suivre !

                                                                                (Septembre 2024)

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