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Un parfum de femme

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La Chronique politique • Par Samboudian KAMARA : Un parfum de femme

Le 08 mars, journée dédiée aux femmes. Y a-t-il une pertinence à célébrer la mère de l’Humanité ? Si, bien sûr. Elle est au cœur des mutations politiques, dans des sociétés africaines entièrement dominées par l’élément masculin fortement majoritaire dans les différents centres d’exercice et de prise de décision et qui cherche encore son ancrage démocratique. Carrément marginal il y a encore quelques années, le pouvoir féminin (ou au féminin) s’est pourtant tellement confirmé de nos jours que son observation transcende le simple objet sociologique pour tutoyer les mouvements de la société globale. Bien sûr, le chemin a été long. Aujourd’hui, le Sénégal continue à expérimenter, le plus loin possible, le compagnonnage du projet démocratique à l’identité féminine. Ce n’est pas rien : selon la loi, la femme est l’égale de l’homme en droits et en devoirs…

De grandes Sénégalaises trônent dans l’album de l’histoire politique du Sénégal depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Les plus anciennes parmi elles appartiennent au mémorial national et constituent le fonds référentiel des premiers mouvements d’émancipation féminine (Ndatté Yalla, Aline Sitoë Diatta, les femmes de Nder et les mères des fondateurs des principales confréries musulmanes). Maintenant très présentes sur la scène politique, les Sénégalaises, la majorité de la population, ne proposent pas un projet spécifique à leur identité. Elles accompagnent toujours le mouvement ; mais en sont un élément moteur. Toutefois, un fort leadership personnel – et féminin – n’est pas encore apparu au sein de la classe politique. A quand une grande meneuse…d’hommes pour aller à l’assaut du dernier bastion : une femme au pouvoir ? A quand cette destinée « nationale », ce fameux « grand soir » pour une dame ? Ce n’est pas un besoin particulier de la démocratie sénégalaise, mais comme ce pays aime les expériences qui transcendent…

Un nouveau leadership féminin

Celles qui sont là sont brillantes et s’adossent à une formidable organisation intellectuelle (consciente ou non de son existence) qui fournit les thèmes, accompagne leur immixtion dans le débat public, en fait une question de société, pour finalement lui donner la force de la loi par le canal des institutions. Il ne faut pas se leurrer. Des progrès immenses ont été accomplis depuis les mouvements voués à la Santé de la reproduction au début des années 70 dans un pays qui vit paradoxalement encore au quotidien « le drame féminin » avec les mariages forcés, le refus d’envoyer les filles à l’école, la violence masculine, entre autres violations des droits des femmes.

Nos Sénégalaises sont aussi engagées et responsables. Grandes accompagnatrices des mouvements politiques, à la tête de puissants mouvements au sein des partis politiques, au pouvoir comme dans l’opposition, elles ont maintenant dépassé le débat sur l’émancipation. C’est que leurs droits, elles sont allées les chercher ! La première école de filles au Sénégal voit le jour en 1819, à Saint-Louis. Naturellement, elle est dirigée par les bonnes sœurs de l’Eglise catholique.

Dès les élections municipales de 1945, les Sénégalaises des Quatre communes ayant la citoyenneté française revendiquent le droit de vote que leurs compatriotes de la Métropole. Dans le sillage de la loi Lamine Guèye du 07 mai 1946, elles deviennent électrices et vont participer, à leur manière, aux premiers balbutiements de l’Etat du Sénégal. Selon la bonne réflexion de Léon Gambetta, homme politique français du 19ème siècle, « ce qui constitue la vraie démocratie n’est pas de reconnaître des égaux mais d’en faire ».

Aujourd’hui, c’est une réalité au Sénégal

L’histoire retient que les duels épiques entre le Bds de Senghor et la Sfio de Lamine Guèye ont d’abord été le fait d’un engament très fort des masses féminines, comme lors du premier grand mouvement syndical d’envergure en Aof, en 1947, avec la grève des cheminots du Dakar-Niger – mais toujours à leur manière. Les grandes foules de Sénégalaises qui peuplent aujourd’hui l’auditoire de nos monstres sacrés, lors des joutes électorales, sont les héritières de toutes celles, anonymes ou non, qui ont accompagné, des indépendances à nos jours, avec une première, quand le président Wade a confié les charges de Premier ministre à Mme Mame Madior Boye, en mars 2001.

Sur cette lancée, le chef de l’Etat a fait montre d’un volontarisme incontestable pour la pleine jouissance, par les femmes, de leurs droits. Il leur a ouvert les forces de défense et de sécurité, les a promu comme jamais à de hautes fonctions au sein de l’appareil étatique, la Fonction publique en particulier.

La scolarisation des filles a fait des bonds en avant. Sur les questions de Genre, de la place des femmes dans les programmes de développement et dans la lutte contre la pauvreté et les maladies endémiques, de prise en compte de la Santé de la reproduction, des discriminations, il a participé à l’élan. Elles se disent : « C’est nous qui élisons pourquoi ne pas nous élire nous-mêmes ? »Lors des dernières élections législatives, Me Wade, tête de file de la « Coalition Sopi », avait appliqué la parité sur ses listes proportionnelles. Le Conseil constitutionnel avait déclaré contraire à la loi un projet gouvernemental instaurant la parité universelle sur les listes électorales, mais la volonté politique du président ne s’est pas estompée pour autant. Quid de l’annonce faite par le président de la République de nommer une femme à la vice-présidence de la République ? Ce serait plus qu’une nouvelle preuve de progrès et de reconnaissance. Ce serait une décision normale, presque banale : la force de l’acquis.

L’élite intellectuelle féminine cultive l’excellence académique alors que dans le monde des affaires, l’entreprenariat de leurs représentantes est si développé qu’un réseau économique spécifique s’est construit autour d’elles et voué notamment à l’épargne populaire et à la micro finance. De plus en plus chefs de famille, elles sont les premières touchées par la crise ; par ailleurs, l’indépendance personnelle, au plan matériel, est l’une de leurs principales préoccupations.

Incontestablement, la Sénégalaise se libère. Travaille la terre comme Mbène, l’agricultrice du Walo ou la fouille comme l’orpailleuse de Sabodola. Elle court vite comme Amy Mbacké Thiam, veille comme Annette Mbaye d’Erneville, soigne comme le Pr Eva Marie Coll Seck, fait du cinéma comme Safi Faye, écrit des belles Lettres comme Aminata Sow Fall, stylise comme Collé Ardo Sow, chante comme Yandé Codou, développe comme Aminata Niane, émigre et réussit comme Rama Yade ; elle entretient surtout le mythe ( ?) de sa beauté et de son éclectisme à propos de son port vestimentaire qu’une jeune génération tance « dangereusement » cependant. Mais comme les tares d’une société se calquent sur celles de ses dirigeants (ou le contraire) et comme encore ce sont elles qui « tiennent » les familles, cellule sociétale de base, il ne faut pas chercher loin les causes de ce qui fait s’émouvoir chaque jour les observateurs de nos villes et campagnes. Elles sont et font le Sénégal…

L’évolution du combat féministe au Sénégal, après avoir échappé à la tentation du ghetto intellectuel, a fini par déboucher sur l’émergence nouvelle d’un leadership féminin et d’une Société civile engagée. Ces deux concepts forgés dans le feu des luttes pour l’émancipation et la responsabilisation des femmes ont été des armes essentielles « pour transcender le poids des facteurs discriminants aussi bien dans la coutume que dans l’arsenal juridique et politique du Sénégal colonial et post-colonial », comme le souligne Mme Seynabou Ndiaye Sylla dans un mémoire de Dea soutenu à Paris-I, Panthéon-Sorbonne et intitulé « Contribution à la réflexion sur la participation des femmes sénégalaises à la vie politique de 1945 à 2001 ». L’environnement socioculturel reste pesant. La soumission de l’homme à la femme, ancrée dans la coutume, a des forces inhibitrices. La masculinisation de l’espace public et domestique est un trait humain. Mais cette société sénégalaise bouge et elle ne peut le faire en autarcie dans un espace mondialisé. Or, que dit ce 21ème siècle ? Le génie humain est partout, chez la femme comme chez l’homme. En bien ou en mal. Elles sont allées chercher leurs droits et les ont obtenus. De plus en plus, il faudra se faire à l’idée de les voir diriger. C’est l’air du temps. Entraînant comme un parfum de femme…
lesoleil.sn

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