La Convention Internationale contre la torture écarte du bénéfice de la loi
d’amnistie les fonctionnaires responsables des tortures.
La loi d’amnistie votée le 7 Mars 2024 par l’assemblée nationale du Sénégal ne peut aucunement bénéficier aux auteurs des tortures contre les manifestants. Le législateur du 7 Mars 2024 ne peut guère avoir entendu l’étendre aux auteurs présumés d’actes de tortures commis entre Février 2021 et Mars 2024.
Aussi il n’est nullement besoin d’annuler la loi d’amnistie ou d’emprunter la procédure du Statut
de Rome.
Rappelons que dans le système normatif de la République du Sénégal il existe une hiérarchie. Au sommet de toutes les règles étatiques se situent les Conventions Internationales dont notre pays est Partie, ensuite suit notre Constitution, puis viennent les lois organiques suivies par les autres lois de toutes sortes et enfin les décisions de justice et pour clore la liste nous avons les décisions administratives telles que les décrets, arrêtés ministériels et arrêtés des préfets et maires. Dans l’ordre decrescendo de cette liste, aucune de ces normes ne peut légalement violer celles précédentes à cause du principe de la hiérarchie des normes.
En 1986, le Sénégal ratifie la nouvelle Convention des Nations Unies “Contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou degradants”. La Convention entre en vigueur le 26 Juin 1987. Sa définition de torture (Article 1er de la Convention) est ensuite introduite dans notre code pénal par la Loi n° 96-15 du 28 Août 1996 qui devient l’Article 295-1 de ce code.
Selon l’Article 1 de la Convention “le terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des
souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite”. La Convention ajoute en son Article 2 alinea 2 qu’”[a]ucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de
guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture”. L’alinea 3 du meme Atticle ajoute que “[l]’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture”.
En application de l’Article 4 de la Convention qui exige l’introduction de la Convention dans le droit Pénal national, le Sénégal ajouta un Article 295-1 à notre code pénal par la Loi n° 96-15 du 28 Août 1996) qui reprend la Convention et qui indique que ”[c]onstituent des tortures, les blessures, coups, violences physiques ou mentales ou autres voies de fait volontairement exercés par un agent de la fonction publique ou par toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec consentement express ou tacite, soit dans le but d’obtenir des renseignements ou des aveux, de faire subir des représailles, ou de procéder à des actes d’intimidation, soit dans un but de discrimination quelconque. La tentative est punie comme l’infraction consommée. Les personnes visées au premier alinéa coupables de torture ou de tentative seront punis d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 100.000 à 500.000 F Aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout acte d’exception, ne pourra être invoquée pour justifier le doute. L’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne pourra être invoqué pour
justifier la torture”
L’Article 5 de la Convention établit une compétence universelle en indiquant en son alinéa 1 que “[t]out
État partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des
infractions visées à l’article 4 dans les cas suivants: a} quand l’infraction a été commise sur tout territoire sous la juridiction dudit Etat ou à bord d’aéronefs ou de navires immatriculés dans cet État; b) quand l’auteur présumé de l’infraction est un ressortissant dudit Etat; c) quand la victime est un ressortissant dudit Etat et que ce dernier le juge approprié”.
Il ressort des dispositions de l’Article 5 al. 1 de la Convention que le Sénégal a compétence
juridictionnelle pour connaître directement des faits de tortures et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants qui se sont produits entre Février 2021 et Mars 2024.
Qu’en est-il alors de la loi d’amnistie qui est intervenue pour disculper de « tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tous supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non »?
Hé bien la loi d’Amnistie votée le 6 Mars 2024 ne peut nullement bénéficier aux auteurs des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés aux populations civiles et définis par la convention des Nations Unies contre la torture (Article 1) et notre Code pénal (Article 295-1). Car c’est la Convention elle-même qui vise et exige les poursuites judiciaires contre les auteurs de tels actes.
La Convention internationale contre la torture étant une norme supérieure à la loi d’amnistie,le
principe de la hiérarchie des normes exige que la loi d’amnistie ne viole pas la Convention en essayant de disculper les auteurs présumés d’infractions dont la Convention exige la poursuite et la condamnation..
Dés lors , utilisant la compétence universelle qu’il tient de l’Article 5 alinéa 1 de la Convention contre la torture, l’Etat du Sénégal peut a notre avis immédiatement et pleinement traduire en justice les auteurs présumés et complices des faits de tortures attribués au régime du President Sall et ou à ses complices présumés et complices des faits de tortures attribués au régime du President Sall et ou à ses complices et partisans entre Février 2012 et Avril 2024.
Aussi, si par extraordinaire l’un des auteurs présumés de tortures venait à réclamer le bénéfice de la loi d’amnistie, nous ne serions pas surpris de voir le Parquet soulever l’exception d’inconventionnalité de cette loi à l’encontre des auteurs présumés d’actes de tortures tels que définis par la Convention contre la torture.
Washington,
Adama Ndao, Juriste