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Les Almadies de Dakar : De quartier huppé à une zone économiquement moribonde (Reportage exclusif de Zaynab Sangarè)

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Réputées comme le symbole du luxe et de la modernité à Dakar, les Almadies, jadis prisées par les élites locales et internationales, traversent aujourd’hui une crise économique et sociale sans précédent. Ce quartier, autrefois considéré comme un joyau de la capitale sénégalaise, donne désormais l’image d’une zone désorganisée et en déclin, envahie par des bidonvilles, des populations précaires, des restaurants en faillites, des hôtels dénudés de leurs clients touristiques, des soirées animées et place aux gendarmes, aux douaniers en tenues et aux agents municipaux dans les rues la nuit…

Les maisons en construction, disséminées à travers le quartier, sont investies par des familles autochtones aux conditions de vie précaires. Malgré plusieurs tentatives, la mairie de Ngor-Almadies n’a pas pu fournir de données officielles sur cette population qui semble s’installer sans contrôle. Cette urbanisation informelle s’accompagne d’une prolifération de talibés, de mendiants et de femmes avec enfants et bébés de moins de six mois, contraints de faire la manche tout le long de la route principale, de la zone du Virage jusqu’au rond-point des Almadies.

Paradoxalement, le quartier reste un point névralgique pour les investissements immobiliers haut de gamme. Des immeubles de luxe continuent de voir le jour à un rythme effréné, dans un contexte de crise économique nationale marquée par une inflation galopante. Cependant, cette frénésie immobilière semble déconnectée des réalités socio-économiques du terrain.

La dégradation du quartier s’étend également au secteur touristique. Jadis le cœur de la vie nocturne et des activités haut de gamme, les Almadies semblent perdre leur attrait. Selon Ndiaga Diop, gérant d’un lounge-bar local, la fréquentation des établissements a drastiquement chuté ces derniers mois.
« Nous avons investi il y a quatre ans, mais cette année est un véritable désastre. Même en contactant nos anciens clients et vacanciers, nous n’arrivons pas à remplir les tables. »

En plus de la baisse de clientèle, Ndiaga se dit accablé par un redressement fiscal conséquent, obligeant son établissement à jeter des stocks de nourriture non consommée, faute de clients car il a été obligé de refaire un nouveau menu augmentant les prix vu la cherté des denrées alimentaires et la hausse des taxes douanières sur les boissons alcoolisées. Une tendance confirmée par plusieurs hôtels de la zone, où les responsables rapportent une nette diminution des réservations depuis septembre. Ils attribuent cette désertion au coût élevé de la vie à Dakar et aux conditions politiques tendues.

« Cette année, beaucoup de nos clients ont préféré la Gambie ou Abidjan, où les séjours sont plus abordables et les réglementations moins contraignantes, » confie un responsable d’hôtel.

Ces informations sont corroborées par des touristes interrogés dans des sites comme la réserve de Fathala, qui ont choisi de séjourner en Gambie tout en incluant le Sénégal dans leur itinéraire.

Le Sénégal, autrefois une destination phare pour les touristes étrangers, semble aujourd’hui perdre du terrain face à son voisin, la Gambie. De nombreux vacanciers qui, par le passé, séjournaient dans des zones prisées comme les Almadies ou Saly, choisissent désormais de poser leurs valises à Banjul.

Des témoignages recueillis auprès de touristes rencontrés à la réserve de Fathala confirment cette tendance. Deux d’entre eux expliquent : « Cette année, nous avons choisi de séjourner en Gambie. Nous avons inclus dans notre programme une visite de la réserve de Fathala et des îles du Saloum, mais nous retournons à Banjul pour le reste du séjour. À Dakar, la vie est beaucoup trop chère, et l’atmosphère politique est inquiétante. En Gambie, avec le dalasi, on dépense moins tout en profitant de vacances plus détendues. »

Cette migration touristique s’explique par plusieurs facteurs. Les coûts de séjour à Dakar, jugés exorbitants, pèsent lourdement sur le budget des voyageurs. À cela s’ajoute une réglementation plus stricte au Sénégal, notamment en matière de formalités administratives, qui décourage certains vacanciers.
«Avec la proximité géographique des deux pays, la Gambie offre une alternative attrayante, permettant de visiter les sites touristiques du Sénégal tout en évitant les contraintes locales », précisent des habitués.

Cette dynamique est confirmée par des professionnels du secteur hôtelier à Dakar. Plusieurs grands hôtels des Almadies signalent une chute drastique des réservations depuis septembre. Ils attribuent ce phénomène à la compétitivité de l’offre gambienne, mais aussi à un désenchantement progressif des touristes internationaux.

« Nos collègues gambiens nous rapportent que cette année, Banjul connaît une forte affluence. Pendant ce temps, ici, les chambres restent vides », déplore un directeur commercial.

Cette fuite des touristes vers la Gambie représente un signal d’alarme pour l’économie touristique sénégalaise, déjà fragilisée par la baisse générale du pouvoir d’achat et l’incertitude politique.

Retour aux almadies by night…

Les nuits festives des Almadies appartiennent désormais au passé. Les boîtes de nuit et les restaurants, autrefois bondés, peinent à attirer une clientèle fidèle. Sur les trottoirs, des travailleuses du sexe se plaignent elles aussi de la rareté des touristes. Line, l’une d’entre elles, déplore :
« Il n’y a plus de clients, même les boîtes de nuit sont vides. Nous nous rabattons sur les trottoirs pour tenter d’en attirer quelques-uns. »

Les acteurs de l’économie informelle ne sont pas épargnés. Mère Astou, vendeuse de cannes à sucre depuis 30 ans au rond-point des Almadies, exprime son désarroi. «Aujourd’hui, je n’ai vendu que pour 2 300 FCFA. Je peine à payer mon loyer et à nourrir ma famille. »

Les difficultés économiques n’épargnent pas les investisseurs des Almadies, autrefois attirés par l’effervescence du quartier. Aziz, propriétaire de deux restaurants bien établis, se prépare à fermer définitivement ses établissements à la fin du mois de décembre.
« L’ambiance n’est plus là. Les clients se font rares, même pendant les week-ends où nous étions généralement débordés. Les charges sont devenues insoutenables, et les redressements fiscaux n’ont fait qu’aggraver la situation. Après les deux semaines restantes, je plie bagage. 2025 me trouvera ailleurs, dans un pays où je pourrai investir plus sereinement. »

Aziz reste évasif sur sa future destination, mais il confie avoir repéré des opportunités plus attractives à l’étranger. Son témoignage illustre une tendance croissante, l’exode des entrepreneurs vers des environnements économiques perçus comme plus stables et favorables à l’investissement.

Cette décision reflète non seulement la détérioration économique locale mais aussi un manque de perspectives pour les opérateurs privés qui, autrefois, contribuaient au dynamisme du quartier.

Le déclin des Almadies reflète une crise plus large affectant l’économie touristique et la gestion urbaine à Dakar. La zone, autrefois emblématique du prestige et du rayonnement international du Sénégal, illustre désormais les défis sociaux, économiques et administratifs qui freinent son développement. Si aucune mesure corrective n’est mise en place, les Almadies risquent de perdre définitivement leur statut de quartier phare de la capitale.

Zaynab Sangarè

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