Par Babacar Touré
24 ANS. Le journal Sud Quotidien que vous tenez entre vos mains (ou que vous êtes en train de lire sur Internet), étrenne cette année ses 24 bougies, à la faveur d’évolutions qui auront marqué le paysage médiatique national et africain.
En mars 1986, le premier numéro de Sud Magazine sortait des presses de l’Imprimerie Saint Paul à Dakar, avec une prétention jugée folle à l’époque par certains, pour le moins audacieuse, voire téméraire par d’autres. Cette prétention était de contribuer à l’émergence d’une conscience citoyenne africaine réhabilitée et féconde, nourrie à la sève du pluralisme des idées et de leur(s) expressions, fertilisée par le respect de l’exercice des droits humains et de toutes les libertés qui leur sont consubstantielles.
Revue trimestrielle thématique à l’origine, Sud Magazine évoluera sous l’empire du processus de démocratisation libérale-néocapitaliste, en épousant les contours d’une « provincialisation » de la gouvernance des sociétés africaines et de l’internalisation des luttes sociales et politiques, à l’échelle des Etats-Nations post indépendance.
Difficile, dans les conditions de l’époque, de mener de pair, l’exigence nationale d’une information de proximité et l’engagement panafricain des promoteurs de la nouvelle plateforme médiatique, animée par des professionnels de l’information et des intellectuels de divers pays d’Afrique et de la diaspora. Ainsi, fort du principe qu’il y avait urgence à faire face aux demandes nouvelles de la situation née de cette double exigence, fut lancé Sud au quotidien, en février 1993, à la veille des élections présidentielle et législatives de 1993. Quelques mois plus tard Sud au quotidien laissera sa place à Sud Quotidien.
L’engagement panafricain était alors pris en charge à travers une publication périodique, Sud International, permettant ainsi de participer aux grands débats de notre époque, à l’élaboration et à l’évaluation critiques des problématiques, des idées et des politiques en oeuvre sur le continent. Avec un autre regard sur nos relations avec les institutions, les pays, les acteurs aussi bien du Nord, développé et dominant, que ceux du Sud, dominé et ses potentats locaux.
Cependant, le véritable déclic s’est produit en décembre 1987, quand s’est matérialisée la décision de lancer un journal hebdomadaire, Sud Hebdo, en l’occurrence, avec une grande première : la première interview accordée en exclusivité à des journalistes ( Babacar Touré et Abdou Latif Coulibaly) par l’ancien président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor depuis son départ du pouvoir en décembre 1981. Le rôle de Sud Hebdo ne fut pas des moindres dans cette séquence historique à la fois troublée et exaltante de notre histoire politique. Celle-ci devait connaître une accélération à la fois dramatique et stimulante avec les évolutions post-électorales vécues au lendemain de la présidentielle de 1988 qui ébranlèrent aussi bien le pouvoir d’Abdou Diouf, les intérêts français que le pays tout entier.
Rien ne sera plus comme avant, pour reprendre un lieu commun.
Souvenez-vous. Les vaincus de l’élection, Abdoulaye Wade, Amath Dansokho, et consorts en prison, les émeutes de jour comme de nuit, les conséquences de la déroute de Caire 86, la table-ronde politique avortée, la radiation des policiers, le conflit Sénégal-Mauritanie, la brouille avec la Gambie, l’expédition en Irak, les entrées-sorties de Wade et de certains membres de l’opposition dans le gouvernement « socialiste » de Diouf, l’irruption de segments de la société civile dans l’espace politique… Plus tard, d’autres affaires défraieront la chronique : la démission du juge Kéba Mbaye, l’assassinat du Vice-président du Conseil Constitutionnel, Me Babacar Seye, les policiers tués de Centenaire… L’affaire des Moustarchidines…Tous ces évènements survenus sur fond de marasme économique et social, de politiques d’ajustement structurel, mais également de massification de l’opposition citoyenne et populaire. Ces évènements ont eu un formidable écho à travers une nouvelle génération de médias et leurs animateurs qui avaient réussi le pari de décloisonner et de diversifier l’offre et les occasions de rencontre avec les différents publics et acteurs d’un pluralisme renouvelé et rénové. Des titres ont marqué cette période impétueuse et tumultueuse : Wal Fadjri d’abord. Mais aussi Le Cafard Libéré, Le Témoin, Le Devoir notamment, à côté des précurseurs dont le Politicien, Promotion, Afrique Nouvelle, Africa, au chapitre de la presse privée. Nous n’oublions pas le rôle majeur joué par la presse politique de l’époque, mais cela n’est pas notre propos d’aujourd’hui. D’autres initiatives verront le jour, sous l’impulsion du Groupe Sud Communication. Sud Santé, Sud Sciences et Technologies, des éditions en wolof et pulaar, « un guide de l’électeur ou comment voter » dans les principales langues du pays pour n’en citer que quelques unes.
1994 sera l’année de la naissance de Sud Fm, 1ère radio privée sénégalaise installée à Dakar, pour ensuite essaimer dans les régions, couvrant ainsi près de 80% du territoire national avec des stations-relais et des stations productrices et émettrices, dont Sud Banjul, que les autorités de ce pays en parfait accord avec leurs homologues du Sénégal, s’empressèrent de fermer.
Le prétexte : une interview de Salif Sadio, chef rebelle casamançais donné plusieurs fois pour mort. Sa résurrection par l’entretien accordé à Sud Fm et relayé par Sud Quotidien donna lieu à une rafle effectuée au siège du Groupe, une garde à vue par fournées à la Division des Investigations Criminelles (DIC) et un procès conclu par l’acquittement des prévenus, en dehors d’un Salif Sadio hors de portée.
Auparavant, une série de procès avait tenu en haleine le pays, dont la fameuse affaire Compagnie sucrière sénégalaise contre Sud Communication.
Ousmane Camara, alors premier Président de la Cour Suprême dans l’affaire dite de la « tontine des juges » (Sud Hebdo). Abdou Diouf soi-même contre Sud avec mandat de dépôt fort heureusement annulé inextremis, suite à un article « Diouf lave plus blanc que Loum » à propos de l’affaire du « sucre roux d’aspect blanchâtre ». Ces quelques rappels factuels, sont nécessairement des raccourcis de situations autrement plus complexes dans la quête et l’affirmation d’un journalisme d’engagement citoyen.
Ces faits, chaque fois, ont été l’occasion d’une introspection et d’une remise en cause à l’interne, tant il est vrai que l’on ne sort jamais indemne de telles confrontations à répétition et de longue durée.
Il n’empêche. L’esprit d’initiative et l’option de diversification plurielle et pluraliste ont amené Sud à investir d’autres domaines avec la création d’une structure de productions audiovisuelles (Sud Prod- Sen Vision), d’un institut supérieur d’enseignement aux métiers de l’information et de la communication des nouvelles technologies (Issic), d’une chaîne de télévision par satellite, « La Chaine Africaine », diffusant de Paris, la capitale française et couvrant l’Europe, le Proche et Moyen-Orient, l’Afrique et sa diaspora, un portail Internet, Sudonline, une agence de distribution de presse (Marketing Presse) .
La dernière période aura cependant été celle d’un reflux dans les activités du Groupe, à la suite d’évènements et de situations que nous n’avons pas pu ou su maîtriser, ponctués d’échecs et de revers, de réussite également, mais toujours vécus avec dignité et courage, par ceux et celles qui sont restés fidèles et loyaux à l’idéal et aux valeurs partagées.
Parmi ceux-là et celles-là, en ligne de front, les membres des différentes rédactions, de l’Issic, de l’administration, techniciens, personnel de soutien, fournisseurs et partenaires. Les compagnons, amis, confrères qui, en dépit d’engagements nouveaux et novateurs sur d’autres fronts, continuent à nous gratifier de leurs chaleureuses et fraternelles contributions, loin de toute publicité, faisant vivre, en ces temps devenus compliqués, la foi en un journalisme de bonne foi, honnête au possible et soucieux de participer à l’érection de garde-fous, qui, dit-on, ne sont mieux gardés que par les fous eux-mêmes. C’est cela la galaxie Sud qui permettra d’aborder la suite de l’aventure avec de nouvelles générations.
Le flambeau est en train d’être repris par des professionnels et des techniciens imprégnés de la culture et de l’esprit fondateurs et surtout plus à même de performer dans un environnement concurrentiel difficile.
Les fonctions initiales d’opérationnalité et d’encadrement devront être reprofilées, redynamisées et distinguées des fonctions managériales et de marketing qui ne devront plus être cumulées comme aux temps héroïques –archaïques ?- des émergences.
Dans douze mois, Sud aura vécu (et survécu) un quart de siècle. 25 années d’expérimentation, d’initiatives, parsemées d’épreuves, d’échecs. De quelques succès aussi. Cela s’évalue tous les jours, tous les instants par les différents publics auxquels nous nous adressons et qui sont notre seul référentiel, l’unique réceptacle de nos loyautés et de notre fidélité à nos valeurs et à nos principes. Un deadline : l’année 2011 devra être celle du parachèvement de la nouvelle entité et de la consécration de ce nouveau départ, de cette re-naissance. 25 ans après la première parution de Sud. C’est sur ce terrain et seulement ce terrain là que nous souhaitons voir s’engager l’avenir du Groupe pour les 25 prochaines années. Cette relance se fera avec l’appui plein et entier des anciens, avec responsabilité et disponibilité pour accompagner les nouvelles équipes qui feront de Sud, une entité assainie, viable et performante, apte à relever de nouveaux défis avec l’émergence d’une nouvelle jeunesse. D’une nouvelle Genèse.
sudonline.sn
Sud, une famille ! par Madior Fall
En 24 ans, Sud tant dans le paysage médiatique national que sous régional a prouvé l’aventure et le mouvement en marchant. Il s’est employé avec les autres, tous les autres qui partagent avec lui la même conception du rôle social des masses médias dans notre continent à satisfaire à la quête insatiable pour une information plurielle et de qualité d’une opinion nationale et continentale de plus en plus exigeante qui apprend chaque jour à commercer plus intelligemment avec l’information que lui livrent les professionnels de l’information et de la communication sociale.
Tant mieux pour la démocratie et la culture d’une citoyenneté qui s’affirme en Afrique. Malgré les vicissitudes et les aléas d’une conjoncture politico-économique nationale des plus défavorables, le groupe Sud Communication est resté debout, digne et fier. Heureux de remplir quotidiennement par le biais de tous ses supports, sa fonction sociale d’informer juste et vrai. Une responsabilité qu’il s’évertue à endosser à équidistance de toutes les coteries, tendu seulement vers l’agrément d’un auditoire et d’un lectorat qui se recrute dans toutes les couches et segments de la société aussi bien dans son pays, le Sénégal qu’à travers le monde entier grâce à la magie de l’Internet. Notre société permet de plus en plus au citoyen de bénéficier d’un plus grand accès à l’information, qui est elle même aussi plus réactive et plus participative qu’il y a quelques années.
Chacun peut lire, surfer, échanger de manière plus efficace qu’autrefois. C’est tant mieux. Cela n’a pas toujours été le cas. Que de combats ont du livrer les « premiers » et les pionniers pour que le droit à l’information et celui d’informer deviennent un acquis indiscutable !
Sud est un esprit. Un esprit qu’ont su forger ses bâtisseurs et leurs compagnons que sont Babacar Touré, Abdoulaye Ndiaga Sylla, Amadou Moctar Guèye Sidy Gaye, Moussa Paye, Ibrahima Fall, regretté petit chef, Ibrahima Bakhoum, Cherif Elvalid Seye, Vieux Savané, Abdou Latif Coulibaly pour ne citer que ceux-là et qu’entretiennent ceux qui tentent aujourd’hui de marcher sur la trace des aînés qui les accompagnent en leur indiquant le chemin.
Certains de ces ainés dont les plumes ou les voix sont de plus en plus réclamées par une frange importante de l’opinion ont promis de revenir et de (re)apporter leur concours à l’encadrement de la jeune génération et à la production au moment où le pays est à la croisée des chemins. A ce propos, Babacar Touré et Abdoulaye Ndiaga Sylla ont donné leur accord pour nous gratifier du produit de leurs réflexions, selon leur inspiration ou à la demande.
Oui, Sud est une famille. Une famille de professionnels de l’information et de la communication sociale certes, mais et avant tout une famille de militants pour un pays, le Sénégal, d’un continent : l’Afrique. Militants d’un développement endogène et de la démocratie dans ce qu’elle a de fondamentale, c’est-à-dire le droit à l’expression, au savoir et à la connaissance qui fassent reculer l’ignorance handicapante du plus grand nombre. Dans ce combat là, Sud se veut toujours à la pointe. D’autant plus que ses animateurs ont joué leur participation dans ce qui s’est fait ces 30 dernières années au Sénégal, sur le Continent et ailleurs dans le cadre de la défense et l’illustration des principes universels du journalisme et de l’organisation du secteur de la presse.
Depuis la création de l’amicale des anciens du Cesti, l’Union des professionnels de l’information et de la communication (Upincs) au Synpics, la rénégociation de la convention collective, la création de l’Union des journalistes de l’Afrique de l’ouest (Ujao), la redynamisation de l’ Union des journalistes africains (Uja), les mulitples colloques internationaux sous l’égide de l’Unesco sur la communication sociale (Paris-Windhoek), l’élaboration de législation sur la presse dans certains nombre d’Etats africains…
L’intégration significative de l’Association mondiale des journaux, la coopération avec de nombreuses écoles de formation à travers le monde, des missions d’élaboration et de suppervision du rôle des journalistes dans le cadre d’élections en Afrique et le renforcement des capacités des journalistes spécialisés etc. J’en passe.
sudonline.sn