BEYROUTH (AP) — Après l’Arabie saoudite dimanche, le Koweït et Bahreïn ont à leur tour décidé lundi de rappeler leurs ambassadeurs en Syrie pour consultations. Le régime de Bachar el-Assad, qui intensifie la répression en plein Ramadan, semble de plus en plus isolé: même ses voisins arabes sortent de leur silence pour dénoncer les violences et appeler au dialogue.
Le même jour, l’agence de presse officielle syrienne SANA annonçait le remplacement du ministre de la Défense par le chef d’état-major des armées, le général Daoud Rajha. Selon SANA, le général Ali Habib, en poste depuis 2009, a cédé son poste en raison de problèmes de santé.
Ce remaniement survient alors que l’armée syrienne poursuit ses opérations dans les principaux foyers de la contestation. Les tirs d’artillerie et de mitrailleuses ont repris tôt lundi dans la ville de Deir el-Zour, dans l’est du pays (450km à l’est de Damas), selon les Comités locaux de coordination, qui organisent et rendent compte de la protestation. Au moins 42 personnes y avaient été tuées la veille, d’après des organisations syriennes de défense des droits de l’Homme.
« Nous avons entendu de très fortes explosions et maintenant il y a des tirs par intermittence », rapportait un militant syrien de Deir el-Zour, qui a requis l’anonymat. Il a ajouté que les habitants étaient trop terrifiés pour transporter les blessés jusqu’aux hôpitaux publics et préféraient les soigner chez eux ou dans des hôpitaux de fortune.
Les forces syriennes sont par ailleurs « entrées » dans la ville de Maaret al-Nouman, dans la province septentrionale d’Idlib, selon les Comités. Elles « empêchent les habitants d’entrer ou de sortir de la ville », ont déclaré les Comités locaux de coordination.
Plus de 300 personnes auraient été tuées au cours des sept derniers jours, les plus meurtriers de cinq mois de contestation contre le régime du président Bachar el-Assad.
Lundi, l’agence officielle SANA a annoncé lundi que l’armée se retirait de Hama, dans le centre du pays, au terme d’une opération de « protection des civils ». Depuis plus d’une semaine, les militaires menaient des raids dans cette ville de 800.000 habitants, au coeur de la contestation. L’électricité, le téléphone et l’accès à Internet avaient été coupés, des quartiers bombardés et des chars envoyés dans la ville.
Des journalistes ont été emmenés dimanche soir par les autorités pour une visite de l’hôpital national de Hama, géré par le gouvernement. Un médecin, le Dr Mohammed al-Omar, leur a affirmé que la plupart des corps transportés à l’hôpital étaient ceux de membres des forces de sécurité tués par des groupes armés. « Nous avons 17 cadavres à l’hôpital », a-t-il dit alors qu’un membre des services de sécurité se tenait derrière lui.
Par ailleurs, les forces de sécurité ont tué au moins trois personnes pendant des funérailles lundi à Daraa (sud), selon l’Observatoire syriend es droits de l’Homme, basé à Londres. Parmi ces victimes figurerait un activiste connu, Maan al-Odat, frère d’un autre activiste exilé quant à lui à Paris, Haitham Manaa.
Un militant basé en Syrie, Mustafa Osso, a pour sa part fait état de sept morts à Daraa. Ces bilans n’étaient pas pu être vérifiées dans l’immédiat.
La répression menée par le régime Assad a suscité de vives condamnations au sein de la communauté internationale. Signe de l’indignation croissante, des pays arabes de la région se sont exprimé pour appeler à la fin des violences.
Tard dimanche soir, le roi Abdallah d’Arabie saoudite a annoncé le rappel de son ambassadeur à Damas pour consultation. Le souverain, dont le pays ne tolère aucune contestation et a envoyé des troupes aider à réprimer les manifestations anti-gouvernementales à Bahreïn, a exigé que s’arrête « la machine à tuer et l’effusion de sang ».
« Tout Arabe sain d’esprit, musulman ou toute autre personne sait que ceci n’a rien à voir avec la religion, l’éthique ou la morale. Verser le sang d’innocents pour quelque raison ou prétexte que ce soit ne mène à aucun chemin de (…) l’espoir », a dit le roi d’Arabie saoudite dans un communiqué.
Le ministre des Affaires étrangères de Bahreïn, Khalid bin Ahmed al-Khalifa, a annoncé lundi sur son compte Twitter officiel que l’ambassadeur à Damas était rappelé pour consultation. Plus tôt dans l’année, Bahreïn a connu le soulèvement populaire le plus important dans un pays du Golfe depuis le début du printemps arabe. Ses voisins, emmenés par l’Arabie saoudite, ont prêté main forte aux autorités pour réprimer les manifestations.
Le Koweït a également rappelé son ambassadeur en Syrie, selon un communiqué du vice-Premier ministre et chef de la diplomatie Cheikh Mohammad Sabah al-Salem Al Sabah, cité par l’agence de presse officielle KUNA. Il a précisé que les chefs de la diplomatie du Golfe comptaient se réunir bientôt pour évoquer la situation en Syrie.
De son côté, la Jordanie a exhorté Damas au dialogue tout en s’abstenant de condamner les autorités syriennes. Le chef de la diplomatie jordanienne, Nasser Judeh, cité lundi par l’agence de presse officielle Petra, a qualifié les violences d' »inquiétantes » et appelé Damas à mettre en oeuvre les réformes promises. Mais il a également tenu à dire qu’Amman ne cherchait pas à s’ingérer dans les affaires intérieures de son voisin.
Selon des militants et des associations de défense des droits de l’Homme, plus de 1.700 personnes sont mortes dans la répression de la révolte depuis mars. Un bilan contesté par le régime de Damas, qui pointe du doigt un complot fomenté à l’étranger. AP
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