Si pour le Pr Jean Mariel Nzouankeu, «le Conseil constitutionnel ne peut être saisi de la question de la recevabilité de la candidature du Président Wade à l’élection présidentielle de 2012 comme juge de la conformité à la Constitution », pour d’autres constitutionnalistes, comme Ismaëla Madior Fall et Abdoulaye Dièye, tous deux enseignants à l’Ucad, le Conseil Constitutionnel a l’obligation de se prononcer sur la recevabilité ou non de la candidature du Président sortant, Me Abdoulaye Wade. Chacun a posé ses arguments pour défendre sa thèse.
Le débat sur la compétence du Conseil Constitutionnel à se prononcer sur la recevabilité ou non de la candidature du président sortant, Me Abdoulaye Wade, à la présidentielle de février 2012, divise les juristes.
Pour le constitutionnaliste Abdoulaye Dièye, enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) est catégorique : le Conseil constitutionnel est dans l’obligation de se prononcer sur la candidature du présidant sortant, Me Abdoulaye Wade. Et cela au regard de la loi 92-93 du 30 mai 1992 sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi n 99-71 du 17 février 1999 qui indique à son article 2 sur les compétences du Conseil constitutionnel : « Conformément aux dispositions des articles 24, 25, 28, 29, 31 et 35 de la Constitution, le Conseil Constitutionnel reçoit les candidatures à la présidence de la République, arrête la liste des candidats, statue sur les contestations relatives aux élections du président de la République et des députés à l’Assemblée nationale et en proclame les résultats… ».
Mais même, dit-il, dans l’hypothèse où le Conseil constitutionnel se dit incompétent en brandissant les articles 27 (Ndlr, La durée du mandat du Président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire) et 104 ( Ndlr, Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme.Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables), de la Constitution de janvier 2001, le Code électoral donne la possibilité à chaque candidat de contester la liste des candidatures. Et c’est l’article L 0. 118 du code électoral qui le précise : Le droit de réclamation contre la liste des candidats est ouvert à tout candidat. Les réclamations doivent parvenir au Conseil Constitutionnel avant l’expiration du jour suivant celui de l’affichage de la liste des candidats au Greffe. Le Conseil Constitutionnel statue sans délai ». Le constitutionnaliste Abdoulaye Dièye en conclut que le Conseil constitutionnaliste a les mains liées pour se prononcer sur la recevabilité ou non de la candidature de Me Wade.
C’est aussi l’avis de Me Doudou Ndoye, interrogé par nos confrères de Walf qui soutient que les cinq sages ne peuvent pas ne pas se prononcer sur la candidature du Président sortant.
Pour le Pr Jean Mariel Nzouankeu, est d’avis contraire en soutenant, dans une contribution publiée dans la presse, que «le Conseil constitutionnel ne peut être saisi de la question de la recevabilité de la candidature du Président Wade à l’élection présidentielle de 2012 comme juge de la conformité à la Constitution». Il ajoute que même si c’est le cas, «le Conseil serait compétent pour l’examiner».
Le Professeur explique « qu’aucune disposition de la Constitution, ni de la loi organique relative au Conseil Constitutionnel, ni du Code électoral, ni d’aucune autre loi organique ne prévoit que le Conseil constitutionnel peut être saisi pour constitutionnalité (ou inconstitutionnalité) d’une candidature à l’élection présidentielle».
D’autre part, M. Nzouankeu écrit qu’en l’état actuel des textes et de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, «la juridiction ne peut, en tant que juge des élections, apprécier d’office, ou suite à une réclamation intentée par un candidat, la recevabilité de la candidature du Président Wade à l’élection présidentielle de 2012 au regard des articles 27 et 104 de la Constitution actuelle». Le spécialiste du droit explique : «Aucune disposition de la loi organique sur le Conseil Constitutionnel, ni du Code électoral, notamment en ses dispositions relatives à l’élection du président de la République, ne renvoie aux articles 27 et 104 de la Constitution qui réglementent le nombre et la durée des mandats présidentiels ».
Le constitutionnaliste Ismaëla Madior Fall, enseignant agrégé de l’Ucad bat en brèche cette thèse du Pr Jean Mariel Nzouankeu : « Bien que statuant en matière électorale, le Conseil sera obligé de trancher cette question qui est une des conditions de recevabilité de la candidature du Président sortant. Soutenir, ainsi cela a été curieusement fait à partir d’une exégèse simpliste des textes, que le Conseil ne doit pas connaître de cette question, c’est admettre, qu’en dépit de la clause limitative des mandats présidentiels, un Président en fonction pourra se présenter plus de deux fois parce qu’il n’y a aucune autorité au Sénégal habilitée à déclarer sa troisième ou quatrième candidature non conforme à la Constitution », dit-il dans une contribution publiée dans la presse. Il poursuit la réflexion en indiquant que « Le principe de la limitation des mandats présidentiels, valeur cardinale du régime politique sénégalais ne pouvant être modifié que par référendum, pourrait alors allégrement être violé, sans que la violation ne puisse faire l’objet de sanction ».
Et « Le Conseil dirait ainsi : « la Constitution interdit au Président de faire un troisième mandat, mais ce n’est pas notre problème parce qu’aucune disposition du droit sénégalais ne nous a habilité à vérifier la recevabilité de la candidature du Président sortant par rapport au principe constitutionnel de limitation des mandats … ». Mais pour le constitutionnaliste, « Il n’y a pas pire manière d’invalider une disposition sacralisée du système constitutionnel. C’est là, à l’évidence, une absurde invite au Président de rester au pouvoir, même après épuisement du nombre de mandats permis par la Constitution.
C’est, à notre sens, faire preuve d’un normativisme débordant que de soutenir que le Conseil ne peut pas se prononcer sur l’inconstitutionnalité, même manifeste, de la candidature du Président sortant ». Le plus grand acquis, dit-il, démocratique de la Constitution de 2001 (le cantonnement temporel de la fonction présidentielle par la limitation des mandats) serait laissé à l’appréciation du Président de la république qui, placé ainsi au dessus du pouvoir constituant, jugerait seul souverainement de sa volonté de briguer autant de mandats qu’il désire.
Le juriste soutient que « le Conseil doit, de son propre chef, vérifier la conformité des candidatures conformément aux articles énumérés, mais il a l’obligation de soulever d’office une violation manifeste d’un principe sacré de la Constitution ». Et « A supposer qu’il ne le fasse pas d’office, il devrait, à tout le moins, connaître des griefs notamment de nature constitutionnelle soulevés par un candidat sur la candidature d’un concurrent.
Statuer sans texte au nom de l’impératif de défense de la Constitution et de la démocratie ne serait d’ailleurs pas une première de la part du Conseil : ceux qui suivent la jurisprudence de cette juridiction[14] savent qu’en matière électorale, le Conseil a eu, lors de la présidentielle de 1993, à considérer que « malgré le silence des textes, il a l’obligation de se prononcer sur la question portée devant lui ; qu’en effet, ni le silence de la loi, ni l’insuffisance de ses dispositions n’autorisent le Conseil compétent en l’espèce, à s’abstenir de régler le différend porté devant lui ; qu’il doit prononcer une décision en recourant, au besoin, aux principes généraux du droit, à la pratique, à l’équité et à toute autre règle compatible avec la sauvegarde de l’Etat de droit et avec l’intérêt commun »[15] ». Il souligne que « la situation, qui avait poussé le Conseil à dégager cette solution, n’est certainement pas plus importante que celle liée à la question de la constitutionnalité de la candidature du Président sortant.
Si le Conseil venait, de son propre chef ou sur saisine d’un candidat concurrent, à décliner sa pleine compétence à apprécier la constitutionnalité de la candidature du Président sortant par rapport à l’article 27 (combiné à l’article 104) en considérant que cette question ne rentre pas dans le champ de ses compétences et qu’il ne lui appartient pas de trancher d’une façon ou d’une autre la controverse, il détruirait le minimum de crédibilité qui lui reste et s’auto disqualifierait pour être le juge à qui revient le dernier mot sur la régularité de l’élection ».
Pour mon ami Avocat en quête de solution ou doctrine, et aux juristes sénégalais de tous bords, » sachez qu’il y a ce qu’on appelle le principe d’Estoppel, en droit international public (DIP), qui interdit à une partie de nier une situation qu’elle a délibéremment fait naître.
Le legislateur ne saurait dans sa constitution compter des dispositions dont les interprétations desquelles divisent les citoyens en clans. Ceci expliquant cela, c’est tout comme l’histoire du voleur et l’âne…
Si vous avez la possibilité d’opter entre deux ou plusieurs solutions; et que vous faites votre choix, la situation fâcheuse dans laquelle vous vous retrouvez aprés vous sera opposable.
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