Des combats faisaient rage lundi à Tripoli, où les rebelles étaient entrés la veille quasi sans résistance de la part des forces du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, les habitants oscillant entre crainte et jubilation.
Selon le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini, le régime du colonel Kadhafi ne contrôle désormais «pas plus de 10% à 15%» de Tripoli.
Le Conseil national de transition (CNT), l’organe politique de la rébellion, basé à Benghazi (est), se prépare à s’installer à Tripoli, désormais sous «le contrôle quasi-total» des rebelles, a annoncé son président Moustapha Abdeljalil.
Dans la nuit, les rebelles, qui ont lancé une offensive samedi soir sur la capitale, ont atteint la place Verte, un lieu symbolique où les partisans du régime avaient l’habitude de se rassembler et que les insurgés ont rebaptisée «place des Martyrs». Une foule en liesse dansait et agitait des drapeaux rouge, noir et vert, aux couleurs de la rébellion.
Pour autant, les affrontements se sont poursuivis lundi dans la capitale où des témoins ont fait état d’accrochages dans plusieurs quartiers du centre-ville, notamment du côté du port, et de la présence de tireurs embusqués pro-régime sur le toit d’immeubles.
Selon une source militaire rebelle, des «tireurs embusqués ont visé la place des Martyrs», vers laquelle des dizaines d’insurgés, dans des camions, pick-up et voitures, ont convergé en milieu de journée, selon un journaliste de l’AFP sur place.
Des tirs sporadiques étaient entendus dans l’après-midi dans plusieurs quartiers, selon un journaliste de l’AFP.
Des combats avaient lieu autour de la résidence de Mouammar Kadhafi à Bab Al-Aziziya, selon un journaliste de l’AFP. Le colonel Kadhafi serait encore dans sa résidence, a indiqué à l’AFP une source diplomatique.
Dans le même temps, des affrontements ont été signalés dans les villes d’Al-Aziziya (50 km au sud de Tripoli) et d’Al-Khoms, à mi-chemin entre la capitale et Misrata (est).
Deux fils de Kadhafi arrêtés
L’offensive «Sirène» a été lancée en coordination entre le CNT et les combattants dans et autour de Tripoli, a indiqué un porte-parole du CNT, en précisant que l’OTAN était «aussi impliquée».
Des insurgés se sont infiltrés dans la capitale en arrivant par la mer de l’enclave côtière de Misrata, à 200 km à l’est, tandis que d’autres venant de l’Ouest ont réussi, après de violents accrochages, à entrer dans Tripoli dimanche en fin d’après-midi, selon un correspondant de l’AFP.
Les insurgés, qui semblent n’avoir pas rencontré une forte résistance, se sont approchés du centre de la capitale après avoir pris le contrôle de plusieurs quartiers dont Tajoura, banlieue est de Tripoli, selon les témoins.
Les habitants de la capitale étaient nerveux lundi, ne sachant pas ce qui va se passer dans les jours à venir, mais déjà heureux d’avoir vu ce qu’ils considèrent comme la fin inévitable de Mouammar Kadhafi.
Quelques heures auparavant, le colonel Kadhafi avait appelé ses partisans à «nettoyer» la capitale, dans son troisième message sonore en moins de 24h. Dimanche matin, il avait déjà martelé qu’il ne se rendrait pas et sortirait «victorieux» de la bataille de Tripoli.
L’Afrique du Sud a affirmé ne pas avoir envoyé d’avions en Libye pour permettre à Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans, de quitter le pays, tandis que Malte a jugé hors de question que le colonel Kadhafi puisse être accueilli en exil sur l’île.
Le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, a annoncé que Seif al-Islam, un fils Kadhafi, présenté dans le passé comme le futur successeur de son père et qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes contre l’humanité, avait été «arrêté». Les rebelles ont également arrêté un autre fils de Kadhafi, Mohamed, ont-ils indiqué.
Appel à déposer les armes
Mahmoud Jibril, l’un des principaux responsables du CNT, a demandé aux rebelles de s’abstenir de toute vengeance. Il les a également mis en garde contre des «poches de résistance (pro-Kadhafi) dans et autour de Tripoli», soulignant que «le combat n’est pas terminé».
Dans l’Est libyen, la rébellion a appelé les forces encore fidèles au colonel Kadhafi à déposer les armes à Brega.
Les ambassadeurs de Libye à Koweït et à Damas ont annoncé leur ralliement à la rébellion.
Pour le président américain Barack Obama, le régime «a atteint le point de non-retour» et le «tyran» libyen doit partir pour éviter un bain de sang.
Le secrétaire général de l’Otan Anders Fogh Rasmussen a estimé de son côté que «le régime de Kadhafi s’effondre clairement».
La France a proposé une réunion du groupe de contact sur la Libye la semaine prochaine à Paris. Le président français Nicolas Sarkozy a appelé les pro-Kadhafi à cesser «immédiatement» le feu» et «condamné avec la plus grande fermeté les appels irresponsables et désespérés» du colonel libyen à poursuivre les combats.
Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) va de son côté tenir dès lundi une réunion d’urgence, afin «d’engager des discussions avec toutes les parties en Libye (…) pour trouver des solutions pacifiques».
L’UE et Londres ont affirmé que la fin du régime était proche, le premier ministre britannique David Cameron estimant que le colonel Kadhafi «bat en retraite» et «doit arrêter le combat», tandis que Berlin appelait Mouammar Kadhafi à renoncer au pouvoir, estimant qu’il a «perdu toute légitimité». Rome l’a appelé à se rendre pour «épargner à son peuple de nouvelles souffrances».
La Chine a déclaré «respecter le choix du peuple libyen et espère un retour rapide de la stabilité en Libye» alors que la Russie a dit attendre un transfert «imminent» du pouvoir aux rebelles.
La Ligue arabe s’est pour sa part dite «totalement solidaire» des rebelles libyens. L’Organisation de la coopération islamique (OCI) a félicité le peuple libyen pour «la réussite de sa révolution».
AFP