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Jeux de hasard : le ramadan ne freine pas l’ardeur des parieurs

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Le Ramadan n’a pas douché leur ardeur, loin de là. Les adeptes du Pari mutuel urbain (Pmu) continuent de jouer de plus belle.

Agence de la Loterie nationale sise sur l’avenue Cheikh Anta Diop, à un jet de pierre du Canal 4 et de l’école primaire Les Manguiers. Il est 9 heures 30. L’endroit est plongé dans un calme plat. Un vigile veille à l’entrée. A l’intérieur, on atteint d’abord une sorte de cour où sont disposées des banquettes. A droite, trois hommes sont scotchés aux images diffusées par un poste téléviseur placé sur une étagère.

Machinalement, leur regard va du petit écran aux piles de papiers qu’ils tiennent en main. Ils griffonnent, rayent, encadrent comme s’ils faisaient des exercices de mathématiques. Tout à fait de l’autre côté du bâtiment, près des anciens guichets qui servaient à la centralisation des paris, comme s’il voulait se mettre à l’abri des regards indiscrets, un vieil homme, barbe blanche, maigrichon, emmitouflé dans une djellaba beige, est tout à ses chiffres. Il décline, un sourire au coin, notre invitation à une petite discussion. Sans nous laisser le temps de placer un autre mot, il s’est retourné sur lui-même, comme pour dissimuler ses paperasses. Devant cette tentative infructueuse, le vigile, qui suivait sans doute la scène de loin, conseille : « Revenez vers 11 heures. Il y aura du monde et peut-être que vous aurez quelqu’un avec qui échanger ».

 

Un choix entre favoris et outsiders

 

A l’étage, ce sont les bureaux, dont celui du chef de l’agence M. Dioum : « je n’ai été affecté ici que depuis quelques jours, mais je sais que le Ramadan n’a en rien influé sur nos taux de vente. Il n’y a pas une grande variation des chiffres réalisés. On vend bien comme d’habitude », renseigne-t-il. Et M. Dioum d’assurer que c’est la même tendance dans toutes les autres agences. Ce que confirme Yahya, un des vendeurs, même s’il reconnaît qu’au début du Ramadan, une petite baisse d’affluence avait été notée : « cela n’a duré que deux ou trois jours. Depuis, nous avons retrouvé l’ambiance des jours d’avant Ramadan ». Il ajoute, avec un brin d’ironie : « mieux, à mon guichet, je reçois ces derniers jours beaucoup plus de parieurs ». Et conclut : « c’est peut-être la fête de la Korité qui profile qui justifie cela », une large banane fendant son visage barbu.

Entre-temps, la cour de l’agence, clairsemée quarante minutes plus tôt, a changé de décor. Les banquettes et certains coins ont été investis par une cinquantaine de parieurs. Dans ce méli-mélo et le brouhaha des discussions, notre vieil homme est maintenant en grande conversation avec un autre parieur moins âgé. Les échanges tournent autour de la course du jour et surtout sur « La Courtille », un cheval qui n’est pas favori mais qui, selon le vieux parieur, pourrait créer la surprise.

Dans le bâtiment de fond, l’ambiance est moins bruyante. Une vingtaine de personnes assises sur des bancs, sont concentrées sur leurs paperasses noircies de chiffres. Seul le son des postes téléviseurs brise le calme qui règne ici. De temps à autre, un parieur se lève, un petit bulletin strié de cases rouges en main et se dirige vers l’un des quatre guichets situés juste à côté. Ici, c’est la salle réservée aux paris dits Plr (Pendant la réunion) dont la mise est de 500 francs Cfa. Le parieur mise sur une course qui se déroule en direct et s’il gagne, il empoche tout de suite son argent.

« Chaque jour, il y a entre deux ou trois réunions. Et dans chaque réunion, il y a entre sept et huit courses. Ce qui fait que nous pouvons avoir seize à vingt-quatre courses par jour », explique Yahya, le vendeur. Pour cette journée du mercredi, il y a deux réunions au programme pour seize courses. Selon ce vendeur, toutes ces courses peuvent faire l’objet d’une mise en Plr, mais il y en a une qui est retenue comme la course événementielle ou Alr (Avec la course) avec une mise de base de 200 francs Cfa et dont les gains sont payés à partir du lendemain.

A 10 heures trente, la première course Plr commence. Elle se passe à l’hippodrome Saint-Malo sur une distance de 1.800 mètres. Chez les parieurs qui avaient misé, la concentration est au maximum. Parfois, c’est un coup de menton par-ci, par-là, comme pour pousser son cheval à la victoire. Un parieur en boubou bleu ne tient plus sur son banc. Il se lève et s’approche du poste téléviseur, le regard anxieux. Les étalons franchissent la ligne d’arrivée. L’ordre d’arrivée s’affiche à l’écran. Le bonhomme consulte son ticket de jeu qu’il avait en main. L’expression de son visage et la moue à ses lèvres indiquent qu’Elimane Sakho a perdu. Nullement découragé, il ravale sa déception et s’en retourne prendre d’autres tickets pour miser sur les courses suivantes. S’il en faut, il misera sur toutes les courses de la journée, c’est-à-dire une toutes les trente minutes. Et le Ramadan dans tout ça ? Elimane, sans doute gêné et surpris par la question, lâche, laconique : «ça fait rien ! »

 

Quand l’espoir nourrit son homme

 

Deux courses Plr plus tard, l’ambiance monte d’un cran. C’est bientôt la course la plus attendue de la journée : l’événementiel qui doit débuter à 11 heures 50 minutes. Les tractations vont bon train. « Couplet placé « 7-9 », »7-9 », « 7-9 » s’égosille un homme moustachu en faisant le tour de la salle Plr et de la cour. Il fait partie de ces paumés qui squattent l’agence et qui cherchent une ou deux autres personnes pour miser leurs maigres ressources, des adeptes du « mbaxal », comme on dit dans ce milieu. Il ne tarde pas à trouver un partenaire et s’empresse d’aller jouer la combinaison.

Du « mbaxal » c’est ce qu’ont également fait Aldiouma Diallo, vendeur de café à l’entrée de l’agence et son compatriote Ibrahima Diallo.

Le Ramadan ne les ayant aucunement dissuadés de jouer. « Même en temps normal, le jeu de hasard est interdit. Moi, je n’ai pas le choix, je suis pauvre et je reste persuadé que le seul moyen de m’en sortir, c’est de gagner au Pmu », se justifie Ibrahima.

La grande course est enfin lancée. Les discussions et pronostics sur tel ou tel cheval s’estompent. L’heure est à la concentration. Les plus anxieux quittent leur banc et vont se placer debout le nez presque collé à l’écran. A mesure que la course se poursuit, des gestes de dépit fusent de part et d’autre. Soit un cheval sur lequel on avait misé s’est fait larguer par ses concurrents, soit il a été éliminé pour avoir galopé alors que la course se fait au trot. Trois tours de pistes plus tard, c’est la fin.

Personne parmi la foule de parieurs n’a exulté. On maudit tel cheval, on suppute sur tel autre. Pourtant dans cet univers infernal des jeux de hasard où ne se rencontrent quasiment que des hommes, on se nourrit toujours d’espoir. Même le Ramadan ne peut dissuader les accros du jeu.

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