La pluie est signe de clémence divine, dans l’imagerie populaire musulmane, mais aussi pour toute la communauté paysanne. Pour les habitants des cités modernes et des zones inondables, par contre, un orage est toujours source de désagréments, en raison de conditions d’existence qui constituent la réalité de la cité. En ce matin de l’Aïd el fitr (korité), la pluie s’est invitée à la fête, empêchant de nombreux Dakarois d’aller s’acquitter d’une importante action de grâce, la prière surérogatoire de l’Aïd.
Il a plu à Dakar, en cette matinée du mercredi 31 août 2011, rendant certaines rues impraticables, mais surtout les lieux de prière, comme le nouveau site des Mourides, «Massaalikoul Jinaan», délocalisé dans le quartier dit «Cerf-volant», une zone propice aux inondations. Ces derniers jours d’ailleurs, comme lesenegalais.net l’a montré à travers une éloquente prise de vue de notre photographe-maison, Nacer, des bulldozers ont été très actifs sur les lieux pour évacuer les eaux stagnantes, afin de permettre à la communauté d’y accomplir ses obligations religieuses.
Malgré tous ces désagréments, armés de leur seule foi, les fidèles sont tout de même sortis, qui sous un parapluie, qui vêtu d’imperméable, pour sacrifier à la traditionnelle prière de l’Aïd el fitr. Ce ne fut certes pas le rush habituel, mais l’esprit et la foi y étaient.
Chez le petit peuple aussi, korité rime avec fête, ce qui sous-entend bombance, ripaille et liesse. Tôt le matin, on se gave de «laax» (sanglée : patte de mil recouverte de lait), avant d’aller à la prière. Au retour, petite dégustation avant le grand repas de midi, dont le menu ne varie presque jamais : «ceebu yapp» ou riz à la viande (de poulet de préférence). Quant aux enfants, leur seule préoccupation, c’est le port de l’habit neuf pour accompagner papa à la Mosquée, pour les garçons ; et pour les filles, la finition des tresses entamées la veille, après qu’on ait fini de faire la corvée des tailleurs.
En début d’après-midi, débute la vraie fête pour eux, les enfants. Parés de leurs plus beaux atours, ils visitent les maisons voisines, se rendent chez quelque parents habitants des zones un peu plus éloignées, interpellent les grandes personnes croisées dans la rue, le tout avec un petit mot à la bouche : «damay ñaan ndewenal» (je demande des étrennes). Aucun cadeau n’est refusé, mais aucune contrainte aussi n’est faite. Certains répondront, sans mettre la main à la poche : «nañu fekke dewèn !» (Que Dieu nous prête vie, jusqu’à l’année prochaine).
Au cours de la journée, nous reviendrons sur les différentes célébrations de cette fête de korité, particulièrement sur les sermons des imams, moments privilégiés pour ces «porteurs de voix» pour faire des prêches dans tous les sens. Des hommes politiques en profitent, également, sollicitant des prières –des soutiens politiques plutôt, surtout en cette veille d’élection–, affichant des accointances particulières avec certains guides religieux, non sans lancer des messages politiques. C’est tout cela le charme des fêtes religieuses au Sénégal.