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Sorciers blancs (Les) Enquête sur les faux amis français de l’Afrique

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Hugeux Vincent – Sorciers blancs (Les) Enquête sur les faux amis français de l’Afrique
Documents

Des sorciers blancs pas très clairs, des journalistes marron ou grisés, des profs de droit aux noirs desseins : cette enquête est un périple au royaume coloré des faux amis français de l’Afrique. Ces experts, tantôt illustres, tantôt méconnus, qui prétendent servir le continent et se servent de lui pour mieux doper leur ego, leur carrière ou leur compte en banque.

Car l’Afrique, trop aimée pour n’être pas mal aimée, rend fou. Bien peu de ceux qui s’y aventurent échappent au virus : il est tellement facile, en apparence, d’y jouer les conseillers de l’ombre, les faiseurs de rois, les Machiavel tropicaux, les magiciens constitutionnels ; et l’on y rapièce tant d’ambitions effilochées sous nos frimas…

Par chance, les sirènes africaines envoûtent souvent des personnages au destin romanesque. On croise donc au fil des pages d’étranges pèlerins, escrocs de haut vol et gourous blancs, dont certains hantent aussi depuis des lustres la scène politique, juridique et médiatique hexagonale. Beaucoup, d’ailleurs, se sont cassé les dents sur l’Afrique, cet autre bûcher des vanités.

Grand reporter au service Monde de L’Express, familier du continent noir, l’auteur pimente de scènes vues et de portraits un récit nourri des confidences glanées à la faveur de près de 80 entretiens.

Un réquisitoire ? Bien sûr. Mais le ton est plus ironique que véhément, plus amusé qu’amer. Pour autant, ce voyage ébauche en filigrane l’acte de décès d’un lien archaïque entre la France et les potentats qui régentent encore son ancien empire colonial.

Parution : 2007 – 342 pages – 13,5 x 21,5
Code ISBN : 978-2-213-62698-7:
Code Hachette : 3528981

[extrait] LA CÉCITÉ DES VIGIES

Où l’on voit un Fenech et quelques renards des prétoires regarder d’un oeil distrait l’Afrique au fond des urnes …

[…] Non content de prendre la plume, le pèlerin constitutionnel chausse volontiers ses lunettes pour veiller d’un œil avisé sur le bon déroulement d’un processus électoral. Statut très convoité. On a vu un universitaire chevronné sommer la collègue chargée d’orchestrer la couverture du référendum constitutionnel mauritanien de l’inclure dans la liste. « Le directeur de cabinet du président, argua-t-il alors, exige que j’en sois. » S’il exige … D’autres, à l’inverse, peuvent décliner une invitation pour un motif honorable. «J’ai refusé d’aller au Congo-Brazza pour le compte de la Francophonie, avance Charles Zorgbibe. Ayant participé à l’élaboration du pacte de Sassou Nguesso pour la résolution des conflits, je ne voulais pas être juge et partie 1.» Là encore, le pire côtoie le meilleur. Et il arrive que d’éminents « observateurs» – profs de droit, magistrats ou avocats n’observent qu’un silence suspect, voire complice. Parfois, la myopie de ces vigies démocratiques relègue la mission au rang de farce. Tel fut le cas au Gabon, théâtre, lors de la présidentielle de décembre 1998, de la désolante équipée d’une douzaine de magistrats et d’avocats, dont Mes Francis Szpiner et Gilles-William Goldnadel, venus cautionner aux frais de la présidence, et avec le concours de l’ambassade de France, un scrutin douteux. Leur cornac? Robert Bourgi, disciple de Jacques Foccart, inlassable fantassin de la Françafrique chiraquienne et avocat du sortant•• Omar Bongo, qu’il appelle « Papa ». Un pacte intime lie les deux hommes : à Paris, Bourgi chaperonne la fille que Bongo a eue de Chantal Myboto, fille d’un baron du régime saisi en 2005 par le démon de la dissidence. Dans la lettre qu’il adresse le 28 novembre à l’émir de Libreville pour l’informer des préparatifs de la mission, l’avocat se réjouit d’avoir recruté des observateurs présumés sûrs. Modèle de piété filiale, le courrier se termine par ces mots : «Allez Papa, vous nous reviendrez à Paris en triomphateur des élections. Dieu vous garde! Votre fidèle et respectueux Robert2• » Lui reviendra au pays avec une mallette bourrée de billets de banque, pactole destiné semble-t-il au Club 89, chapelle néogaulliste fondée par l’ancien ministre de la Coopération Michel Aurillac. Pincé à Roissy à sa descente d’avion, Bourgi persiste, huit ans plus tard, à nier, tout comme il s’évertue à minimiser son rôle de GO. «Je n’ai assisté à aucune des réunions du groupe, insiste-t-il. J’ai croisé ses membres à l’hôtel au début de leur séjour, puis ne les ai ‘plus revus. D’ailleurs, j’ignore tout de leur rapport. »

Rassurons le fiston de Bongo, détenteur par ailleurs d’un passeport diplomatique sénégalais: il n’a pas perdu grand-chose. Les sentinelles du cru 1998 arboraient les couleurs d’une Association internationale pour la démocratie (AID) fondée le 9 octobre de la même almée, soit moins de deux mois avant le vote, et trois jours après que la Fondation 1 Carter, du nom de l’ancien président américain, eut refusé de dépêcher ses émissaires au Gabon. À la tête de l’AID, un juge d’instruction bosseur et talentueux, Georges Fenech, alors président de l’Association professionnelle des magistrats (APM), -syndicat pour le moins droitier. Dire que le futur député UMP du Rhône espérait oublier à l’équateur ses soucis hexagonaux … Le 30 novembre 1998, à la veille de son départ pour Libreville, la revue de l’APM, intitulée Enjeu justice, publie un billet d’humeur nauséabond signé Alain Terrail, avocat général près la Cour de cassation. Lui-même ancien patron de l’association, Terrail y stigmatise les errements supposés d’Albert Lévy, substitut à Toulon, fraîchement mis en examen pour violation du secret de l’instruction clans l’affaire de l’assassinat de la députée Yann Piat. «Tant va Lévy au four, lit-on notamment, qu’à la fin il se brûle.» «Montage!s’étrangle l’auteur. Mon texte a été falsifié à la maquette. » Il n’empêche: frappé par l’ampleur du tollé que soulève ce lamentable à-peu-près, Fenech envisage un temps de dissoudre l’APM. Et voilà qu’au retour de son étrange escapade gabonaise il essuie un feu nourri de griefs. Alors garde des Sceaux, Élisabeth Guigou déplore que de hauts magistrats aient pu s’offrir une virée de cette nature sans aviser la chancellerie. Le financement de la mission, les 1 500 francs touchés par chacun de ses membres «pour les frais », la complaisance du rapport: flanqué de Szpiner et Goldnadel, Fenech tentera en vain de défendre son escouade à la faveur d’une conférence de presse.

Étrange attelage d’ailleurs que celui que forment alors Fenech, éclaboussé par la prose antisémite parue dans sa revue, et Me Gilles-William Goldnadel, «juif de combat» associé à la mouvance sioniste radicale et prompt à traquer, notamment dans les médias, les indices d’une judéophobie parfois imaginaire. Président d’ Avocats sans frontières et animateur d’une Ligue intemationale contre la désinformation, Goldnadel chapeauta fIn 2000 au Sénat un colloque mémorable: l’ineffable Vladimir Volkoff asséna qu’au Kosovo « on [avait] péniblement déniché deux cents cadavres dont on ne sait s’ils sont serbes ou albanais », avant de glorifier 1’« incroyable» liberté de la presse russe, «alors que tout est manipulé en France ». Un autre épisode, survenu un an plus tôt, valut à Georges Fenech une mise en examen pour recel d’abus de biens sociaux: le 7 octobre 1997, le sulfureux marchand d’aimes Pierre Falcone avait en effet adressé à l’APM un chèque de 100 000 francs 1..• Si de tels faux pas ont quelque peu entravé la carrière de l’homme de loi, ils ne l’ont nullement brisée : très actif au sein de la commission d’enquête parlementaire sur le désastre d’Outreau, le député Fenech a maintes fois plaidé sur les ondes, et avec brio, en faveur d’une profonde réforme de l’instruction. De même, il préside une autre commission du Palais-Bourbon, appelée à se pencher sur les sectes et leurs ravages. […]

1. Entretien avec l’auteur, 1er juin 2006.

2. Le Monde, 9 décembre 1998. 288 DRÔLES DE PÈLERINS

www.coordiap.com CAPLC – CAP pour la Liberté de Conscience – Liberté de Religion – Liberté de Conviction

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