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Comme son ancien mentor, Idrissa Seck nous prend pour des demeurés Par Mody Niang

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Idrissa Seck a manifestement démarré sa campagne électorale. Quoi de plus normal, peut-être de plus naturel, pour un homme dont la prédestination est d’être le quatrième président de la République du Sénégal ? Un homme ayant toujours été fasciné par le numéro un, et lui seul, et qui aurait écrit dans son bloc qu’il est né pour être président de la République ? Sans doute, a-t-il tenu, au cours de ses différentes interventions, à démentir formellement cette information. Ce serait plutôt une américaine (anonyme) de la très vaste et très lointaine Amérique, qui aurait écrit les propos incriminés dans son propre bloc. La prédicatrice serait allée plus loin encore en se prononçant sur le nombre d’années que M. Seck ferait au pouvoir et sur la manière dont il occuperait son temps après l’avoir quitté. C’est lui-même qui nous donne cette version des faits que nous n’avons aucun moyen de vérifier. Et il ne s’arrête pas d’ailleurs en si bon chemin dans ses révélations d’informations (valorisantes) le concernant directement. Il tient à mettre tous les atouts de son côté pour nous convaincre qu’il est de loin le meilleur candidat pour l’exercice de la fonction présidentielle. C’est ainsi qu’il nous précise les conditions dans lesquelles il a pu faire des études à l’Université Princeton. C’est l’ancien Secrétaire d’État de Georges H. W. Bush (Senior), James Baker, qui l’aurait « découvert » à Dakar, grâce à l’ambassadeur d’alors des Etats-Unis au Sénégal. Grâce aux entregents de Mr Baker, il fera partie de six jeunes talents africains identifiés pour aller faire des études dans la prestigieuse université, prises intégralement en charge par je ne sais plus quelle fondation. L’ancien Secrétaire d’État, aujourd’hui âgé de 81 ans, passe paisiblement sa retraite dans un coin des Etats-Unis d’Amérique. Il y a une chance sur un million qu’il apprenne cette information livrée par notre brillant candidat. On peut donc lui prêter tous les propos et mettre à son compte toutes sortes de décisions. Le processus de la sélection de notre brillant compatriote devrait quand même laisser des traces – une lettre ou un document quelconque – qu’il pourrait porter à notre connaissance !
En tous les cas, depuis bientôt quatre mois, les télévisions et les radios privées, les différents quotidiens de la place et autres hebdomadaires se disputent âprement l’honneur de l’avoir comme invité. Des observateurs qui ont suivi avec attention ses différentes prestations, ont remarqué qu’il était vraiment à la fête, face à des journalistes donnant parfois l’impression d’être plutôt fascinés, voire pétrifiés par l’éloquence de l’homme. Le verbe, faut-il quand même le rappeler, n’a jamais développé un pays, fût-il des plus succulents. S’il y suffisait, la Guinée (Conakry) et Cuba feraient partie aujourd’hui des pays les plus développés, les présidents Sékou Touré et Fidel Castro ayant été des tribuns, des orateurs hors pair.
Pour revenir aux prestations du « prochain quatrième président de la République du Sénégal », il a répondu souvent avec désinvolture aux questions qui lui étaient posées. En particulier, il a rejeté en bloc toutes les graves accusations dont son « son ex-père » – son ennemi juré aujourd’hui – l’accable depuis de longues années.
En l’écoutant et en lisant ses multiples déclarations dans la presse écrite, l’homme me conforte dans ma conviction qu’il nous prend pour des moins que rien, des amnésiques prêts à avaler toutes les couleuvres. Je m’étonne d’abord qu’il nous présente aujourd’hui celui dont il se disait fièrement « le jardinier des rêves » comme un monstre, l’homme à abattre dans tous les cas. C’est comme s’il vient de le découvrir. C’est quand même lui qui rappelle à l’envi qu’il le connaît mieux que tout autre. Son ancien mentor n’a pas attendu 2011 pour nous apparaître sous le visage hideux que nous lui connaissons. Le visage a commencé à se dessiner dès les premiers mois de sa maudite gouvernance, devant Idrissa Seck.
Nous nous souvenons encore, malgré notre amnésie, que c’est lui, Idrissa Seck, qui nous apprend, dans l’un de ses fameux Cd, une terrible confidence. Aussitôt après l’installation officielle du tout nouveau président de la République, ce dernier se retrouva seul avec lui dans son bureau et lui tint ces propos qui n’auguraient rien de bon : « Diouf m’a parlé des fonds politiques et d’autres ressources. Nous en parlerons plus tard. Mais nos soucis d’argent son terminés. » Le « fils » de son « père » n’allait pas tarder à s’en rendre compte, puisqu’il se retrouva au cœur de la gestion calamiteuse des fonds spéciaux du président de la République. Nous y reviendrons d’ailleurs plus loin, ou dans une toute prochaine contribution.
Les journalistes n’ont pas manqué de l’interpeller sur ses incalculables retrouvailles-ruptures avec le président de la République, consécutives à leurs tout aussi nombreuses audiences, secrètes pour la plupart. Á la question surtout de savoir sur quels sujets portaient leurs interminables tête-à-tête, il répond avec aplomb qu’ils discutaient du pays et de ses intérêts. Il fera une réponse tout aussi renversante à une autre question sur ce fameux butin qu’il disputerait âprement à « son père », et sur les accusations graves qu’il l’aurait planqué quelque dans un paradis fiscal. Ce « butin » n’existe, ses yeux, que dans l’imagination du président de la République.
Nous serions vraiment les demeurés qu’il croit, s’il arrivait à nous faire avaler aussi facilement ces pilules. Si le fameux butin n’était vraiment q’une vue de l’esprit, comment explique-t-il ses nombreux déboires avec la justice ? Sa mise en accusation par une résolution de l’Assemblée nationale, son incarcération pendant les mois les plus chauds de l’année, ses va-et-vient devant la Commission d’Instruction de la Haute Cour de Justice, tout cela pour rien ! Et les multiples médiations et négociations à distance, par personne interposée ? Et ce fameux protocole de Reubeuss, dont les moindres détails étaient sur la place publique, du fait de la presse ou de personnes directement impliquées ?
Á tous ces déboires donc, une seule explication, selon lui : son opposition farouche à cette fameuse intention de dévolution monarchique du pouvoir. Quand même ! Tout cela pour ça, et rien que ça !
Je ne peux pas revenir ici sur tout ce qui a été dit et écrit sur ce fameux « butin » et ses multiples ramifications. Je ne m’arrêterai qu’un instant sur « Le protocole de Reubeuss », dont M. Seck nie jusqu’à l’existence. Nous avons quand même encore de la mémoire et sommes dotés tant soit peu de bon sens ! Nous nous souvenons encore que lors de son ndëpp du 1er mars 2007, le président nouvellement élu (provisoirement au moins) a brandi un document présenté comme « Le protocole de Reubeuss ». Nous gardons encore surtout en mémoire que la Notaire qui défendait les intérêts de M. Seck s’était empressée de balancer que « c’était un faux ». Pas que « c’était faux », mais que « c’était un faux ». Ce qui laissait supposer qu’il y avait un protocole authentique. Rappelons aussi que son vis-à-vis, Me Ousmane Seye, avocat de l’État, de Me Wade plus exactement, invité à l’émission « Grand Jury » de la radio privée Rfm, répondait à une question sur le même protocole, que c’en était pas un, que c’était plutôt un « accord écrit » ! Un accord écrit sur quoi ? Pour que M. Seck ne s’oppose plus à la dévolution monarchique du pouvoir ! Qu’il n’incommode plus le président de la République, en le rencontrant pour parler avec lui du pays et de ses intérêts ! Quand même !!!!!!!
Cet homme se croit vraiment plus intelligent que nous tous. Cependant, il ne nous fera jamais avaler l’amère pilule que « Le protocole de Reubeuss » n’a jamais existé. Rappelons cette grave révélation du quotidien « Walf Grand-Place » du lundi 6 février 2006, qui affirmait sans ambages être en mesure, de sources dignes de foi, de « révéler qu’Idrissa Seck (était) en train de verser de l’argent, objet de son différend avec le président Wade ». « De l’argent, précisait le quotidien, qui n’a rien à voir avec l’affaire dite des Chantiers de Thiès ». Le journal estimait le montant de l’argent que « le père » et « le fils » se disputaient âprement à quelque 60 milliards de francs Cfa et allait plus loin encore dans ses révélations. Il affirmait qu’ « un long et serré marchandage » avait permis de convaincre Idrissa Seck de verser une partie de l’argent à son « père ». C’est ainsi que, poursuivait le journal, toujours sûr de son fait, le Maire de Thiès avait déjà versé 7 milliards, devrait encore verser 10 milliards à sa sortie de prison et 10 autres dans les mois qui suivent. Ce qui ferait un total de 27 milliards sur les 60 qu’Idrissa aurait planqués quelque part dans le monde.
Ses inconditionnels seront prompts à me rétorquer que ce ne sont là que des affirmations d’un journal qui ne valent pas paroles d’évangile. Sans doute. Cependant, ces révélations gravissimes portaient publiquement atteinte à l’honneur et à la dignité de leur champion, si toutefois il en a. Curieusement, il restait muet comme une carpe devant ces graves révélations qui le couvraient de souillures . Et une affirmation de « Walf Grand-Place » en rappelle comme par hasard une autre, celle de l’ « ex-père », même si sa parole ne vaut pas toujours un copeck. Dans son ndëpp du 1er mars 2007, il lâchait : « Nous étions dans une sorte de jeu d’échec à distance. Il m’a demandé à sortir de prison. Je lui ai demandé de rapporter l’argent qu’il avait pris. Et il s’est engagé à rembourser l’argent qu’il avait pris. »
Idrissa Seck n’avait donc pas d’autres choix que de garder le profil bas, comme il le faisait, à l’époque, sur de nombreuses autres accusations particulièrement infamantes. Nous y reviendrons plus loin. En attendant, « le tout prochain président de la République du Sénégal » accréditera lui-même l’existence du fameux protocole et « le jeu d’échec à distance » dont a fait état « l’ex-père ». Profitant de son audition devant la Commission d’Instruction de la Haute Cour de Justice, il se laisse aller à un véritable déballage, ce mercredi 21 mai 2008. Je renvoie le lecteur à « L’AS » (page 4) et à deux autres quotidiens du lendemain (22 mai 2008), qui ont largement rendu compte, parfois dans les mêmes termes, de ce déballage. L’ex-Premier ministre révélera aux juges qu’il avait en face, les yeux dans les yeux, qu’à leur insu, le président de la République lui avait envoyé un émissaire le 15 novembre 2005 et un autre le 6 février 2006. Lesdits émissaires avaient porté à son attention que s’il versait l’argent des fonds politiques – en réalité celui du fameux « butin » –, il aurait un non-lieu total dans les procédures initiées contre lui devant la Commission de la Haute Cour de Justice et devant le Tribunal correctionnel. Le quotidien « L’AS » précise qu’après avoir lu devant les magistrats la fameuse proposition du président de la République qu’il qualifiera de « double abomination politique et morale », M. Seck ajoutera l’avoir fermement récusée, puisqu’il l’ « assimilait à une prise d’otage et à une demande de rançon ». Il révélera ensuite avoir reçu un troisième émissaire, en la personne du très sulfureux Me Ousmane Seye. Ce dernier lui proposa, au nom de celui qui l’envoyait, et en présence de la Notaire Me Nafissatou Diop, un non-lieu partiel dans l’affaire dite des « Chantiers de Thiès », et un non-lieu total dans l’autre affaire d’« Atteinte à la Sûreté de l’État ».
Les magistrats n’étaient pas au bout de leur surprise, surtout quand l’ex-Premier ministre précise qu’un accord a été signé en décembre 2005 et que la minute a été déposée par Me Ousmane Seye auprès du Notaire Me Sambaré Diop, passant ainsi outre l’opposition du président de la République. Il ajoutera que les autorités ont par la suite exercé de fortes pressions sur Me Nafissatou Diop qui ne cédera point. Elles se rabattront finalement sur Me Sambaré Diop pour réclamer au moins la minute. M. Seck conclut son déballage en lançant, presque triomphant : « Que tout le monde sache que j’ai gardé en lieu sûr l’original de la proposition que Wade m’a faite quand j’étais en prison. »
Je n’ai absolument rien inventé. Que les inconditionnels de M. Seck ne laissent pas passer le serpent, pour s’acharner ensuite sur ses traces ! C’est le quotidien « L’AS » qui met dans la bouche de leur patron tous les propos qui précèdent. Á l’époque, ce dernier n’a pas jugé utile de lever le plus petit doigt, ni aucune des personnes citées dans cette rocambolesque affaire.
Waaw, avec toutes ces péripéties, Idrissa Seck veut nous convaincre qu’il n’a jamais été question d’argent entre lui et son « ex-père » et que, chaque fois qu’ils se sont rencontrés, ils n’ont parlé que du pays et de ses intérêts ! Il ne nous fera pas croire non plus que, si Me Wade et son État libéral ont déployé tant de moyens contre lui quatre à cinq ans durant, c’est parce que simplement il se serait opposé à la dévolution monarchique du pouvoir que son « ex-père » nous préparait. Nous ne sommes sûrement pas aussi intelligents que lui. Nous en sommes même très loin. Cependant, nous sommes au moins en mesure de faire la part des choses, de faire la distinction entre des lampes et des vessies.
Ce texte est peut-être déjà long. Comme je tiens à sa publication, je n’en rajouterai pas. Dans une toute prochaine contribution , je reviendrai sur les autres réponses fantaisistes et mensongères pour l’essentiel, que l’ex-Premier ministre Idrissa Seck a faites aux autres questions qui lui étaient posées, lors son invitation à différents médias sénégalais. Je n’oublierai certainement pas, chemin faisant, de donner mon point de vue sur ses déclarations tonitruantes de ces derniers jours, relatives aux accusations que son ami Me Robert Bourgi a portées sur son ex-père et son ex-cousin Karim Wade. Que ses inconditionnels restent donc calmes pour le moment, et attendent que j’en termine avec leur champion ! Ils auront alors tout le loisir de me brocarder à leur guise.

Mody Niang, E-mail : [email protected]

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