– Le Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye, a annoncé, vendredi à Dakar, le retrait du projet d’affectation de 20.000 hectares à la production de biocarburants dans la communauté rurale de Fanaye (Podor, nord), ont constaté des reporters de l’APS.
M. Ndiaye a fait cette annonce, suite aux appels de certains ressortissants de la zone venus assister, en même temps que lui, à la grande prière du vendredi à la mosquée omarienne.
‘’Le gouvernement a décidé de suspendre le projet jusqu’à ce qu’il y ait un accord conciliant les différentes parties [en conflit à Fanaye]’’, a dit le chef du gouvernement, prévenant toutefois qu’au cas contraire, le projet serait ‘’délocalisé ailleurs’’.
L’annonce de la suspension n’avait pas emporté l’adhésion des ressortissants de Fanaye présents sur l’esplanade de la mosquée et qui exigeaient bruyamment, après la prière, ‘’l’abandon pur et simple du projet’’.
La société sénégalo-italienne « SenEthanol » envisageait de produire du biocarburant sur des terres revendiquées par les populations locales.
‘’Le projet est maintenant retiré pour de bon. Ce qui s’est passé là-bas n’affecte pas seulement les populations de cette zone, mais tout le pays entier compatit avec la perte de deux personnes’’, a dit le Premier ministre, accédant ainsi à la demande pressante des ressortissants de la zone qui demandaient coûte que coûte l’abandon du projet.
L’affectation de 20.000 ha au projet de production de biocarburants à Fanaye est à l’origine du conflit qui, rappelle-t-on, a occasionné deux morts et des dizaines de blessés graves, mercredi.
‘’Evoquant les évènements survenus récemment dans la communauté rurale de Fanaye, le président de la République a vivement regretté qu’il y ait eu mort d’homme. Il a, à cet effet, demandé aux ministres en charge de l’Agriculture (Khadim Guèye), de l’Environnement (Djibo Kâ) et de la Décentralisation (Aliou Sow) de lui faire une note circonstanciée sur cette situation.’’
Dans son adresse aux fidèles présents à la mosquée vendredi, le khalife de la famille omarienne à Dakar, Thierno Madani Tall, a appelé les uns et les autres à se calmer et revenir à de meilleurs sentiments.
‘’Si quelqu’un, en défendant son patrimoine ou celui de ces parents meurt, il est mort en tant que jihadiste, [car] personne ne voudra voir ses biens confisqués, ou pris illégalement’’, a-t-il dit.
‘’Mais s’il y avait eu une concertation entre les différentes parties, je crois que cette situation ne se présenterait pas. Je prie Dieu pour que cette histoire ne se répète plus et que longtemps, la région garde son calme légendaire’’.
Mais les paroles conciliantes des deux responsables et la décision du Collectif pour la défense des terres de Fanaye de reporter sa marche de protestation, n’ont pu apaiser les esprits des ressortissants de la zone.
Composés pour la plupart de jeunes et de femmes, ils ont interrompu à plusieurs reprises le discours du Premier ministre. Ils disaient à qui voulait les entendre, qu’ils allaient marcher et que personne ne pourra les en empêcher.
Le président de la communauté rurale de Fanaye, Karasse Kane, avait déclaré au quotidien Focus que ‘’le projet s’intéresse aux terres du Diéry qui n’ont jamais été cultivées depuis nos ancêtres’’. Son coût global est de 18 milliards de francs CFA sur cinq ans.
Mais, deux chefs de village sur 47 s’y opposent. Responsable local du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir), M. Kane invoque des raisons politiques à l’origine du conflit. Le porte-parole du président sénégalais Abdoulaye Wade a situé les responsabilités au niveau de la collectivité locale.
Ce projet italien propose en échanges de terres, 2.000 emplois journaliers rémunérés pour un montant estimé à 14 millions FCFA par jour, avec un montant de 500 millions pour les taxes municipales, ainsi que 800 autres millions destinés à la lutte contre la pauvreté.
AAC/ASG/SAB